Pour mesurer la pression artérielle à la « consultation » («office» pour les anglo-saxons) toutes les recommandations depuis plus de 50 an ont écrit qu’il fallait réaliser trois mesures de façon consécutive avec quelques minutes au maximum entre chaque mesure en restant au calme et au repos entre les mesures.
Il ne faut pas changer de bras entre chaque mesure. Ce protocole a été mis au point dans les années 1950 par les médecins impliqués dans l’étude épidémiologique dite de Framingham du nom de la ville située près de Boston aux USA qui a organisé cette célèbre étude. C’est à partir de ces travaux scientifiques qu’il a été proposé d’effectuer les mesures de tension pour le dépistage et le suivi de l’HTA dans la position assise et non pas dans la position allongée comme elle s’est longtemps pratiquée en France.
Un des avantages de la réalisation de plusieurs mesures de la pression artérielle consécutives est la détection d’un « effet blouse blanche ». L’effet blouse blanche peut conduire à porter par erreur le diagnostic d’une HTA qui est alors appelée « Hypertension blouse blanche ». Dans la recommandation récente de l’ESC 2024 il est écrit que l’on parle « d’un effet blouse blanche » si une différence de 10 unités (en mmhg) de la pression SYS est observée entre 2 mesures de la tension mesurée de façon consécutive sur le même bras. De nombreuses études ont maintenant démontré que s’il était fréquent d’observer une différence de plus de 10 entre la première et la deuxième mesure, il était beaucoup plus rare de noter une baisse de 10 ou plus entre la deuxième et la troisième mesure de la tension.
En conséquence, il existe maintenant un nouveau protocole qui concerne le nombre de mesure à réaliser lors d’une automesure de la tension au domicile. Ce protocole est celui proposé par les experts de l’ESC 2024 et indique que pour l’automesure à domicile la règle est de faire 2 mesures le matin et 2 mesures le soir, pendant 3 jours minimum et jusqu’à 7 jours au maximum. Ce changement indique que c’est la moyenne sur le minimum de 12 mesures de la pression SYS et de la pression DIA qui donne la valeur de la pression artérielle en automesure d’un individu.
Pour les médecins Français l’application de « la règle des 3 » : 3 mesures le matin, 3 mesures le soir, pendant 3 jours soit 18 mesures à réaliser avant d’effectuer la moyenne n’est donc plus d’actualité.
Concernant l’interprétation des mesures de la moyenne des pressions artérielle obtenues en automesure la recommandation ESC 2024 Il indique que l’équivalent du seuil de 140/90 en consultation est 135/85 en automesure (lorsque l’on calcule la moyenne).
Mais que l’équivalent de 120/70 en consultation est 120/70 en automesure (calcul de la moyenne).
Ainsi il existe en 2024 de nouvelle valeurs de Seuils de la PAS/PAD pour définir les différentes classes de la pression artérielle pour la consultation et l’automesure.
Consultation | Automesure | |
PA normale | <120/70 | <120/70 |
PA élevée | 120/70 à <140/90 | |
HTA | ≥140/90 | ≥135/85 |
Toutes ces nouvelles valeurs de seuils vont rendre plus difficile leur mémorisation par les médecins. Le numérique permet d’apporter une aide instantanée pour interpréter les enregistrements de la pression artérielle réalisés par les tensiomètres automatiques comme dans l’application gratuite suiviHTA.
écouter l’intégralité d’un entretien sur ce sujet réalisé entre les Docteurs Girerd et Pathak
J’ai connu beaucoup de recommandations, j’ai participé à beaucoup de recommandations. Dans l’ère moderne, les études de Framingham il y a 75 ans avaient mis en avant le fait qu’il fallait faire trois mesures. Puis il y a eu l’arrivée de l’automesure, toutes les méthodes oscillométriques, il y a 25 ans à peu près, qui ont abaissé le seuil à 135-85 parce qu’on s’est rendu compte que l’effet blouse blanche était quelque chose de très important.
Maintenant il y a une nouvelle définition qui est 120-70. Quand vous êtes à 140-90 à la consultation, l’équivalent de 140-90 quand on mesure à la maison c’est 135-85 (ça a été la découverte d’il y a 30 ans, la pression est plus basse quand on est au calme à la maison) mais pour ce seuil de 120-70 : il est dit 120-70 à la consultation c’est équivalent à 120-70 en automesure, c’est-à-dire que plus on s’abaisse, plus il y a une concordance entre les méthodes de mesure.
Cet élément-là, les experts de la tension, c’est Jan Stassen, un Belge extrêmement brillant dans cette technique d’automesure qui l’avait démontré il y a une quinzaine d’années. Et c’était passé un peu entre les deux oreilles de tout le monde. Les vrais experts le savaient déjà mais c’est maintenant marqué très clairement et ça va complexifier encore la mémorisation pour les médecins, les praticiens. Donc il faut se faire absolument aider de la technologie, de l’électronique embarquée, les applications.
On parle de divergence quand il y a plus de 10 mm de mercure ou 1 point de centimètre de mercure entre les trois mesures. Et donc ils mettent en avant le fait que ce seuil de l’effet blouse blanche, qui est bien connu (la pression plus haute) c’est c’est 10 mm de mercure et moi ça me semble être intéressant qu’enfin on soit tous d’accord là-dessus ! Ce nombre de mesures j’aimerais qu’on en parle. Depuis des années et des années, quand on disait mesurer la pression artérielle c’était la règle des 3 quand on fait l’automesure ou les 3 mesures à la consultation. Pour l’automesure, quand on est seul chez soi, il n’y a plus que 2 mesures à faire. En fait, l’effet blouse blanche c’est surtout entre la première et la deuxième. Entre la deuxième et la troisième, il y a souvent des effets paradoxaux : la troisième peut être un peu plus haute, elle est rarement plus basse. C’est comme ça. Et elle est souvent identique. Identique c’est 4-5 mm de différence : l’appareil a une erreur aussi pour mesurer !
