Hypertension du diabétique - Fondation HTA

hypertension DU DIABÉTIQUE

 

Entretien du Pr Xavier Girerd avec le Pr Béatrice Duly-Bouhanick

18 juin 2024

Béatrice DULY BOUHANICK, vous êtes diabétologue et hypertensiologue et présidente de la Société Française d’hypertension artérielle. Pourquoi les diabétiques ont si souvent de l’hypertension artérielle ?

Tout est lié entre l’hypertension et le diabète de type 2 par un mécanisme physiopathologique qui est l’insulinorésistance.

Le plus souvent comme l’insulorésistance précède la découverte du diabète, l’hypertension artérielle qui est liée à cette insulorésistance précède la découverte du diabète.

Dans certains travaux épidémiologiques l’hypertension artérielle est décrit comme étant un facteur de risque du diabète et cela est en fait lié à l’insulinorésistance.

Ainsi le diabète et l’hypertension sont intriqués et c’est pour cela que les deux maladies concerneront la même personne.

Est-ce que l’hypertension artérielle chez le diabétique a des particularités dans sa prise en charge ?

En 2018 les recommandations européennes de l’hypertension artérielle mettait en avant une grande nouveauté concernant les cibles de la tension à atteindre chez le diabétique. La cible était d’atteindre 130 pour la systolique et 80 pour la diastolique, mais en plus la nouveauté était de ne pas faire baisser la tension à moins de 120 pour la systolique et 70 pour la diastolique. Cette recommandation était une grande nouveauté qui a été reprise dans la guideline européenne en 2023. Eviter de faire trop baisser la tension chez le diabétique est donc une spécificité de la prise en charge de l’hypertension chez le diabétique.

Cette particularité est très importante car pendant très longtemps il a été dit que chez le diabétique l’objectif tensionnel devait être plus bas que chez l’hypertendu non diabétique. Ce message est identique chez les patients coronariens chez lesquels on observe une courbe en J. Ce résultat a été décrit par le Dr Emmanuelle Vidal-petiot, mais aussi par des scientifiques Nord-Américains et confirmés dans des méta-analyses publiées dans le BMJ. La règle « the lower is the better » n’est pas pas à appliquer chez le diabètique.

Quels sont les objectifs de tension à atteindre chez un hypertendu qu’il soit diabétique ou non diabétique ?

Chez les patients à risque cardiovasculaire l’objectif de la tension à atteindre est de 130 pour la systolique et de 80 pour la diastolique.

Ces valeurs de tension sont-elles pour des mesures réalisées en en consultation ou alors en automesure ?

Les valeurs sont des valeurs de consultation car pour l’automesure l’objectif est toujours 135 pour la systolique et 85 pour la diastolique. Ces valeurs sont identiques que l’on soit une femme enceinte ou un diabétique ou un hypertendu sans spécificité. Des études suggèrent pourtant que des valeurs pourraient être différentes chez les hommes et chez les femmes mais il est très compliqué d’obtenir des études prospectives qui valident ces suggestions.

On peut considérer quand même en pratique que si l’on enlève 5 mm de mercure aux valeurs de consultation on obtient les valeurs cibles pour l’automesure, donc si l’on annonce 130 pour la systolique et 80 pour la diastolique en consultation cela correspondrait à 125 pour la systolique et 75 pour la diastolique pour les valeurs cibles en automesure. Cette estimation est théorique car il n’y a pas d’études cliniques qui confirme cette proposition. Donc si l’on utilise l’automesure pour le suivi de l’hypertension, les valeurs de tension à atteindre sont de moins de 135 pour la systolique et de moins de 85 pour la diastolique.

Quels sont les médicament de l’hypertension artérielle recommandés chez le diabétique ?

Les traitements de l’hypertension chez le diabétique ont très peu changé depuis 30 ans.

Ce sont les médicaments bloqueurs du système rénine angiotensine (IEC et sartan) qui ont depuis 30 ans une place prioritaire chez les hypertendus diabétiques. Ainsi, un diabétique doit recevoir un IEC (perindopril, ramipril, lisinopril, enalapril) ou un sartan (irbesartan, valsartan, candesartan, losartan, telmisartan) comme premier médicament antihypertenseur. Cette règle ancienne reste toujours valable en 2024.

