Sel et tension - Fondation HTA

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Sel et tension

 

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Réduire le sel est-il toujours utile ?

J’aimerais m’entretenir avec vous des relations entre le sel et l’hypertension artérielle et vous indiquer quelles sont les données les plus récentes concernant cette relation incestueuse.

  • Premier élément à bien connaître c’est que, quand nous parlons de sel, il s’agit de chlorure de sodium. Le chlorure de sodium : dans 1 g de sel de cuisine, il y a 400 mg de sodium ce qui conduit à imposer une multiplication par 2,5 lorsque l’on veut traduire l’information qui est apposée sur les emballages de certains aliments où l’indication du sodium doit pouvoir être intégrée en sel pour pouvoir apporter une information pratique aux patients.
  • Deuxième information, nous médecins avons la possibilité d’évaluer la consommation qu’a un patient de son sel en dosant le sodium, le sodium dans les urines. Ce n’est pas le sodium sanguin qui apporte l’information des apports de sel mais le sodium urinaire et qu’il faut connaître l’équivalence : 100 millimole de sodium urinaire dans un ionogramme urinaire correspond à 6 g de sel.

Avec ces deux quantités, il est possible maintenant de s’intéresser à la grande question : est-ce que le sel est mauvais pour la santé ? Le sel est mauvais pour la santé, c’est une notion très anciennement reconnue et des données toutes récentes d’une grande étude entreprise dans 17 pays du monde. 10 000 patients ont bénéficié d’un recueil urinaire de leur sodium et ont été suivis pendant plusieurs années pour évaluer les relations qu’il y a entre la consommation de sel et les événements cardiovasculaires, ou la consommation de sel et en particulier la pression artérielle d’un individu.

Comme on peut l’observer maintenant avec ces données, 1 mm de mercure de pression artérielle systolique sera observé comme augmentation pour chaque gramme de sel consommé en supplément. 1 mm de mercure pour un 1 gramme de sel. Cette grandeur est à retenir car elle montre bien que si la relation entre sel et pression artérielle existe, cette relation reste très ténue vis-à-vis du risque d’hypertension associé au sel, reste donc très modéré par rapport à d’autres facteurs qui vont favoriser l’hypertension artérielle comme l’augmentation du poids et surtout le vieillissement, qui sont les causes principales d’apparition de l’hypertension artérielle.

Une information apportée par la grande étude épidémiologique, l’étude PURE publiée en août 2014, est que la relation qui existe entre la consommation de sel et la mortalité n’est pas une relation linéaire. Plus vous augmentez votre consommation de sel, plus vous avez un risque de mourir : mourir de maladie cardio-vasculaire en particulier. Mais lorsque vous diminuez votre consommation de sel et en particulier quand vous êtes un sujet bien portant, ne pas manger suffisamment de sel conduit à voir augmenter la mortalité de ces populations qui se sont mis souvent volontairement à un régime peu salé.

On va donc, avec cette étude PURE, probablement revoir les recommandations en population générale qu’il faut donner vis-à-vis du sel. Le sel en consommation excessive est mauvais pour la santé mais il n’y a pas lieu de manger sans sel. Manger sans sel n’est pas bon non plus pour la santé.

Regardons les conséquences que pourrait avoir une diminution de la consommation sodée : si on diminue de 5 g la consommation sodée par jour, l’ensemble des études entreprises ont montré qu’il y avait une baisse de pression artérielle observée mais que cette baisse de pression artérielle n’était pas de même intensité.

  • Si vous êtes normotendu, la baisse de pression artérielle sera de 1,3 mm de mercure pour la pression systolique et d’un demi mm de mercure pour la diastolique.
  • En revanche, si vous êtes hypertendu, la diminution de consommation de sel conduira à observer une baisse plus importante de pression artérielle dans cette étude de revue COCHRANE qui reprend donc toutes les données de la littérature concernant la relation entre la restriction sodée et la baisse de pression artérielle, on observe 4 mm de mercure de diminution de la pression artérielle.

Par comparaison, n’oublions pas que la prescription d’un antihypertenseur en monothérapie, un bloqueur du système rénine-angio-tensine fait observer une moyenne d’environ 12 mm de baisse de pression artérielle. Donc on voit bien que proposer comme seul traitement la restriction sodée pour la prise en charge des patients hypertendus ne suffira pas pour permettre le contrôle de la pression artérielle des patients hypertendus. L’apport des médicaments reste supérieur à celui de la restriction sodée.