XG : Atul Pathak, vous êtes membre du Conseil d’Administration de la Société Européenne d’Hypertension, en 2024 la recommandation de la Société Européenne de Cardiologie est signée par plusieurs sociétés savantes, mais pas par la Société Européenne d’Hypertension. Pour quelle raison ?
AP : Effectivement, en 2018 l’ESC et l’ESH avaient travaillé main dans la main mais pas cette fois-ci. Les raisons sont nombreuses mais la principale est les deux sociétés n’ont pas réussi à s’entendre sur la liste des experts/rédacteur. Il n’y a donc seulement deux signataires en commun entre les guidelines 2018 et 2024. Ce renouvellement a fait souffler un vent de changement important sur l’interprétation et en conséquence les directives proposés dans la dernière recommandation.
XG : Le titre, est prise en charge (management) de la pression artérielle élevée et de l’hypertension artérielle, on ne parle plus du patient. Expliquez-nous ce titre ?
AP : C’est en fait un autre point de divergence qui est quasiment philosophique. La Société Européenne d’Hypertension était arc-boutée depuis 30 ans sur la définition de l’hypertension avec le fameux 140/90 en consultation et depuis 20 ans le 135/85 en automesure. La Société Européenne de Cardiologie a osé une innovation qui fera date puisqu’elle a redéfini la maladie en parlant de pression artérielle et non pas d’hypertension artérielle et en parlant de Pression Artérielle élevée, sans reparler du seuil traditionnel et ça c’est un vrai changement.
XG : Cette nouvelle définition est une véritable révolution car c’est la traduction d’un fait épidémiologique parfaitement authentifié depuis des décennies qui est que le risque de maladies cardiovasculaires attribuable à la pression artérielle est continu et non pas binaire (normotension/hypertension). De plus 50 ans d’essais thérapeutiques ayant démontré de façon incontestable que les médicaments hypotenseurs réduisaient le risque de maladies cardiovasculaires même chez les sujets ne rentrant pas dans la traditionnelle catégorie des « hypertendus », l’ESC 2024 définit une nouvelle catégorie de sujets avec « Pression Artérielle élevée » qui correspond aux sujets ayant – mesuré en consultation – une systolique (SYS) de 120 à 139 ou une diastolique (DIA) de 70 à 89. L’hypertension artérielle (HTA) reste toutefois définie comme une pression artérielle – mesurée en consultation – supérieure ou égale à 140 pour la SYS ou 90 pour la DIA.
XG : Une conséquence de cette catégorie de « pression artérielle élevée » est de donner une nouvelle définition au patient « normotendu ».
AP : Effectivement un patient normotendu c’est un patient qui en consultation a une pression artérielle à 120/70 ou moins. On sait depuis très longtemps, que la relation quasi linéaire entre l’augmentation de la pression artérielle et l’augmentation du risque démarre dès 120/70 et pas juste au-dessus de 140/90. On considère que la pression artérielle optimale est en-dessous de 120-70 et dès que vous dépassez ce seuil, le risque cardiovasculaire augmente.
XG : Je suis tout à fait d’accord pour définir le patient normotendu comme ayant moins de 120/70 et d’y associer la notion du risque d’une augmentation du risque cardiovasculaire au-delà de cette valeur. Mais ce qui est vraiment nouveau, et qui a souvent choqué certains médecins attachés à la tradition, est que la recommandations ESC 2024 écrit avec clarté que l’objectif de la prise en charge d’un patient ayant une pression artérielle élevée ou une hypertension artérielle est d’éviter la survenue d’une maladie cardiovasculaire, plutôt que de se fixer uniquement l’objectif de diminuer les chiffres de la pression artérielle en dessous d’un seuil.
AP : Effectivement ce point est très important et reste très insuffisamment appliqué en médecine quotidienne. Ainsi, les recommandations ESC 2024 proposent que l’estimation du risque de survenue d’une maladie cardio-vasculaire à 10 ans selon le risque SCORE2 soit l’outil de la décision thérapeutique chez le patient présentant une « Pression Artérielle élevée ». Ainsi chez un patient entre 120 et 139 de PAS, si le risque est augmenté, la recommandation préconise la mise en route d’un traitement médicamenteux ayant démontré son efficacité pour diminuer la complication la plus associée à l’anomalie à l’origine de l’augmentation du risque.
XG : Effectivement c’est aussi mon point de vue. Cette nouvelle définition est une véritable révolution car c’est la traduction d’un fait épidémiologique parfaitement authentifié depuis des décennies qui est que le risque de maladies cardiovasculaires attribuable à la pression artérielle est continu et non pas binaire (normotension/hypertension). De plus 50 ans d’essais thérapeutiques ayant démontré de façon incontestable que les médicaments hypotenseurs réduisaient le risque de maladies cardiovasculaires même chez les sujets ne rentrant pas dans la traditionnelle catégorie des « hypertendus », l’ESC 2024 définit une nouvelle catégorie de sujets avec « Pression Artérielle élevée » qui correspond aux sujets ayant – mesuré en consultation – une systolique (SYS) de 120 à 139 ou une diastolique (DIA) de 70 à 89. L’hypertension artérielle (HTA) reste toutefois définie comme une pression artérielle – mesurée en consultation – supérieure ou égale à 140 pour la SYS ou 90 pour la DIA.
XG : Une conséquence de cette catégorie de « pression artérielle élevée » est de donner une nouvelle définition au patient « normotendu ».
AP : Effectivement un patient normotendu c’est un patient qui en consultation a une pression artérielle à 120/70 ou moins. On sait depuis très longtemps, que la relation quasi linéaire entre l’augmentation de la pression artérielle et l’augmentation du risque démarre dès 120/70 et pas juste au-dessus de 140/90. On considère que la pression artérielle optimale est en-dessous de 120-70 et dès que vous dépassez ce seuil, le risque cardiovasculaire augmente.