Quelle est la place du diurétique pour le traitement de l’hypertension du diabétique ?

Le diurétique thiazidique a une place intéressante lorsqu’il est associé à un au bloqueurs du système rénine angiotensine mais on peut aussi associer un antagoniste calcique à un IEC ou à un sartan .

Il a été dit dans le passé que l’hypertension du diabétique était volo-dépendante et qu’en conséquence il était très logique d’utiliser un diurétique thiazidique pour le traitement de l’hypertension chez le diabétique. Les résultats de l’étude ACCOMPLISH ont montré l’intérêt pour prévenir les complications cardiovasculaires d’associer un antagoniste calcique avec un IEC. Finalement les conclusions de cette étude et d’autres ont été de montrer que le plus important chez le diabétique hypertendu était surtout d’obtenir une baisse de la pression artérielle la plus efficace possible et surtout datteindre 130 pour la systolique et 80 pour la diastolique. Pour y arriver il est toutefois le plus souvent nécessaire de prescrire au moins deux médicaments (bithérapie libre ou combinaison fixe). Chez de nombreux patients diabétiques il serait utile de débuter le traitement par une bithérapie fixe (recommandation de l’ESH/ISH). Dans tous les cas il est nécessaire d’adapter le traitement antihypertenseur apres 1 mois de suivi et de tenir compte du résultat obtenu sur la baisse de la pression artérielle.

Si nécessaire il faudra prescrire une trithérapie avec un antagoniste calcique, un diurétique thiazidique et un IEC ou un sartan. Cette pratique est celle des spécialistes de l’hypertension qui travaillent dans les centres d’Excellence en HTA, mais malheureusement pas celle de la majorité des médecins non spécialistes.

Lorsqu’un diurétique est prescrit chez un diabétique, c’est un diurétique thiazidique qui doit être prescrit et pas le furosémide dont la prescription devrait être limité aux patients avec insuffisance cardiaque ou ceux en insuffisance rénale sévère.

L’hydrochlorothiazide est le moins puissant des diurétiques thiazidiques pour faire baisser la pression artérielle et l’indapamide ou l’altizide sont les plus efficaces.  L’hydrochlorothiazide (ESIDREX) est en comprimé sécable et l’on peut donc prescrire une plus petite dose de 12,5 mg qui peut être suffisante chez certains patients. L’indapamide provoque des baisses de potassium surtout dès la dose de 1,5 mg et particulièrement lorsqu’il est prescrit en monothérapie. Chez le diabétique, la combinaison de l’indapamide à un IEC ou à un sartan limite le risque d’hypokaliémie.

Chez le diabétique la prescription d’une glifosine (iSGLT2) qui a une petite action diurétique peut conduire à baisser parfois la dose de diurétique thiazidique selon le contexte et il faut pratiquer une médecine personnalisée qui s’adapte aux caractéristiques du patient.

Est-ce que la prévalence de l’hypertension chez les diabétiques de type 2 diminue du fait de l’augmentation de l’usage des agonistes du GLP1 chez les  diabétiques 

Les agonistes du GLP1 sont des médicaments utiles pour traiter l’hyperglycémie chez les diabètiques de type 2 et souvent spectaculaires pour provoquer une baisse du poids chez les sujets en surpoids. La fréquence de leur usage a augmenté en France ces dernières années et leur utilisation va sans doute se généraliser depuis que ces médicaments sont recommandés par la HAS (publication de juin 2024).

Il a été observé pour certains patients une baisse de la pression artérielle concomitante à la perte du poids.

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Infos@tension, septembre 2021

Diabète et hypertension

 

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Le conseil du Pr Xavier Girerd

« L’hypertension et le diabète coexistent souvent chez le même patient. Le traitement des deux maladies permet de diminuer la mortalité cardiaque. »

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Auteur : Pr Xavier Girerd, Président de la Fondation de Recherche sur l’hypertension artérielle et cardiologue à l’Assistance Publique à Paris.