Concernant l’efficacité de cette restriction sodée, des données récentes en particulier issues de l’excellente étude DAHS menée aux États-Unis pour tester l’hypothèse du bénéfice d’une restriction sodée dans les populations hypertendues et normotendues ont clairement démontré que 80 % du bénéfice de la restriction sodée est obtenu après une semaine seulement de restriction sodée. A 4 semaines, la baisse de pression artérielle est un peu plus importante que après une semaine mais l’essentiel est obtenu après une semaine.

Ce point est nouveau et dans la conviction que l’on doit mettre dans l’entretien à avoir avec un patient hypertendu sur la nécessité qu’il doit avoir dans certaines circonstances de diminuer sa consommation de sel : il faut lui dire que ce bénéfice sera très rapidement obtenu, donc il faut qu’on éloigne de notre discours ce qui était recommandé il y a quelques années consistant à dire « revoyez votre patient dans 3 mois après lui avoir donné des conseils de diminution de consommation sodée », non ce n’est pas nécessaire, il faut dire au patient « revenez me voir dans un mois et dans le mois qui vient faites des efforts particulièrement importants pour changer vos habitudes alimentaires ».

Car effectivement la consommation de sel chez l’hypertendu reste un problème par comparaison au seuil fixé par les organisations internationales d’une consommation de 6 g par jour chez les hypertendus, on voit dans ces résultats collectés au niveau de mon service que les patients hypertendus pris en charge et chez lesquels un sodium urinaire a été proposé comme dosage d’estimation de la consommation de sel qu’en moyenne la consommation de sel est de 7 g chez les femmes et 8,8 g chez les hommes.

Cette consommation de sel n’est quantitativement pas très éloignée de l’objectif de 6 g, donc on peut considérer qu’aujourd’hui dans la population des patients qui vivent en Île-de-France la consommation de sel n’est pas particulièrement trop importante.

C’est en fait pour une proportion de sujets, que l’on va appeler les consommateurs excessifs de sel, que toute notre énergie devrait se déployer. Il existe en effet 19 % des patients hypertendus qui consomment plus de 12 g de sel par jour, on les considère donc comme consommateurs excessifs et d’emblée il y a une discrimination qui va se faire entre les hommes et les femmes avec une plus une grande proportion de consommateurs excessifs de sel chez les hommes : 25 % et 12,5 % chez les femmes. Un premier moyen simple d’évaluer la possibilité d’avoir affaire à un consommateur excessif c’est de noter : est-ce un homme, est-ce une femme ? Les hommes sont plus souvent consommateurs excessifs de sel que les femmes.

Est-ce que tous les patients ont une sensibilité au sel ? C’est-à-dire on va leur proposer de diminuer leur consommation de sel mais est-ce que tout le monde va en profiter ? Là encore, il y a une inégalité. Une inégalité entre les patients qui ont une pression artérielle normale et les patients qui sont hypertendus.

On le voit à partir des études DASH et de beaucoup d’autres études : il a été montré que seulement 40 % des patients hypertendus sont sensibles au sel, autrement dit cela veut dire que proposer à tous les hypertendus de diminuer leur consommation de sel ne conduira qu’à observer que chez 40 % d’entre eux une diminution de la pression artérielle.

Ce chiffre de sensibilité au sel est encore plus faible chez les patients normotendus puisque seulement 20 % des patients ayant une pression artérielle normale vont trouver un bénéfice à diminuer leur consommation de sel.

On voit donc que les messages de santé publique concernant la consommation de sel sont difficiles à manier car lorsque l’on indique en bas des écrans de télévision, dès qu’une publicité pour un aliment est mise en avant « diminuez votre consommation de sel », on voit que ce message ne va bénéficier qu’à 20 % des individus qui vont se soumettre éventuellement à ce message de diminution de la consommation de sel.

Il y a une population qui va tirer particulièrement bénéfice d’une diminution de la consommation excessive de sel, ce sont les hypertendus traités et non contrôlés. Dans cette étude assez récente réalisée de façon impeccable sur le plan méthodologique, les patients ont bénéficié d’une mesure ambulatoire de pression artérielle avant et une semaine après la mise en route d’une diminution très significative de la consommation excessive de sel puisque les patients qui consommaient plus de 15 g par jour se sont vu proposer de n’en consommer plus que 3 g par jour.

