L’AHA indique que si la Pression Artérielle est à moins de 130/80 à 50 ans, un sujet diminue son risque d’AVC à 70 ans.
En France, 35 à 40 % de la population a entre 130 et 140 de tension systolique, c’est absolument gigantesque. Comment s’occuper du tiers de la population pour le conseiller et le soigner ? Et bien en diffusant l’information qu’il faut avoir une vie saine. Alors, avoir une vie saine, qu’est-ce que c’est ? C’est réduire son poids ou essayer d’atteindre son poids de forme, c’est adopter une alimentation saine pour le cœur. Les Américains préconisent, parce qu’ils en ont démontré l’intérêt, de pratiquer le régime DASH (Dietary Approaches to Stop Hypertension). C’est le régime DASH qui est pour eux le plus efficace pour essayer de se maintenir aux alentours ou en dessous de 130 pour la tensionsystolique. Et il faut réduire son apport en sodium mais pas arrêter le sel. Ils ne disent jamais « il faut pas ». Le régime sans sel, non. C’est éviter les excès de sel, les aliments qui en contient trop pour leur préparation ou leur conservation, et privilégier plutôt les aliments qui sont riches en potassium.
Çela fait 20 ans qu’il faut diminuer l’apport de sodium et augmenter celui de potassium mais surtout en agissant sur les apports alimentaires. C’est-à-dire que les aliments qui sont riches en sodium, on les connaît. Pour nous c’est la charcuterie, les fromages. Les fromages les plus salés d’Europe sont les fromages italiens râpés, le parmiggiano, plus de 5 g/100g. Les gens en mettent énormément dans les pâtes, les gratins. Alors, moi, je vous donne un petit conseil que je donne à tous mes patients et que j’écris volontiers : si vous voulez mettre du fromage dans les pâtes, mettez plutôt de l’emmental râpé, du gruyère, parce qu’il n’y a que 2 g 50 de sel pour 100 g d’emmental. Alors que dans le parmiggiano, le reggiano, tous les giano, il y a plus de 5 g. C’est énorme. C’est des conseils comme cela. Alors la charcuterie, c’est pas toute la charcuterie, mais en France il y a beaucoup de gens qui aiment le saucisson, le jambon de pays. Non, il vaut mieux manger du jambon blanc que du jambon de pays. Le jambon blanc, c’est assez peu salé. De la terrine de lapin, les pâtés sont assez peu salés, même quand ils sont industriels. Connaissez-vous le fruit, légume qui contient le plus de potassium ? La banane en contient pas mal mais c’est très calorique. Donc on ne peut pas conseiller aux gens de manger une banane par jour, ils deviendraient très vite, très gros. Mais c’est l’avocat. L’avocat est très riche en potassium. Alors manger un avocat par jour, c’est calorique aussi l’avocat. Mais c’est une bonne option. Deuxième élément, tous les fruits secs. Le fruit sec le plus riche en potassium, c’est l’abricot sec. Donc on peut donner des conseils assez simples aux gens qui ne modifient pas, qui ne bouleversent pas leur alimentation. Ce n’est pas ne pas manger sans sel, ça ne sert absolument à rien. Il faut manger normalement salé, éviter les éléments trop salés et essayer d’enrichir son alimentation. C’est la base du régime DASH qui en plus met un peu en avant une chose qu’on on met pas du tout en avant en Europe et en France : les laitages. Les laitages, s’il faut qu’il soit plutôt à 0 % pour éviter de grossir trop, contiennent du calcium et le calcium c’est plutôt bon pour la pression artérielle. Dans le régime DASH, il y avait tous les jours une portion d’un laitage alléger. C’est des choses qu’on peut dire aux gens de plus de 70 ans, pour votre hypertension artérielle. De toute façon, les gens de plus de 70 ans, ils ont plus que 130 de systoliques. Plus on vieillit, plus la pression artelle systolique augmente. Donc à 70 ans, on a plutôt 140. Et donc ça pose un problème, c’est