Dans ce numéro d’infos@tension, je souhaite vous informer sur le bénéfice qu’il existe à soigner en même temps une hypertension et un diabète.

La présence des deux maladies chez un même patient augmente de façon importante son risque de voir survenir une maladie cardiaque ou rénale. En France, le diabète est devenu la première cause d’insuffisance rénale terminale.

Chez un hypertendu en surpoids, le dosage de la glycémie doit être réalisé au moins une fois par an car le risque de diabète est important. A contrario, chez un diabétique, il faut surveiller la tension car une hypertension peut survenir au cours de l’évolution en particulier si apparait une obésité avec gros ventre.

Au cours de la dernière décennie il a été observé que le taux de mortalité de cause cardiaque avait diminué de façon importante chez les diabétiques. C’est parce que le traitement de l’hypertension artérielle a été plus systématique que ce bon résultat a été obtenu.
Ainsi, aujourd’hui l’augmentation du risque de maladie cardio-vasculaire chez l’hypertendu diabétique ne doit plus être considérée comme une fatalité.

Mon conseil, au cours du suivi d’un diabétique est de dépister de façon régulière une hypertension artérielle et une anomalie lipidique.

Pour surveiller sa tension et obtenir de l’aide lors de l’utilisation d’un tensiomètre automatique, la Fondation de Recherche sur l’HTA conseille d’utiliser l’application depistHTA, téléchargeable gratuitement.

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LE CHIFFRE FLAHS

Chez les hypertendus, un diabète est observé chez 20 % des patients. Chez les diabétiques, l’hypertension concerne 70 % des patients.

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Auteur : Pr Xavier Girerd, Président de la Fondation de Recherche sur l’hypertension artérielle et cardiologue à l’Assistance Publique à Paris.

L’enquête FLAHS 2019 a été réalisée en juillet 2019 par un auto-questionnaire envoyé à 10 000 individus âgés de 35 ans et plus issus de la base de sondage permanente Métascope de Kantar Health. Une représentativité des résultats pour la population Française métropolitaine a été assurée par redressement statistique des données.

En 2019, l’hypertension artérielle traitée par au moins un médicament anti-hypertenseurs concernait 10,3 millions de sujets.

Le diabète traité par médicament antidiabétique concernait 3,2 millions de sujets.

L’hypertension et le diabète de type 2 coexistent souvent chez le même patient en particulier si il existe une obésité de type abdominal. Ce type d’obésité est caractérisée par l’augmentation du périmètre abdominal qui selon la définition est supérieure à 88 cm chez le femme ou à 102 cm chez l’homme.
Comme l’obésité abdominale est plus fréquente chez le diabétique que chez l’hypertendu, on constate que chez les diabétiques, une hypertension est rencontrée chez 70% des patients, alors que chez les hypertendus un diabète n’est noté que chez 20% des patients.

Pour en savoir plus sur le risque de mortalité cardiaque chez le diabétique et les effets favorables du traitement de l’hypertension et de la dyslipidémie chez le diabétique, consulter la rubrique Info recherche de info@tension de septembre 2021.

Pour consulter tous les résultats des études FLAHS, rendez-vous ici.

L’INFO RECHERCHE

Au Danemark, l’usage des antihypertenseurs et des statines a permis une baisse de la mortalité cardiaque des diabétiques de type2.

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Auteur : Dr MC Wimart, membre du Comité Français de Lutte contre l’Hypertension Artérielle

Le diabète de type 2 est un facteur de risque de maladies cardiovasculaires et son traitement a pour objectif de protéger contre la survenue de complications cardiovasculaires. Une particularité du diabète de type 2 est d’observer que l’hypertension artérielle et les anomalies du bilan lipidique sont très fréquemment présentes chez ces patients.

L’impact sur la mortalité cardiaque du traitement de l’hypertension et des anomalies lipidiques a ainsi été évalué par le Dr Gyldenkerne et ses collègues, dans une vaste étude épidémiologique, menée sur la population des diabétiques pris en charge au Danemark, entre 1996 et 2011.

Durant cette période, plus de 200 000 nouveaux patients diabétiques de type 2, sans maladie cardiovasculaire déclarée, ont été pris en charge. La prescription des médicaments antihypertenseurs et des statines a été observée par l’accès aux registres de l’Assurance Maladie Danoise.