La baisse de pression artérielle observée en mesure ambulatoire de pression artérielle a été de 20 mm de mercure pour la systolique et 10 mm pour la diastolique. Il y a donc là un groupe très intéressant à tenter d’authentifier : ces patients non contrôlés traités par des médicaments antihypertenseurs et qui seraient consommateurs excessifs de sel.

Ça a été l’objet de travaux que j’ai pu diriger au cours de l’année 2014 à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière avec l’aide de l’unité de diététique et de nutrition, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait des aliments qui étaient particulièrement associés à la consommation excessive de sel et que des points qui paraissaient comme acquis comme : un consommateur excessif de sel c’est quelqu’un qui sale de façon excessive son alimentation avec la salière et bien non le fait de saler de façon excessive avec la salière n’apporte que 10 % de la consommation totale de sel sur une journée.

Qu’est-ce qui apporte du sel dans la journée d’un individu hypertendu ou non hypertendu ? C’est le fait de manger du pain, des viennoiseries, du fromage, de la charcuterie, de cuisiner avec du bouillon cube ou de mettre des exhausteurs de goût, vous savez ces produits qui ont un bon goût de fines herbes mais qui contiennent en fait énormément de sel, c’est d’être un mangeur de pizza, de quiche, de sandwich, de Burger. C’est manger des chips, des olives, c’est d’aller acheter chez le traiteur du coin de quartier un bon petit plat et bien le cuisinier, qui est traiteur de quartier, il ne fait pas trop attention aux quantités de sel qu’il met dans ses bons plats. C’est de manger de façon trop régulière des conserves de poissons et c’est de pouvoir assaisonner de façon trop fréquente avec des bonnes sauces, éventuellement les sauces un peu exotiques qui souvent contiennent beaucoup de sel.

En observant cela, nous avons pu mettre au point un questionnaire qui permet, à partir de 7 questions, de dépister les consommateurs excessifs de sel. Ce questionnaire permet en consultation de pouvoir dépister les patients qui sont consommateurs excessifs de sel et surtout avec une meilleure valeur prédictive négative que valeur prédictive positive, pouvoir éliminer par quelques questions simples les consommateurs excessifs de sel.

On a donc aujourd’hui à notre disposition, par ces moyens simples, la possibilité de donner des conseils adaptés chez l’hypertendu sans insuffisance cardiaque. L’hypertendu avec insuffisance cardiaque étant un hypertendu devant bénéficier d’un régime sans sel, ce n’est pas le cas pour l’hypertendu sans insuffisance cardiaque pour lequel il n’y a pas lieu de faire un régime sans sel.

Il faut manger normalement mais il faut modérer sa consommation des trois aliments les plus riches en sel caché que sont le pain, le fromage, la charcuterie. Il faut éviter, tant faire se peut, de cuisiner de façon quotidienne avec des bouillons cubes ou des exhausteurs de goût et il faut tenter de limiter les aliments riches en sel caché dont la liste n’est pas si importante.

Avec ces conseils-là, je pense que le médecin peut être mieux armé pour conseiller, aider son patient et avoir à la fin une meilleure santé.

« Pour savoir si un hypertendu à un intérêt à limiter le sel, il faut d’abord s’intéresser à son alimentation et pour cela connaître les aliments riches en sel caché qui composent sa tradition culinaire »

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Auteur : Pr Xavier Girerd, Président de la Fondation de Recherche sur l’hypertension artérielle et cardiologue à l’Assistance Publique à Paris.

Dans ce numéro d’infos@tension, je souhaite partager mon expérience pour savoir si la tension d’un sujet est « sensible au sel ».
Tout hypertendu a déjà entendu parler des bienfaits qu’il tirerait d’une limitation de sa consommation de sel. Les études réalisées au cours des dernières décennies ont montré qu’en moyenne une diminution de 1 g de la consommation de sel par jour s’accompagnait d’une diminution de 1 mmHg de la tension systolique. Mais il est par ailleurs connu que moins d’un hypertendu sur deux verra sa tension baisser s’il réduit le sel.