XG : Je suis tout à fait d’accord pour définir le patient normotendu comme ayant moins de 120/70 et d’y associer la notion du risque d’une augmentation du risque cardiovasculaire au-delà de cette valeur. Mais ce qui est vraiment nouveau, et qui a souvent choqué certains médecins attachés à la tradition, est que la recommandations ESC 2024 écrit avec clarté que l’objectif de la prise en charge d’un patient ayant une pression artérielle élevée ou une hypertension artérielle est d’éviter la survenue d’une maladie cardiovasculaire, plutôt que de se fixer uniquement l’objectif de diminuer les chiffres de la pression artérielle en dessous d’un seuil.
AP : Effectivement ce point est très important et reste très insuffisamment appliqué en médecine quotidienne. Ainsi, les recommandations ESC 2024 proposent que l’estimation du risque de survenue d’une maladie cardio-vasculaire à 10 ans selon le risque SCORE2 soit l’outil de la décision thérapeutique chez le patient présentant une « Pression Artérielle élevée ». Ainsi chez un patient entre 120 et 139 de PAS, si le risque est augmenté, la recommandation préconise la mise en route d’un traitement médicamenteux ayant démontré son efficacité pour diminuer la complication la plus associée à l’anomalie à l’origine de l’augmentation du risque.
XG : Tous les patients à risque élevé sont-ils exposés aux mêmes complications ?
AG : Il y a un moyen assez grossier mais très juste tout de même pour parler de complications à son patient. Si sa pression est élevée le patient fera un AVC dans un délai de 10 à 15 ans, si il est fumeur son risque de complication N°1 est l’artériopathie des membres inférieurs et la coronaropathie, si il est dyslipidémique c’est la coronaropathie qui sera la complication la plus probable précocement.
XG : Je voudrais ajouter le risque de mortalité. J’ai malheureusement, au cours de ma carrière, perdu des membres de ma famille, des amis, des collègues qui sont morts brutalement. Souvent je savais qu’ils étaient hypertendus et qu’ils n’étaient pas bien soignés ou qu’ils ne voulaient pas se soigner en particulier lorsqu’ils refusaient la prise d’antihypertenseurs. Malheureusement ces hypertensions non soignées ont eu comme première complication la mort !
AP : Je confirme, et je veux rappeler pourquoi l’hypertension est aux USA appelée « the silent killer». L’HTA est tellement silencieuse que l’on ne s’en préoccupe pas, et c’est tellement silencieux que le premier signe en est la mort !
Mesurer la pression artérielle de façon systématique à chaque consultation cardiologique est le moyen de rendre bruyante cette maladie qu’est l’hypertension artérielle. Il ne me semble pas raisonnable qu’une consultation de cardiologie ne comporte pas la mesure systématique de la pression artérielle même si l’hyperspécialité du cardiologue n’est pas l’HTA. Une enquêtes réalisée par le CFLHTA en 2023 indiquait que pour 40% des consultations de médecine générale la pression artérielle n’était plus mesurée.
XG : Pour terminer ce sujet de l’évaluation du risque cardiovasculaire, je voudrai dire un mot de la publication en juin 2024 dans The Lancet de l’évaluation du risque par l’utilisation de l’IA. Cette publication des résultats du suivi de la cohorte Oxford Risk Factors And Noninvasive imaging (ORFAN) constitue une entrée grandiose de l’IA pour évaluer le risque de cardiovasculaire et est, de mon point de vue, l’article de recherche le plus important de l’année 2024. Cette étude de cohorte longitudinale multicentrique a porté sur 40 091 patients consécutifs ayant réalisé un coroscanner cliniquement indiquée par des médecins hospitaliers britanniques. 81% des sujets n’avaient pas de sténose coronaire significative mais 66% des événements coronaires et 64% des morts d’origine cardiaque est survenu chez ces patients. Pour prédire la survenue de ces événements il a été comparé l’usage d’un calculateur de risque traditionnel (QRISK3) de la classification CAD-RADS 2.0 et de l’indice d’atténuation de la graisse périvasculaire (FAI). La grande nouveauté de ce travail a été la mise au point d’un algorithme de prédiction du risque cardiaque amélioré par l’IA, qui intègre le score FAI en plus des mesures de la plaque coronaire et des facteurs de risque cliniques. Le principal résultat de l’étude est de démontrer que le AI-Risk est positivement associé à la mortalité cardiaque et aux événements coronaires en particulier chez les patients sans sténose coronaire significative sur le coroscanner.
Il s’ouvre donc une aire nouvelle dans la médecine prévention qui va être celle du calcul du risque CV utilisant L’IA-Risk. Le SCORE 2 proposé par l’ESC depuis 20 ans est certainement en fin de carrière.
XG : Parlons maintenant de technique de la mesure de la tension. Pour mesurer la tension à la « consultation » («office » pour les anglo-saxons) la recommandation indique de réaliser trois mesures. On sait que dans la pratique les médecins en France ne font jamais trois mesures. Est-ce qu’on pourrait discuter un petit peu sur cette historique des trois mesures ? AP : Cela remonte aux années 1950 dans l’étude de Framingham où la méthodologie était : une première mesure faite par le médecin et deux mesures faites par une infirmière. Pour définir la pression artérielle du sujet, il était gardé les deux mesures faites par l’infirmière et pas celle faite par le médecin. Avec les milliers de mesures faites dans l’étude de Framingham il a été décrit le phénomène qu’on appelle « la régression à la moyenne ». La pression artérielle est un paramètre régulé, donc quand on mesure la pression artérielle de façon répétée et de façon successive, les valeurs tendent à s’amenuiser parce qu’elles vont vers une moyenne. Ça explique en tout cas pourquoi il faut répéter la mesure.