que toutes les mesures dites de de bien-être, ça s’applique surtout aux gens qui sont entre 130 et 140, et qui ont moins de moins de 50 ans. Au-delà de 50 ans, toutes ces mesures nutritionnelles, bien sûr si on fait n’importe quoi, on prendra du poids et prendre du poids, c’est le meilleur marqueur d’une vie qui n’est pas saine. On n’a pas parlé de l’activité physique. L’activité physique, ça a une efficacité très modérée, très très modérée sur la pression artérielle. Il faut en faire beaucoup, très souvent. Marcher tous les jours, on lutte contre la sédentarité, ça peut avoir des avantages tout à fait importants sur les muscles. Il faut garder son muscle quand on est vieux, donc il faut marcher tous les jours, il ne faut pas être sédentaire. Mais pour soigner une hypertension, comme on a toujours des hypertensions de plus de 140 quand on a plus de 70 ans, plus de 60 ans en tout cas, sûrement plus de 80 alors avec certitude. L’activité physique, c’est pas le moyen de traiter l’hypertension artérielle, c’est un moyen qui marche surtout chez les gens qui n’ont pas encore dépassé 140. Ce qu’on appelle l’hypertension primordiale, c’est un terme qui est proposé par l’OMS depuis quelques années, qui est pour l’instant pas passé en France. La prévention primordiale, ça veut dire toutes les actions qu’on peut faire pour justement rester dans une forme, une santé qui est favorable pour le système cardio-vasculaire mais d’une façon générale pour lutter contre le cancer. C’est la fameuse liste : essayer de garder le poids de forme, manger sainement, avoir une activité physique modérée, essayer de dormir au moins 7h par nuit, diminuer voire éliminer complètement l’alcool. Il y a un lobby très important pour diminuer l’alcool. Mais c’est vrai que la jeunesse boit trop. Elle boit trop à l’anglo-saxon, c’est-à-dire des quantités d’alcool très importantes, le binge drinking une fois par semaine, et il faut lutter contre ça. Quand on a de l’hypertension à 130, on peut mettre en œuvre tout ça. Mais les Américains et c’est ça qui est très important et pas du tout compris par même les patients, c’est-à-dire, ils pensent que toutes ces actions ça va soigner l’hypertension à plus de 140, mais pas du tout. Les Américains disent très clairement : quand vous avez plus de 140 à la consultation et, on verra peut-être, est-ce que c’est suffisant ou pas, mais quand on a plus de 140 il faut continuer les mesures de bonne santé, de bonnes attitudes de vie, mais il faut absolument prendre un médicament. Les Américains sont très pro-médicaments. La population européenne, elle n’entend pas ça. Elle pense toujours que les médicaments c’est des poisons. Mais pas du tout. Les Américains disent très clairement, il faut donner des médicaments antihypertenseurs très rapidement. Très rapidement, c’est-à-dire dès qu’on a plus de 140, il faut donner des médicaments. Et avant, il faut essayer d’avoir une bonne santé et ça pourra éviter un petit peu les formes d’hypertension quand on est plus âgé. Mais en fait c’est beaucoup plus complexe que ça. C’est plutôt des mesures prévention. De la même façon, on ne peut pas dire que faire du sport comme disent les gens je fais du sport, je fais de la marche, c’est un moyen de traitement d’hypertension, c’est un moyen de prévention des maladies cardio-vasculaires et l’hypertension étant la maladie la plus fréquente mais des maladies cardio-vasculaires on commence par l’hypertension avant de faire l’insuffisance cardiaque ou l’infarctus. C’est une étape qui précède, comme arrêter de fumer, ça précède, si on fume, on n’est pas malade tout de suite. On est malade qu’au bout d’un certain temps et on va faire le cancer ou l’infarctus ou l’AVC.
Qu’est-ce qu’est-ce qui se passe dans le corps ?