Les bilans nutritionnels réalisés chez les hypertendus montrent que le sel ajouté avec la salière n’est à l’origine que de 10% de la quantité totale quotidienne. Ce sont les aliments qui contiennent du sel pour leur fabrication ou leur conservation qui apportent la majorité du sel absorbé quotidiennement.

Pour savoir si un hypertendu a un intérêt à limiter le sel, il faut d’abord s’intéresser à son alimentation et pour cela connaître les aliments riches en sel caché qui composent la tradition culinaire de chacun : le Gaulois mange du pain du fromage et de la charcuterie, l’Italien aime la pizza et ajoute largement du parmigiano dans ses pâtes, l’Africain sub-saharien ajoute du Kubor® dans les plats traditionnels, l’Asiatique arrose de sauce soja et nuoc-man ses plats préférés, le Méditerranéen raffole des olives et des anchois, le Nordique aime le poisson fumé, l’originaire des Balkans ajoute de la poudre Vegeta pour donner du goût aux plats.

La réduction de la taille des portions ou l’arrêt de ces aliments pendant une semaine permet de juger de l’effet sur la tension de façon individualisée.

Pour en savoir plus sur le sel et la tension et pour évaluer par le test exSel, une éventuelle consommation excessive de sel

Chez l’hypertendu, la consommation excessive de sel est notée chez 25% des hommes et 13% des femmes.

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Dans une enquête réalisée chez 2500 hypertendus suivis à la consultation d’un service spécialisé en Hypertension (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris), un dosage du sodium sur les urines des 24 heures a été effectué.

Il est observé que le sel est ≥ 12 g chez 19% des sujets. Il existe une différence entre les hommes et les femmes avec une fréquence double chez les hommes à 25%.
Il est observé que le sel est < 6 g chez 29% des sujets. Il existe une différence entre les hommes et les femmes avec une fréquence plus élevée chez les femmes à 35%.

La consommation excessive de sel (≥ 12 g par jour) concerne une minorité de sujets hypertendus qui vivent en Ile-de-France, mais les hommes sont plus nombreux dans cette situation.

Pour consulter tous les résultats des études FLAHS, rendez-vous à la rubrique Enquêtes FLAHS.

La consommation de sel a plus d’effet sur la tension chez l’hypertendu

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Auteur : Dr MC Wimart, membre du Comité Français de Lutte contre l’Hypertension Artérielle

On croyait déjà tout connaître sur le sel et la tension, mais une méta-analyse réalisée par l’équipe du Professeur Whelton aux Etats-Unis nous apporte de nouveaux éclairages sur le sujet.
Grâce aux études épidémiologiques, depuis 40 ans, on connaît bien la relation « pour 1 gramme de chlorure de sodium ingéré, on observe + 1 millimètre de mercure de tension systolique », le chlorure de sodium étant aussi appelé « sel ».
Dans cette méta-analyse qui a regroupé des études d’intervention, réalisées avec un régime enrichi en sel ou un régime restreint en sel, une analyse détaille les effets sur la tension SYS et la tension DIA de ces deux régimes chez les hypertendus et chez les normotendus.
Les résultats montrent que :
Lors d’une diminution des apports de sel de 5 g par jour, l’hypertendu a une baisse moyenne de sa tension systolique de -6 millimètre de mercure. Cette baisse est plus importante que celle du normotendu qui est de -2.
Lors d’une augmentation des apports de sel de 5 à 15 g par jour, l’hypertendu augmente en moyenne sa tension systolique de +10 millimètre de mercure alors que le normotendu l’augmente de 4.
En conclusion, cette analyse confirme que l’effet du sel sur la tension est différent chez l’hypertendu et chez le normotendu.
Elle apporte, pour la première fois, l’information qu’une consommation excessive de sel a plus d’effet sur la tension qu’un régime qui diminue le sel.
Cela est sans doute lié au fait qu’il est difficile de réduire de plus de 5 g par jour sa consommation de sel alors qu’il est facile d’avoir un excès de sel de plus de 10 g par jour.
Pour en savoir plus sur le moyen d’évaluer sa consommation personnelle de sel, rendez-vous sur le site comitehta.org

Pour lire l’article :
Filippini T et al. Blood Pressure Effects of Sodium Reduction. Dose-Response Meta-Analysis of Experimental Studies. Circulation. 2021; 143: 1542-67