XG : Je voudrai parler d’un autre avantage de réaliser plusieurs mesures de la pression artérielle : la détection d’un effet blouse blanche. Souvent l’effet blouse blanche est confondu avec l’hypertension blouse blanche. Dans la recommandation il est écrit qu’un effet blouse blanche est observé si une différence de 10 mmHg pour la PAS est observée entre 2 mesures consécutives. En pratique il est fréquent d’observer une différence de plus de 10 mmHg entre la première et la deuxième mesure mais il y a rarement une baisse de 10 mmHg entre la deuxième et la troisième mesure. Des résultats récents obtenus par des analyses en « deep learning » montrent que chez la presque totalité des sujets il est suffisant de réaliser 2 mesures de la pression artérielle pour définir la catégorie d’un individu (avec ou sans effet blouse blanche). Par ailleurs si la première mesure est de 120mmHg ou moins pour la PAS, il n’y a aucune probabilité que la 2e soit plus élevée que 140 mmHg. On peut donc dans cette circonstance ne faire qu’une seule mesure de la pression artérielle.
AP : Je suis d’accord avec ces conseils et d’ailleurs dans depistHTA et suiviHTA, les algorithmes inclus dans les applications réalisent automatiquement cet accompagnement de l’utilisateur. Si la première valeur est normale le conseil donné est de ne pas faire une deuxième mesure. Ainsi les applications qui aident à interpréter la tension inidquent aujourd’hui le nombre de mesures qui doivent être réalisées lors d’une consultation mais aussi au cours de l’automesure.
XG : Le nombre de mesure à réaliser lors d’une automesure a été modifié dans la recommandation ESC 2024. Depuis 25 ans pour les médecins Français la recommandation était d’appliquer « la règle des 3 » : 3 mesures le matin, 3 mesures le soir, pendant 3 jours. La guideline ESC 2024 écrit que pour l’automesure à domicile la règle est de faire 2 mesures le matin, 2 mesures le soir, pendant 3 jours minimum. Pour l’ESC, il faut donc faire 3 mesures consécutives en consultation et 2 consécutives en automesure. Ce changement est important car il permet de simplifier le protocole et suggère que la moyenne de 12 mesures garde la même valeur diagnostique que la moyenne de 18 mesures.
AP : Si l’on interprète ce texte l’on comprends que tous les sujets ne sont pas logés à la même enseigne. Il y a ceux qui dont la tension est sans discussion élevée, ceux dont la PAS est à plus de 160 à la consultation. Chez ceux-là il ne sert à rien de proposer plus de 3 jours en automesure. Mais chez ceux qui sont entre 140 et 160 en consultation, il peut y avoir un intérêt à prolonger l’automesure au-delà de 3 jours parce que si vous voyez quelqu’un en consultation le jeudi et bien l’automesure va être réalisée le vendredi, le samedi et le dimanche. Le weekend le mode de vie n’est pas habituel et personnellement je conseille de prolonger l’automesure au-delà de 3 jours pour obtenir la tension pendant les jours de semaine.
XG : Pour conclure sur les nouveautés apportées par la recommandation ESC 2024, je voudrais parler d’un élément très important qui ne va pas simplifier le travail du cardiologue qui interprète une automesure ou une MAPA. Il s’agit des nouvelles valeurs de seuil de tension qui découlent de la nouvelle définition de la pression artérielle normale. Table 1
Il est maintenant bien connu des cardiologues que l’équivalent du seuil de 140/90 en consultation est 135/85 en automesure (lorsque l’on calcule la moyenne).
Mais quel est l’équivalent en automesure du seuil de 120/70 en consultation (seuil de définition d’une pression normale) ?
La recommandation ESC 2024 nous indique que les valeurs équivalentes de 120/70 de consultation sont 120/70 en automesure. Vous avez bien lu ces valeurs sont …EQUIVALENTES.
De même en MAPA les valeurs équivalentes de 120/70 de consultation sont 115/65 pour la moyenne sur 24 heures, de 120/70 pour la moyenne des mesures de jour et de 110/60 pour la moyenne des mesures de nuit.
Table 1 –
Seuils de la PAS/PAD pour définir les différentes classes de la pression artérielle pour l’automesure et la MAPA.
Consultation | Automesure | MAPA (jour) | MAPA (24h) | MAPA (nuit) | |
PA normale | <120/70 | <120/70 | <120/70 | <115/65 | <110/60 |
PA élevée | 120/70 à <140/90 | 120/70 à <135/85 | 120/70 à <135/85 | 115/65 à <130/80 | 110/60 à <120/70 |
HTA | ≥140/90 | ≥135/85 | ≥135/85 | ≥130/80 | ≥120/70 |
La classification
On ne devrait plus parler d’hypertension artérielle mais de pression artérielle élevée. Cela part d’un constat : on connaît le risque imputable à l’élévation de la pression artérielle, ce risque commence très tôt, même en dessous de 120 mm de mercure. Ces recommandations se sont réapproprié ce message : autrement dit, quand la pression artérielle commence à augmenter, le risque augmente. De facto, cela a généré une nouvelle population de sujets avec une pression artérielle élevée.
Deux messages : tenir compte du niveau de risque des patients et avoir des objectifs thérapeutiques adaptés.
La définition de l’hypertension n’a pas changé : on est hypertendu quand la pression artérielle de consultation est supérieure à 140/90 mais entre 120 et 139 pour la systolique. Lorsque cette pression artérielle augmente, on a identifié une population de patients à risque. Il faut calculer le risque et ensuite il faut les traiter avec des objectifs plus drastiques.
Une marche de 120 à 129 autant que possible
L’objectif est de baisser plus bas qu’avant, non pas juste en dessous de 140/90 mais arriver entre 120 et 129 pour la systolique chez tout le monde, avec une adaptation en fonction des effets indésirables, de la fragilité ou d’autres effets indésirables liés aux médicaments.