Il faut savoir que quand on fait une activité physique, on augmente sa tension. Si vous faites de la marche, vous montez un escalier, on augmente sa tension, parfois de façon très importante. Quand on fait des activités physiques où on ne respire pas pendant l’activité, porter une charge lourde, faire des altères ou il y a plein d’activités physiques où on bloque sa respiration pour être plus efficace. Ça, c’est des augmentations très importantes de tension. Les haltérophiles par exemple, c’est pas un sport que pratiquent autrement que des grands sportifs. C’est extrêmement contraignant pour le système cardio-vasculaire. On est amenés, nous, médecins cardiologues, à contre-indiquer le sport chez certains patients qui ont des tensions trop élevées parce qu’on sait que les 10 premières minutes d’une activité sportive, il y a des augmentations très importantes de tension. Alors, il se trouve que si l’activité physique dure plus de 10 minutes et est d’intensité modérée à élevée – c’est pas la marche en allant gentiment faire le tour du pâté de maison, il faut transpirer mais il ne faut pas pouvoir être épuisé. Les activités très contraignantes où on ne peut pas parler pendant l’activité physique : on court, on fait du vélo, on ne peut pas parler et bien ce n’est pas bon pour le système cardio-vasculaire. On a atteint des limites dangereuses. Et donc si on maintient cette activité pendant plus de 10 minutes, au moins 30 minutes, on observe à ce moment-là une diminution de la tension, modeste mais une diminution. Cette diminution, elle va durer 1h-1h30 après l’arrêt de l’activité. Ça ne dure pas très longtemps, mais si on la répète cette activité physique – la répéter c’est-à-dire au moins tous les deux jours, tous les 3 jours, on dit pour pas compliquer les choses – ça fait trois fois par semaine, il faut faire cette activité physique d’intensité élevée. On peut observer des petites diminutions de tension. Alors si vous aviez moins de 140, vous pouvez vous maintenir à 130. Mais ça ne touche pas tout le monde. C’est très contraignant, c’est beaucoup de travail et en particulier chez les sujets âgés, dès que vous avez un peu mal aux articulations, dès que vous avez perdu vos muscles parce qu’on perd ses muscles quand on vieillit, et bien cette démonstration, elle n’est pas faite. Il y a un mécanisme qui s’appelle la vasodilatation musculaire et c’est parce qu’on augmente la souplesse des artères qui laissent passer plus de sang dans les muscles, cette action-là, elle fait baisser la pression artérielle. Mais c’est des mécanismes très complexes qui imposent par exemple qu’on ait du muscle. Donc il y a une espèce de cercle. Si vous êtes complètement sans muscle, l’activité physique au début, c’est d’abord refaire du muscle et pour qu’après ça puisse être bénéfique pour faire baisser la tension. Donc il y a plus d’intérêt chez les gens âgés à suivre des mesures nutritionnelles comme manger moins de sel et plus de potassium. C’est plus efficace pour la pression artérielle que l’activité physique. Ça a été démontré dans les études où on a testé le régime DASH, le fameux régime DASH et on a même montré que c’était lié au genre, au sexe, que c’était plus efficace chez les femmes que chez les hommes. Il y a quelque chose de plus efficace chez les femmes, c’est de suivre des mesures nutritionnelles de cette nature. Et il y a une autre chose, alors en France, on n’a pas le droit d’en parler mais je vous en parle quand même parce qu’aux États-Unis ça ne pose aucun problème. C’est la couleur de la peau. Si vous êtes une femme à la peau noire, c’est là que le régime DASH est le plus efficace pour faire baisser la pression artérielle. Alors ce n’est pas très important mais 8 à 10 mm, c’est pas mal. Et si vous êtes un homme à la peau blanche de moins de 50 ans, ça marche pas du tout le régime DASH. On pourrait dire que toutes ces mesures favorables pour la tension pas très élevée, chez les hommes à la peau blanche ou à la peau noire : c’est à peu près pareil. Bien que les noirs, ça marche un petit peu mieux que chez les blancs. L’activité physique, c’est mieux pour essayer de garder la tension aux alentours de 130. Et chez les femmes de plus de 60 ans, c’était comme ça dans l’étude DASH, c’est plutôt les mesures de nutrition qui sont les plus favorables et si on a la peau noire, c’est encore mieux. Voilà, je vous ai fait une petite synthèse de ce point-là. Alors, il y a un dernier élément qui