La mortalité cardiaque pendant les 7 ans suivant la date d’inclusion a été comptabilisée dans ces populations et a été comparée à celle de la population générale. Le but de cette étude a été de comparer la mortalité cardiaque des diabétiques de la cohorte pris en charge à partir de 1996 à ceux pris en charge à partir de 2008.
Entre les 2 périodes le nombre des diabétiques a augmenté de 45%.

Le principal résultat de cette étude montre une diminution du nombre d’infarctus et de la mortalité cardiaque entre les 2 périodes. Ainsi, la mortalité cardiaque des diabétiques est passée de 7,1% à 1,6% se rapprochant maintenant de celle de la population générale de même âge.

Le deuxième résultat indique une forte progression dans l’utilisation des médicaments antihypertenseurs et des statines chez les diabétiques, entre les 2 périodes.

En conclusion, cette étude confirme que le risque de mortalité cardiaque chez les diabétiques est maintenant presque comparable à celui de la population générale de même âge.

Ce bénéfice semble en grande partie associé au traitement par médicaments antihypertenseurs et par statine, qui est prescrit aux diabétiques de type 2, en plus de leur traitement du diabète.

L’INVITÉ : Jean-François Thébaut,
Vice-Président de la Fédération Française des Diabétiques

La FFD a choisi de faire une campagne nationale sur l’importance de dépister l’HTA chez les personnes diabétiques.

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Pourquoi la Fédération Française des Diabétiques a-t-elle choisi de faire une Semaine Nationale de Prévention et de dépistage sur les risques du diabète et de l’HTA en 2021 et 2022 ?

 

Les risques cardiovasculaires sont très importants chez les personnes diabétiques : deux tiers des décès sont dus à problèmes cardio-neuro-vasculaires (infarctus, insuffisance cardiaque, AVC avec beaucoup de handicaps…). Les chiffres de la mortalité ont bien diminué grâce à la prévention cardiovasculaire mais ils restent très préoccupants et c’est toujours la première cause de mortalité des diabétiques.

Des études ont montré que nos messages sur le risque cardiovasculaire étaient trop généraux. Les précédentes semaines de prévention portaient sur le thème : « Réduisez vos risques cardiovasculaires », ce qui n’était pas assez précis. S’adressant à une population très large, ils manquaient finalement leur cible. Nous avons donc décidé de l’affiner pour être plus percutants et de cibler une pathologie que tout le monde connaît: l’hypertension artérielle, qui a été retenue parce que c’est la 1ère pathologie associée au diabète.

Certes, on s’adressait à une population un peu moins importante – l’HTA concerne tout de même près de 14 millions d’individus – mais au moins le message était plus clair et plus précis.

 

Pouvez-vous nous raconter un souvenir d’une action conjointe avec la FRHTA qui vous a le plus marqué?

 

Plus qu’un souvenir, c’est un espoir que je souhaite partager : le « test d’autodépistage de la tension » créé par la FRHTA est pour nous extraordinaire et révolutionnaire parce que, jusqu’à présent, nos bénévoles – qui ne sont pas des professionnels de santé – n’avaient pas pour habitude d’utiliser le tensiomètre mais le proposaient aux personnes pour qu’elles mesurent leur tension elles-mêmes.

La FRHTA en a d’ailleurs offert une centaine de tensiomètres pour les associations locales c’est-à-dire un par association fédérée.

Et même avec des recommandations, les bénévoles ne savaient pas comment aider les patients à interpréter les chiffres et les valeurs trouvés en auto-mesure. Ils étaient très réticents à les utiliser eux-mêmes.

Or, la FRHTA a mis au point l’Autotest cardiovasculaire qui permet d’orienter et de sécuriser ces bénévoles pour les aider à conseiller les sujets dépistés sur la prise en charge en cas de chiffres de tension élevés.

On a donc un espoir que cet outil soit utilisé lors des actions de dépistage menées sur le terrain par les associations fédérées (cafés diabète, réunions d’information ou de prévention dans les écoles, collèges, lycées, entreprises).