Mesure de la pression artérielle
C’est l’avènement des mesures en dehors du cabinet. Ces recommandations adoubent ce que l’on faisait déjà : la mesure ambulatoire des 24 heures mais surtout l’automesure tensionnelle. On mesure au cabinet mais il faut surtout mesurer en dehors du cabinet.
Un protocole adapté
La mesure se fait selon un protocole adapté et avec des appareils adaptés. Autrement dit, tous les petits gadgets n’ont pour l’instant pas atteint le niveau de preuve nécessaire pour être validés. Mais feu vert pour les appareils adaptés, au poignet, au bras, avec un protocole adapté en dehors du cabinet.
Confirmer en dehors du cabinet un doute sur une hypertension avec des chiffres un peu élevés
Dès qu’on a un signal, on mesure en dehors du cabinet pour :
Comment faire baisser la pression artérielle
On la fait baisser classiquement : par la fameuse trithérapie, on essaie de commencer vite, fort, arriver à l’objectif avec un bloqueur du SRA, un inhibiteur calcique, un diurétique qu’on associe et on va chercher l’aide de la spironolactone ou, nouveauté, de l’éplérénone si on a besoin d’une quadrithérapie.
Les traitements médicamenteux et non médicamenteux
Place de la supplémentation en potassium
On est obnubilé par le sel quand on fait de l’hypertension, mais augmenter les apports potassiques est fondamental pour améliorer le contrôle tensionnel, directement avec des suppléments potassiques, indirectement avec des fruits et légumes. Petite astuce : quand on donne des sels de substitution, on enlève le sel et on apporte du potassium. C’est le double gain.
Les bêtabloquants ne font plus partie des recommandations de grade 1
Message très important : pour les bêtabloquants il y a les indications cardiaques traditionnelles. L’association des bêtabloquants avec les traitements traditionnels est ok mais c’est surtout pour éviter de prescrire des bêtabloquants à des cibles jeunes qui n’en ont pas besoin. C’est pour ça qu’il y a eu ce signal. Les bêtabloquants ont leur place, en association dans les situations cardiaques électives, mais arrêtez de prescrire des bêtabloquants à des jeunes sujets de 30 ans qui sont hypertendus.
L’HTA résistante
Pour l’HTA résistante, on fait au mieux, on élimine les causes secondaires, c’est toujours important, et le dosage de la rénine et de l’aldostérone a été mis en avant très tôt le plus souvent possible.
Place de la dénervation
La dénervation rénale a progressé en termes de niveau de recommandations, dans des centres experts, après décisions médicales partagées, en tenant compte de la préférence patient. On peut la proposer en sus du traitement pharmacologique. Les nouvelles données concernant la dénervation permettent de l’envisager de manière plus facile.
La proposition la plus importante des recommandations ESC 2024 sur la pression artérielle a été d’écrire que l’objectif de la prise en charge d’un patient ayant une pression artérielle élevée ou une hypertension artérielle était d’éviter la survenue d’une maladie cardiovasculaire, plutôt que de se fixer uniquement l’objectif d’une diminution des chiffres de la pression artérielle.
De plus les experts de l’ESC 2024 ont fait le constat qu’une approche collaborative de la prise en charge de l’hypertension artérielle, fondée sur le travail d’équipe entre médecins, infirmières, pharmaciens, diététiciens, offrait des avantages par rapport aux soins dispensés uniquement par les médecins.
En se basant sur une analyse de la littérature médicale avec un niveau de preuve probant, la recommandation ESC 2024 indique que :
A) Le vieillissement des populations à l’échelle mondiale conduit à observer une augmentation du nombre de personnes présentant une pression artérielle élevée ou une hypertension artérielle. En parallèle, les indices de performance sur la prise en charge de l’HTA – fréquence du dépistage, pourcentage de traitements prescrits et pourcentage de normalisation de la tension (contrôle tensionnel) sont médiocres sur tous les continents. Il est observé une stagnation voire une dégradation de ces indices aux USA et dans plusieurs pays d’Europe.
B) Comme le risque de maladies cardiovasculaires attribuable à la pression artérielle est continu et non pas binaire (normotension ou hypertension) et que il existe la démonstration incontestable que les médicaments hypotenseurs peuvent réduire le risque de maladies cardiovasculaires même chez les personnes qui ne sont pas traditionnellement classées comme hypertendues. Les experts de l’ESC 2024 définissent une nouvelle catégorie de sujets avec « Pression Artérielle élevée » qui correspond aux sujets ayant – mesuré en consultation – une systolique (SYS) de 120 à 139 ou une diastolique (DIA) de 70 à 89. L’hypertension artérielle (HTA) reste définie comme une pression artérielle – mesurée en consultation – supérieure ou égale à 140 pour la SYS ou 90 pour la DIA.
C) La littérature médicale probante indique sans discussion que l’observation chez un sujet d’une atteinte d’un « organe cible » (coeur et/ou vaisseaux et/ou reins) indique une hypertension sévère et/ou évoluant depuis plusieurs années sans avoir été diagnostiquée ou prise en charge de façon efficace. Cet état s’associe à un risque élevé de survenue d’une maladie cardio-vasculaire à court terme.
D) Les experts de l’ESC 2024 proposent que l’estimation du risque de survenue d’une maladie cardio-vasculaire à 10 ans soit réalisée lors de la prise en charge initiale d’un patient présentant une « Pression Artérielle élevée ». Si le risque est augmenté, les experts préconisent la mise en route d’un traitement médicamenteux ayant démontré une efficacité pour réduire le risque de survenue d’une maladie cardiovasculaires.