concerne ce fameux seuil dont vous m’avez parlé tout à l’heure, 140-130 : les Américains mettent en avant un concept qui à mon avis en Europe ne sera absolument pas compris. Alors, je vous le dis, je vous lis même la phrase de leur recommandation : « Chez les adultes présentant une pression artérielle supérieure à 130-80, en consultation, et qui ont un risque cardio-vasculaire inférieur à 7,5 % (plusieurs façons d’évaluer ce risque cardio-vasculaire, c’est un calcul que peut faire un médecin ou peut faire un patient mais c’est un peu plus compliqué, il faut un petit logiciel), l’instauration d’un traitement médicamenteux antihypertenseur est recommandé, c’est-à-dire en début de traitement si la pression artérielle est supérieure à 130-80 après 3 à 6 mois de modification de modes de vie. » Alors, mettons ça en pratique. Vous avez quelqu’un qui est à 130, qui a moins de 50 ans, qui a un risque qui est donc faible, qui n’est pas fumeur, qui n’est pas diabétique, qui n’a pas de cholestérol, il a un risque faible mais il a ce niveau de tension entre 130 et 140. Vous lui dites « il faut avoir un mode de vie idéal, essayer de perdre un peu de poids, faites de l’activité physique, essayez de manger mieux », tout ce qu’on raconte à la télé… Et bien si au bout de 3 mois, ça vient très vite 3 mois, globalement c’est très difficile de mettre en œuvre ces mesures, donc les gens ne changent pas leur mode de vie comme ça. Mais au bout de 3 mois, ils ont toujours la même tension à 130 et bien on leur donne un médicament. C’est très agressif finalement parce que les gens ne veulent pas du tout qu’on leur donne des médicaments. On leur a dit qu’il suffisait d’avoir un meilleur mode de vie, ils le suivent ou ils ne le suivent pas. Mais souvent ils n’arrivent pas à le suivre, malheureusement c’est très compliqué de changer son mode de vie. Les Américains disent il faut vous traiter avec un antihypertenseur. Moi je pense que cette recommandation, aux États-Unis je ne sais pas parce qu’ils ont des mentalités différentes de chez nous, mais en Europe, elle ne sera absolument pas suivie, même pas par les médecins.
Si demain, je vais chez le médecin … et un peu plus. Est-ce que le médecin va maintenant considérer que en alors pas que j’ai hypertension ou que je suis en préhypertension qui justifie ?
Premier élément, un médecin français ne connaît pas ces recommandations américaines, il ne les suit pas. Le médecin français, lui, suit des recommandations qui disent « l’hypertension, c’est quand on a plus de 140-90 » et puis c’est tout. Donc je pense c’est pour ça que ces recommandations américaines sont trop avant-gardistes. Si vous allez voir un médecin en France, il va faire la chose suivante, c’est important parce que ça les Américains sont d’accord. On a parlé de 140-90 mais mesurée quand ? Mesurée où ? Mesurée par un professionnel de santé, un médecin, en consultation. Les règles ont beaucoup changé en quelques années. Avant le médecin mettait un stéthoscope et gonflait un brassard et écoutait les bruits. C’était un peu mystérieux. Cette méthode-là n’est plus du tout la méthode de référence. Maintenant, et les Américains le disent bien, les Français aussi, les Européens, il faut utiliser un appareil automatique parce que l’appareil automatique, il est beaucoup plus fiable que cet appareil dit auscultatoire. Donc ça a été une révolution il y a une vingtaine d’années. C’est un bracelet de tension mais qui est branché un appareil électronique. Maintenant beaucoup de médecins font ça. Mais la nouveauté depuis 20 ans, qui est bien confirmée par les Américains, c’est qu’il faut surveiller sa pression artérielle en automesure, c’est-à-dire il faut que ce soit les patients qui mesurent eux-mêmes leur pression artérielle, en dehors de la consultation médicale. En France, il y a des médecins, spécialistes de l’hypertension, qui ont poussé cette technique depuis les années 2000. Je fais partie de ces gens-là. Moi je suis un vieux et j’ai beaucoup participé au développement de cette technique, à la mise en place de règles pour pouvoir aider les gens à bien utiliser ce tensiomètre à la maison. En un mot, on leur a appris à faire un métier qui est celui d’infirmier pour mesurer l’attention. Et les patients le font peut-être mieux que l’infirmier. Ça s’appelle « la règle des trois ». Il faut faire trois mesures le matin au petit-déjeuner, trois mesures le soir avant de se coucher, en position assise. Ce