E) Lorsqu’un traitement anti-hypertenseur est prescrit et même si d’autres moyens sont mis en œuvre pour améliorer le profil de risque cardiovasculaire (amélioration du mode de vie alimentaire, arrêt de l’exposition aux toxiques, lutte contre la sédentarité, prescription de médicaments hypolipidémiants), l’objectif tensionnel à atteindre est de 120 à 129 pour la SYS et de 70 à 79 – mesures en consultation- pour tous les adultes, à condition que ce traitement soit bien toléré.
Plusieurs exceptions existent toutefois à cet objectif et la prise de décision individualisée est toujours la priorité la plus importante.
Enfin les experts de l’ESC 2024 ont fait le constat qu’une approche collaborative de la prise en charge de l’hypertension artérielle, fondée sur le travail d’équipe entre médecins, infirmières, pharmaciens, diététiciens et kinésithérapeutes, offrait des avantages par rapport aux soins dispensés uniquement par les médecins.
Plusieurs études probantes ont montré que les soins multidisciplinaires conçus comme une collaboration entre professionnels de santé conduisaient à une meilleure baisse de la pression artérielle systolique et diastolique.
Les études randomisées prospectives réalisées en Asie et dans certains pays anglo-saxons ont démontré que si la prescription des traitements antihypertenseurs restait une prérogative du médecin, celle-ci pouvait être aussi réalisée par d’autres professionnels de santé formés spécifiquement et associés au médecin par des accords de collaboration protocolisés et aidés d’outils numériques (plateforme de coordination, smartphone, tensiomètre connecté, application dédiée…). Ces études ont, en particulier, démontré l’amélioration de la prise en charge lorsque l’équipe comprenait des infirmières en pratique avancée, des pharmaciens ou des officiers de santé formés spécifiquement.
La mesure de la Pression Artérielle (PA) en dehors du cabinet de consultation est appelée « Automesure », le patient mesure personnellement sa PA à son domicile avec un appareil validé (appareil oscillométrique de mesure de la PA avec un brassard sur le haut du bras). Les explications figurent sur le pictogramme. Les patients devront suivre les mêmes étapes qu’à la consultation. Deux mesures séparées de 1 à 2 min seront prises, deux fois par jour (matin et soir) à la même heure pendant au minimum 3 jours et jusqu’à 7 jours, puis faire la moyenne de ces mesures. Si après 3 jours la moyenne est proche de l’objectif du traitement, alors poursuivre jusqu’au 7ème jour. Le patient conservera les valeurs de PA (carnet ou application par exemple) et fera vérifier régulièrement son tensiomètre auprès de son professionnel de santé. Après 4 ans un appareil peut être imprécis, et dans ce cas il devra être remplacé.
La moyenne des valeurs d’automesure ≥135/85 mmHg (équivaut à une PA prise en consultation ≥ 140/90mmHg) doit être utilisée pour diagnostiquer une HTA, et la moyenne de PAS (PA Systolique) de 120-134 mmHg ou PAD (PA Diastolique) de 70-84 mmHg pour diagnostiquer une PA élevée. Remarquons, que pour définir la PA élevée on utilise le même objectif de PA (120/70mmHg) pour les mesures à domicile et en consultation.
Après avoir trouvé une PA élevée en consultation et pour confirmer le diagnostic d’HTA, les prochaines valeurs de PA seront analysées avec les données cliniques. La PA prise en consultation a une spécificité plus faible que le Monitoring Ambulatoire de la PA (MAPA) pour détecter l’HTA, alors le diagnostic fait seulement avec la PA en consultation est moins souhaitable à moins qu’il ne soit pas possible de faire autrement. Pour des niveaux de PAS 160-179 mmHg ou PAD 100-109 mmHg, une confirmation rapide (dans le mois) est recommandée, en utilisant soit la méthode de mesure en consultation ou en dehors de la consultation, car tout retard de traitement est associé à une augmentation des complications Cardio-Vasculaires. La PA ≥ 180/110 mm Hg est une urgence hypertensive dont il faire le bilan, et dans ce cas il est recommandé de débuter rapidement un traitement anti-hypertenseur, sinon, obtenir une confirmation rapide (dans la semaine) peut être envisagée avant de traiter.
Pour le dépistage de la PA 140-159/90-99 mmHg, la mesure tensionnelle en dehors de la consultation doit être faite pour confirmer le diagnostic. Quand le traitement des chiffres tensionnels élevés est discuté (120-139/70-89 mmHg ) chez des personnes à haut risque de maladie Cardio-Vasculaire ou à haut risque à 10-ans de maladie Cardio-Vasculaire, la mesure tensionnelle en dehors de la consultation est recommandée, pour confirmer la PA et rechercher une HTA masquée et une blouse blanche. Les mesures tensionnelles en dehors de la consultation peuvent aussi être utiles pour des personnes ayant une PA de 130-139/85-89 mmHg pour diagnostiquer une HTA masquée et une blouse blanche.
Les mesures répétées de la PA en consultation restent l’approche la plus courante pour le suivi de l’HTA, mais plusieurs axes de recherche s’orientent vers la mesure de la PA en consultation et en dehors du cabinet.
L’autosurveillance est associée à une baisse moyenne de la PAS à 12 mois ( – 3.2 mmHg en moyenne, allant de -4.9 à -1.6 mmHg). De plus, on connait les bénéfices du télémonitoring, des interventions numériques et des applications (santé mobile) dans la prise en charge de la PA. L’autosurveillance a probablement aussi un bon rapport cout-efficacité. Malheureusement, en pratique clinique, certains patients ne peuvent communiquer des données fiables de leurs automesures, et leur appareil et technique de mesure ont besoin d’être vérifiés.