vocable-là, « la règle des trois », je connais très bien le médecin qui l’a inventé et mis en avant en France en 2000 : c’est moi, c’est moi qui ai dit un jour, j’étais président d’une société, le comité de lutte et on a dit : il faut qu’on ait un slogan qui puisse être compréhensible par tout le monde et ça a très bien pris. J’aurais dû l’appeler « la règle des trois de Girerd » et je serai célèbre ! Ce que je vais vous dire, c’est que les Américains ont dit : pendant que vous mesurez vous-même la tension, il faut une minute entre chaque mesure. Il ne faut pas attendre une demi-heure. Mais une minute, c’est devenu très long pour beaucoup de gens. Et ce qu’ils font, c’est qu’ils regardent leur téléphone pour regarder leurs réseaux sociaux ou ils regardent la télévision et les Américains ont dit : « Ah non, il faut être au calme psychologique et faut pas être sous l’influence des écrans ». Donc c’est une petite nouveauté de de du mois d’août. On interdit l’usage des smartphones comme distraction. Quand on mesure sa tension, on est au calme et au repos, physique et psychologique. Ça, vous pouvez le mettre dans un petit intitulé parce que les gens hypertendus connaissent bien maintenant la façon d’utiliser l’automesure. On n’a plus grand-chose à leur apprendre mais ne pas regarder leur téléphone, ça vous pouvez leur apprendre. Une fois qu’on a réalisé ça, et bien ce fameux chiffre de 140-90, il change et en fait chez soi, quand on mesure la pression artérielle, en automesure, il ne faut pas dire qu’on débute un traitement quand on a 140, mais on débute un traitement quand on a plus de 135. On a abaissé le chiffre. Ça c’est quelque chose aussi qui est très connu des médecins maintenant. Les médecins français savent bien ça. Vous m’avez cité tout à l’heure 130-80. Oui, c’est le moment où il faut vraiment faire quelque chose pour sa santé, pour préserver sa bonne santé, si on y arrive. 140-90, c’est le chiffre qui est le plus connu, partout dans le monde et en France pour déclencher les médicaments. Mais aux États-Unis, ils disent qu’en fait il faudrait le déclencher à 130-80 si les mesures de modes de vie n’ont pas permis le retour à la normale. Mais je pense que ça ne sera jamais suivi en France. Et en France et aux États-Unis, on dit « Mais de toutes les façons, faut vraiment que le médecin se fasse aider du patient qui réalise l’automesure. » Moi, c’est ce que j’appelle « l’ubérisation de l’hypertension » : on fait faire par des gens sans compétences une tâche qui était avant une tâche d’expert, de médecin, c’était très compliqué de mesurer la tension. Maintenant, c’est devenu plus simple et donc tout le monde peut le faire. Et en fait, en pratique tout le monde le fait, sauf les gens qui disent « oh non, non, c’est le boulot du médecin. » Mais ces gens-là sont moins bien soignés que les autres. On l’a maintenant démontré : l’utilisation de l’automesure avec une interprétation par le médecin, l’usage des traitements antihypertenseurs, c’est pas tout seul l’automesure, et bien, on améliore la santé des gens, le contrôle de la pression artérielle. C’est-à-dire que les utilisateurs d’une automesure en coordination avec un médecin, une infirmière, un pharmacien (il connaît pas trop encore), plus ça va aller, plus on pousse à ce que tous les professionnels de santé puissent s’occuper de cette hypertension artérielle en allant au-delà des conseils de nutrition, c’est-à-dire de dire « Non, non, mais là vous devez changer de traitement ». Maintenant les infirmières de pratique avancée ont cette possibilité-là, réglementaire, législative : les infirmières peuvent mettre en route des traitements contre l’hypertension et adapter les traitements. Aujourd’hui les infirmières, même de pratique avancée, elles hésitent à le faire parce que c’est quand même hyper complexe et donc c’est une grosse responsabilité. Il y a très peu d’infirmières en pratique avancée, en France il y en a moins d’une cinquantaine donc on ne peut pas être suivi aujourd’hui par une infirmière de pratique avancée pour l’hypertension. Mais ça se développera et puis peut-être que demain c’est au pharmacien que le législateur donnera la possibilité de pouvoir adapter les traitements. Ça semblerait très logique, d’ailleurs, les pharmaciens délivrent le médicament donc ils pourraient aussi donner un conseil concernant la dose du médicament, des choses comme ça. Mais bon ce sera pour un article que vous ferez dans 10 ans, madame.
Concernant les traitements médicamenteux, il y a une chose qu’il faut dire c’est que ça fait 30 ans qu’on n’a eu aucun médicament nouveau contre l’hypertension artérielle, en tout cas en France, pour des raisons de volonté des autorités de santé de bloquer l’arrivée des nouveaux médicaments, pour des raisons financières. Donc, il n’y a aucun nouveau médicament. La seule chose de nouvelle qu’il y a eu, c’est qu’on s’est rendu compte, comme dans le HIV, que un seul médicament était moins efficace que deux médicaments. Et donc, il a été développé des médicaments qui, dans une pilule, contiennent deux médicaments, ce qu’on appelle des bithérapies. Vous savez dans le HIV, c’est la trithérapie, c’est un seul comprimé où il y a trois. Pour l’hypertension, il a été développé des bithérapies depuis très longtemps. Ça existe depuis très longtemps mais beaucoup de bithérapies ont été développées. Et aux États-Unis, ils sont toujours plus en avance que nous en Europe, en tout cas qu’en France, il est admis, et il est redit dans cette recommandation, que pour initier un traitement, je vous lis la phrase que j’ai traduite hier soir pour préparer cet entretien : « pour tous les adultes avec une pression artérielle à plus de 140_90 en consultation, ayant eu confirmation de cette élévation de tension en automesure, il est préférable d’initier un traitement antihypertenseur avec deux médicaments, deux classes différentes dans une association à dose fixe, qui veut dire un seul comprimé plutôt que 2 comprimés distincts, afin d’améliorer l’observance du traitement et de réduire le temps nécessaire pour obtenir le contrôle de la pression artérielle ». Alors cette phrase, chaque mot a été pesé par les recommandations, mais donc ça veut dire que, aux États-Unis en tout cas, quand vous arrivez voir un médecin et que vous avez une pression artérielle élevée à plus de 140, et bien il vous donne un comprimé. Mais ce comprimé, ça contient deux principes actifs. Alors, le Canada a fait la même chose aussi en donnant précisément quel médicament donner parce que c’était le moins cher. En France, les autorités sanitaires ne veulent pas faire ça, pour des raisons que je ne m’explique pas. Alors en fait comme toujours, les médecins, ils s’en foutent, ils font ce qui est le mieux pour leurs patients. Donc si vous allez voir un spécialiste de l’hypertension, un cardiologue qui connaît, il va donner 2 médicaments en un. Si vous venez me voir, moi, je vais vous donner 2 médicaments en un parce que je sais que c’est c’est plus efficace et que c’est aussi bien toléré, que c’est parfait. Et puis c’est la recommandation américaine. Si vous allez voir un médecin qui n’est pas au courant de rien du tout et qui a pas changé sa pratique depuis 25 ans, il donnera un médicament puis ensuite deux.