Le Monitoring Ambulatoire de la Pression Artérielle (MAPA) est une référence de la mesure de la PA mais leurs répétitions n’est pas pratique à cause des contraintes de matériels et, rarement, par la faible acceptabilité des patients. Il y a un manque de données sur le suivi du traitement réalisé en automesure comparativement à la PA en consultation et la MAPA. Une étude clinique du suivi des traitements comparant les trois techniques, automesure, consultation et monitoring ambulatoire a montré qu’elles étaient équivalentes sur le contrôle tensionnel et les complications liées à l’HTA. D’autres études ont montré une tendance non significative du contrôle tensionnel moins efficace avec le monitoring ambulatoire comparativement à la PA prise à la consultation, mais le groupe ambulatoire était médicalement moins traité. Des avantages potentiels de la mesure ambulatoire sur l’automesure inclus le diagnostic de l’hypertension nocturne ou l’hypotension symptomatique transitoire ou l’hypertension lors de l’effort. Ainsi, dans le suivi de la PA, le monitoring ambulatoire et l’automesure devraient être considérées de façon complémentaire ou associée, plutôt que concurrentes.
*McEvoy JW et al. Eur Heart J. 2024 Oct 7;45(38):3912-4018. doi: 10.1093/eurheartj/ehae178
Lire la recommandation (en anglais)
Les recommandations ESH 2023 ont été communiquées à Milan en juin 2023. Ces recommandations Européennes sur la prise en charge de l’hypertension artérielle de l’adulte sont accessiblesen Intégralité sur le site internet de l’ESH. La lecture de ce document de 199 pages contient une bibliographie de 1743 articles, e sentiment est celui « de déjà lu ». Ce document est un « textbook » plus qu’une « recommandation ».
Dans les « nouveautés » je retiens le chapitre 7.4 Augmentation of dietary potassium intake. En effet les informations concernant les effets bénéfiques d’une augmentation de potassium font l’objet d’un chapitre dans les recommandations de l’ESH2023
Le potassium a un effet bénéfique sur la pression artérielle. Il a été observé scientifiquement que la substitution de sodium par du potassium s’accompagnait d’une diminution de la pression artérielle et du nombre d’AVC. En conséquence, l’OMS recommande une consommation de potassium d’au moins 3 g et demi par jour chez l’homme et d’au moins 2 g et demi par jour chez la femme.
Les sources naturelles de potassium se trouvent dans les fruits et particulièrement lorsqu’ils sont séchés, dans les graines aussi, en particulier dans le cacao, et dans les légumes. Le fruit le plus connu comme apportant du potassium est la banane, mais le champion est en fait l’abricot sec avec près de 1 g de potassium pour 100 g de fruit. La banane est la plus populaire mais en réalité la quantité de potassium apportée n’est que de 0,5 g pour 100 g de fruit. Moins connu est l’avocat qui, en réalité, contient deux fois plus de potassium qu’une banane. Pour les légumes, le contenu est variable selon le légume et selon la préparation culinaire réalisée. Il est dit que c’est la peau de la pomme de terre qui apporte le potassium et que la cuisson à l’eau fait diminuer le contenu en potassium. Pour la tomate, c’est au contraire la chair qui contient le potassium et en conséquence des quantités élevées de potassium sont notées dans les sauces tomates.
Depuis des années le message «manger moins salé» est largement diffusé et connu du grand public. La raison de ce message répétée par tous les media est le bénéfice pour les patients hypertendus de voir diminuer leur pression artérielle lorsque la consommation de chlorure de sodium est diminuée. De nombreuses études ont en effet démontré qu’une diminution de 5 g par jour de la consommation de chlorure de sodium pouvait s’accompagner, chez 40% des patients hypertendus, d’une baisse de la tension. Les données de six études prospectives de cohortes d’adultes vivant aux USA2, initialement en bonne santé, afin d’évaluer le rôle du rapport sodium/potassium sur la survenue d’une complication cardiovasculaire montre que pour chaque augmentation du sodium de 1 g (2,5 g de chlorure de sodium) il est observé une augmentation de 18 % du risque de survenue d’une complication cardiovasculaire. De plus, pour chaque augmentation de potassium de 1 g il est observé une diminution de 18 % du risque de complication cardiovasculaire.
Concernant le rapport sodium/potassium, un rapport supérieur à 3,4 s’accompagne d’une augmentation de 62 % des complications cardiovasculaires.
Ainsi, selon ces études, il est recommandé de consommer au moins 4 fois plus de potassium que de sodium pour obtenir un bénéfice optimal. Il est important de noter que le potassium provenant des aliments est plus efficace que celui apporté par des comprimés.
Ainsi les données actuelles confirment que les effets cardio-vasculaires défavorables d’une consommation excessive de sel peuvent être moins importants si la consommation de potassium d’origine alimentaire augmente.
Mais prenons garde aussi de ne pas diffuser des messages qui seront mal compris par les patients car le risque d’hyperkaliémie n’est pas nul, en particulier chez les sujets ayant une insuffisance rénale ou chez tous ceux qui prennent des médicaments antihypertenseurs ayant une action sur l’élimination du potassium par les reins (les sartans, les IEC, la spironolactone, l’amiloride).
Je ne conseille pas à mes patients la consommation de « sels de régime. En effet, ce sont le plus souvent des sels de potassium et il le risque d’hyperkaliémie est élevé en particulier chez les sujets de 60 ans et plus traités par un ou plusieurs médicaments bloquants le SRAA.Dans les autres avancées le chapitre 20.8 Hypertension oncology est nouveau et apporte des informations vraiment nouvelles. Ce chapître est à lire et ne peut pas être résumé tant il est détaillé sur le risque de voir apparaître une hypertension artérielle selon la famille d’anticancéreux utilisé. Toutefois une recommandation générale est émise qui est la suivante :
« Il est recommandé de mesurer la tension artérielle au cabinet médical avant le début d’un traitement anticancéreux. Chez les patients souffrant ou non d’hypertension artérielle, car de nombreux nouveaux médicaments anticancéreux peuvent provoquer une élévation de la pression artérielle ».