Alors, qu’est-ce qu’il y a ? Il y a des médicaments qui bloquent le système rénine-angio-tensine, c’est-à-dire des sartans, ou alors un IEC, c’est-à-dire le médicament qui se termine par -pril, perindopril, ramipril. On sait aujourd’hui que les sartans sont plus efficaces que les IEC, mieux tolérés. Donc en France, la majorité des patients qui débutent un traitement se voient proposer plutôt un sartan. Aux États-Unis, au Canada, ils conseillent de débuter par un sartan plus ce qu’on appelle hydrochlorothiazide, HCT, c’est-à-dire un médicament de la famille des diurétiques hypotenseurs. C’est des médicaments qui font pas faire pipi mais qui ont une efficacité pour la tension très importante, donnés à des petits dosages. Donc c’est des médicaments très bien tolérés, très efficaces. On donne sartan-diurétique. Et en France, il y a un laboratoire, qui est toujours très influent, qui avait mis au point un traitement, c’est le laboratoire Servier, qui avait mis un IEC plus un médicament qu’on appelle l’amlor, amlodipine. Et donc ce médicament qui s’appelle Coveram en périndopril, amlodipine, a été très très bien promu et beaucoup de médecins le prescrivent. C’est pas le choix des anglo-saxons. Vous voyez, les anglo-saxons, ils préfèrent donner sartan-diurétique. Moi personnellement, je donne l’un et l’autre, mais je ne donne jamais le médicament IEC parce qu’il provoque un effet indésirable, qui est un effet bénin mais gênant, qui s’appelle la toux. Et donc les patients toussent, ils se grattent la gorge, ils toussent souvent la nuit et c’est tout à fait lié à ce médicament. Alors il faut arrêter ce médicament et le remplacer par un autre et la toux disparaît. Moi je ne veux pas exposer mes patients à cet effet indésirable qui touche quand même un patient sur 5, c’est beaucoup. Moi, je donne un sartan puis ensuite sartan-diurétique, ou sartan-antagoniste calcique, sartan-amlodipine, et ça dépend pour débuter le traitement. Je vais vous donner un nom comme ça vous le saurez : Irbesartan/HCT, c’est un médicament très courant, très bien, et on le prend tous les jours.
Il y a une nouveauté incroyable qui est sortie avant-hier dans le journal de Lancet, grand journal, des chercheurs australiens ont mis à disposition un calculateur que vous pouvez trouver sur internet gratuitement où vous rentrez le nom d’un médicament, son dosage et votre niveau de tension que vous avez mesuré par l’appareil automatique et vous pouvez dire de combien va baisser la pression artérielle au bout d’un mois. Et c’est basé sur des centaines d’essais thérapeutiques. C’est extrêmement robuste. C’est pas l’industrie pharmaceutique qui a inventé ça, c’est des chercheurs. Et ça c’est une révolution incroyable. Alors beaucoup de mes collègues médecins, j’ai fait un post sur LinkedIn là-dessus, ont dit « Oh, c’est de la connerie, c’est de la connerie. » Mais c’est juste que ça va enlever le boulot des médecins. N’importe qui maintenant peut dire « Mais moi, je veux ce médicament-là ». Si vous voulez plus d’infos là-dessus, vous allez sur le site frhta.org et j’ai mis en actu, c’est moi qui m’en occupe, je suis le webmaster, j’ai mis le lien vers ce calculateur. Donc vous pourrez vous-même le tester, si vous pouvez d’ailleurs, mettre dans votre article le lien frhta.org. Il y a tellement d’infos pour les patients que c’est vraiment utile pour eux quand on fait un article. Je suis bénévole, je suis le président de la fondation mais c’est très utile pour les patients.
Alors écoutez là, vous parlez à quelqu’un qui a été un médecin qui a eu la possibilité de prescrire le Baxdrostat à des patients dans le cadre d’un protocole. Je l’ai fait moi l’année dernière. C’est un médicament incroyable. Incroyable. Efficacité, tolérance, c’est incroyable et vraiment je ne suis pas étonné du résultat qui a été publié à l’ESC parce que bon, il y a 500 patients qui ont été inclus dans le monde entier mais moi j’en ai inclus et je peux vous dire que c’est un médicament qui est vraiment enfin je rêverai, moi, je suis un médecin en fin de carrière donc je ne verrai pas le Baxdrostat parce que avant qu’il arrive en France, il y en a pour des années. Et peut-être qu’il n’arrivera jamais en France, parce que la France a bloqué tous les médicaments antihypertenseurs nouveaux depuis 20 ans. Ils ne veulent pas de nouveauté parce que ce n’est pas des génériques, c’est des coûts qui sont trop… alors ils l’estiment mais il y a 50 % des hypertendus qui sont insuffisamment contrôlés, donc ils peuvent l’estimer mais le résultat est très médiocre en France. On est un des pays où le résultat, les patients prennent des médicaments hypertenseurs sans beaucoup d’efficacité. Alors, il vaut mieux en prendre que pas en prendre. En prendre un pas très efficace, tout ça. Mais on a beaucoup de progrès. Le meilleur pays, le pays qui fait le mieux, c’est le Canada, dans le monde, ils ont 70 % de leurs patients qui sont protégés de façon optimale. En France, on est à moins de 50 %. C’est vraiment une grande tristesse. Donc on aurait le Baxdrostat, les gens seraient mieux contrôlés. Maintenant, qu’est-ce que vous voulez ? On est dans une problématique différente. On est ruinés, on n’a pas d’argent, le monde entier vient chez nous pour avoir des médicaments gratuitement. C’est très complexe. Et je peux comprendre les autorités sanitaires qui disent « Bon, on va pas rembourser un nouveau médicament ou alors il faudrait dérembourser les autres. » Mais c’est un modèle économique, on n’enlève pas un traitement à quelqu’un sous prétexte qu’il y en a un autre qui marche mieux. C’est pas comme ça que ça marche dans la vie. On n’a pas empêché les deux-chevaux quand est arrivée la 205.
Le Baxdrostat, ils sont vraiment en fin mais c’est pas parce que vous êtes en fin de cycle de développement. On sait que ce médicament est efficace, très bien toléré. On sait tout ça maintenant dans les études. Donc ils ont de quoi déposer le dossier auprès des autorité administrative. Ils vont le faire aux États-Unis, ils auront le produit sans problème. Ils le feront en Allemagne, ils auront le produit sans problème. Mais ils vont le faire en France et on ne leur donnera pas l’autorisation du prix. On ne leur donnera pas un prix parce qu’en France tous les médicaments ont un remboursement et pas aux États-Unis et pas en Allemagne. Donc voilà, c’est tout.
Il n’est pas commercialisé, même pas aux États-Unis, mais vous pouvez l’obtenir dans le cadre d’essai thérapeutique. C’est comme ça que moi j’ai pu obtenir pour mes patients parce que j’étais investigateur dans un essai.
Les applis pour gérer la tension, c’est une des choses intéressantes dans la recommandation américaine. Les applications, dans les recommandations précédentes, les gens n’en parlaient pas, parce qu’il y a beaucoup d’inertie, on n’aime pas les nouveautés en médecine, ça prend beaucoup de temps et là dans cette recommandation il y a une dizaine de pages sur l’intérêt des applications. Et donc oui, moi personnellement et au titre de la Fondation Hypertension, on a développé une application qui aidait les gens à bien réaliser une automesure de la tension et cette application a eu un énorme succès. Il y a 200 000 personnes qui ont téléchargé l’application, elle était gratuite, mais il y a eu surtout des utilisateurs. Moi, tous les patients que je suis dans ma consultation spécialisée d’hypertension, je leur dis attendez, vous n’allez pas écrire sur un bout de papier, vous allez utiliser l’application. Or, il y a des gens qui sont dans l’incapacité d’utiliser une application : quand vous êtes très âgé, quand vous ne savez pas faire, vous n’avez pas le téléphone qu’il faut, il faut quand même du matériel. Mais les applications, ça change complètement le suivi des patients hypertendus. Est-ce que l’application permet de changer la prise en charge ? C’est surtout aux États-Unis que ça a été testé. C’est que, aux États-Unis, le changement a été fait parce que c’est les pharmaciens maintenant qui gèrent, avec l’application, l’hypertension des patients. Ce changement, il est très important. En France comme on n’a pas donné aux médecins, on a donné qu’aux infirmières…