Dans les reculades, il y a celle qui concerne le « retour » des bêta bloquants pour la prescription de première intention.
Dans un article dans le Lancet3, le Professeur Messerli, un des leaders incontestés de l’hypertension artérielle aux USA écrit : « Dans ses récentes directives, la Société européenne d’hypertension a revalorisé les β-bloquants, les mettant sur un pied d’égalité avec les diurétiques thiazidiques, les bloqueurs du système rénine-angiotensine, et les bloqueurs des canaux calciques. La raison invoquée pour le reclassement des β-bloquants est qu’ils sont souvent utilisés pour de nombreuses autres affections cliniques couramment rencontrées dans l’hypertension. Ce surclassement permettrait de traiter deux pathologies avec un seul médicament. Dans la plupart des directives nationales et internationales actuelles sur l’hypertension, les β-bloquants ne sont considérés comme une alternative que lorsqu’il existe des indications spécifiques. Comparés aux autres classes de médicaments antihypertenseurs de première intention, les β-bloquants sont nettement moins efficaces dans la prévention des accidents vasculaires cérébraux et de la mortalité cardiovasculaire. Le fait de reléguer les β-bloquants à un statut d’infériorité, comme l’ont fait les lignes directrices précédentes, était basé sur l’ensemble des preuves, et ne change pas. Aucune nouvelle preuve ne vient étayer le retour des β-bloquants en tant que traitement de première intention. Nous sommes préoccupés par le fait que ce changement pourrait conduire à des dommages généralisés en raison d’une protection inférieure contre les accidents vasculaires cérébraux ».
Une autre « reculade » concerne les méthodes de mesure de la pression artérielle et certain retour en arrière concernant les méthodes d’évaluation de la pression artérielle réalisées en dehors de la consultation ainsi la phrase du chapitre 4.2 Standard office blood pressure measurement mérite lecture « La mesure de la PA à la consultation de façon conventionnelle est la méthode d’évaluation de la PA la plus étudiée. Il en a résulté la classification de la PA, le rôle de la PA en tant que facteur de risque CV, l’effet protecteur du traitement antihypertenseur et les seuils de PA et les cibles des interventions thérapeutiques. Les seuils de PA et les cibles des interventions thérapeutiques ont été établis [4,62,80]. Malgré plusieurs limites, et l’utilisation croissante de la PA en dehors du cabinet, la mesure conventionnelle reste la méthode la plus utilisée pour le diagnostic et la prise en charge de l’hypertension ».
Il découle de cet argumentaire la recommandation suivante : « Il est recommandé de diagnostiquer l’hypertension au cours d’au moins 2 visites distinctes au cabinet (en l’espace de 4 semaines), à moins que la TA au cabinet n’indique une hypertension de grade 3 (≥180/110 mmHg) ou si le patient présente des symptômes liés à l’hypertension ou s’il existe des signes d’atteinte d’organes cibles ».
On croit lire la recommandation de l’OMS de 1972 !
On perçoit que cette recommandation n’a pas due être très consensuelle car une autre phrase a été écrite « La PA en dehors du cabinet est une source d’informations multiples sur le niveau tensionnel, avant et pendant le traitement. Il est donc recommandé d’obtenir des informations supplémentaires sur les valeurs de la PA par MAPA ou automesure ou les deux si possible ».
Au cours de la session de l’AHA tenue en novembre 2023, l’association des cardiologues Nord-Américains a annoncé avoir mis au point un nouveau calculateur de risque CV appelé PREVENT (Predicting Risk of CVD Events). Ce calculateur est le premier qui combine des mesures de la santé cardiovasculaire, rénale et métabolique pour affiner la prédiction du risque de maladie cardiovasculaire d’un individu.
La nouveauté par rapport aux calculateurs déjà disponibles (équation de Framingham, SCORE2, QRISK3) est de faire entrer dans l’équation de risque les paramètres définissant le syndrome cardiovasculaire, rénal et métabolique (CKM).
Ce nouveau concept est une réponse à la forte prévalence des maladies métaboliques et rénales dans la population mondiale.
Le calculateur tient compte évidemment aussi des facteurs de risque « traditionnels » : pression artérielle (seule la valeur de la pression systolique est conservée pour le calcul du risque avec 3 seuils chez un sujet non traité de 120, 140 et 160 et 3 seuils chez le sujet sous antihypertenseur à 100, 120 et 140), tabagisme, dyslipidémie, âge et sexe mais il ajoute d’autres facteurs comme l’utilisation de médicaments antihypertenseurs (pour tenir compte du risque résiduel chez les hypertendus traités) et il ajoute les déterminants sociaux de la santé (indice de privation sociale) lorsqu’ils sont disponibles.
Il est possible d’ajouter dans l’équation de prédiction des facteurs CKM lorsqu’ils sont cliniquement indiqués pour la mesure (rapport albumine urinaire/créatinine et hémoglobine A1c) ou des déterminants sociaux de la santé
PREVENT est destiné aux adultes âgés de 30 à 79 ans et estime le risque à 10 et 30 ans de l’ensemble des maladies cardiovasculaires, y compris, et pour la première fois, l’insuffisance cardiaque.
Le calculateur évalue le risque à 10 ans d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébral uniquement chez les adultes âgés de 40 à 79 ans.
Les équations PREVENT sont actuellement uniquement disponibles sur des tables de risque en « version papier ». L’AHA indique que l’équation de risque sera bientôt disponible en version numérique.
Dans cette attente je recommande l’usage du calculateur de risque QRISK3 mis au point pour la population vivant en Grande-Bretagne5 qui est disponible sous un format numérique gratuit et propose une nombre de facteurs prédicteurs du risque encore plus complet que l’équation PREVENT (Marqueurs de l’inflammation, variabilité de la pression artérielle, traitement pharmacologiques augmentant le RCV).