Nous sommes en 2050, Madame C., 45 ans, vient de réaliser un autotest de la tension dans la pharmacie de son quartier. Sa pression artérielle était élevée. Pourtant l’année dernière tout était normal.
L’hypertension artérielle a été confirmée au moyen d’une montre connectée utilisant la méthode cuffless (sans brassard). Cette montre a été mise à sa disposition par l’infirmière de pratique avancée (IPA) qui est installée dans la Maison de santé pluriprofessionnelle qui abrite les locaux du pharmacien. C’est l’élévation de la pression artérielle la nuit qui a conduit l’IPA à lui confirmer le diagnostic d’hypertension artérielle.
Pour la prise en charge thérapeutique initiale, une séance d’éducation thérapeutique a été proposée par l’IPA, et Madame N. est orientée vers un programme de réalité augmentée baptisé « 100 façons naturelles d’améliorer sa pression artérielle ». Ce programme lui a permis de mettre en œuvre rapidement des modifications très individualisées de son alimentation.
En parallèle, l’IPA a obtenu un avis pour le traitement à choisir en accédant à la plateforme numérique qui utilise une intelligence artificielle générative validée par un expert de l’hypertension artérielle. Il lui a été proposé de choisir entre un traitement par DNR ou un traitement par siran permettant une injection semestrielle comme traitement antihypertenseur.
Son choix a été une DNR. Il faudra attendre l’évaluation à trois mois pour savoir si une deuxième DNR doit être proposée, avec un cathéter utilisant une technologie différente de la première. Si le traitement par DNR n’est pas efficace, la prescription d’un médicament per os sera indiquée. Le baxdrostat combiné à un médicament diurétique à faible dose lui sera sans doute proposé.
C’est par téléconsultation que sera suivie son hypertension. Une visite présentielle au moins une fois par an sera assurée par l’IPA travaillant en coordination avec un médecin.
En savoir plus sur les traitements de l’hypertension artérielle
Pr Xavier Girerd : Le Baxdrostat est un médicament dont on parle beaucoup parce qu’il y a un grand laboratoire derrière. Quel est le mécanisme d’action ?
Pr Atul Pathak : C’est un médicament qui s’oppose aux effets de l’aldostérone en bloquant la synthèse de l’aldostérone dont on connaît les méfaits hypertenseurs : entrée dans la fibrose cardiaque, hypertrophie ventricule gauche. C’est la nouvelle classe : les inhibiteurs de l’aldosynthase.
X. G. : Ce n’est pas nouveau, ces produits-là existent depuis 50 ans. En quoi celui-là est-il nouveau ?
A. P. : Il est nouveau parce que son mécanisme d’action va garantir l’efficacité antihypertensive, sans entraîner les méfaits d’autres médicaments qui agissent sur cette voie, à savoir hyperkaliémie, dysfonction rénale, et les méfaits endocriniens notamment.
X. G. : Le profil de toxicité est vu comment par le pharmacologue ?
A. P. : Le profil de toxicité est plutôt un antagoniste des récepteurs de l’aldostérone sans les méfaits des antagonistes des récepteurs de l’aldostérone.
X. G. : C’est un produit intéressant. Quelle indication aura-t-il ?
A. P. : Il sera indiqué, initialement, dans l’hypertension artérielle résistante, mais avec un plan de développement dans toutes les comorbidités associées à l’hypertension artérielle : insuffisance cardiaque d’un côté, insuffisance rénale chronique de l’autre.
X. G. : C’est AstraZeneca qui a ce produit maintenant. Sera-t-il associé à d’autres médicaments d’AstraZeneca ?
A. P. : Effectivement, la nouvelle bithérapie sera probablement inhibiteur du sglt2, aldostérone synthase inhibiteur, qui pourrait quasiment remplacer bloqueur du système rénine-angiotensine-aldostérone traditionnel et autres antihypertenseurs.
X. G. : Les inhibiteurs sglt2 sont-ils des diurétiques ?
A. P. : Ce sont probablement des diurétiques à côté de leurs effets collatéraux mais ils ont une balance diurétique qui va booster l’activité de ces inhibiteurs de l’aldosynthase.
X. G. : Quelle sera la date de mise à disposition en Europe et en France ?
A. P. : Probablement 2025.
X. G. : 2025 c’est demain ! Auront-ils l’indication hypertension ou une indication mixte ?
A. P. : Je crois que le marché justifie que l’indication soit mixte car trouver de la place dans le domaine de l’HTA résistante devient de plus en plus compliqué, par contre le champ est ouvert dans les maladies chroniques.
X. G. : Pourquoi l’HTA résistante ? Ce médicament pourrait-il être un antihypertenseur ?
A. P. : Ce médicament a été développé comme tel. Des études montrent que c’est un très bon antihypertenseur mais le marché aujourd’hui est saturé entre les nouveaux antihypertenseurs et les dispositifs. Il y a beaucoup plus d’apports dans le domaine des maladies rénales chroniques ou malades cardiaques chroniques.
X. G. : C’est un produit qui va venir très vite.
Pr Xavier Girerd : Dans la famille thérapeutique, appelée de son nom pharmacologique : les siran, quel est le mécanisme d’action ?
Pr Atul Pathak : Le mécanisme d’action est un perturbateur de la machinerie moléculaire. Autrement dit, il interfère avec la cascade que l’on connaît : synthétiser des protéines à partir d’un ARN. Il interfère avec la production naturelle et bloque la synthèse d’une protéine : l’angiotensinogène. En mettant au repos l’axe rénine-angiotensine-aldostérone à sa source, il entraîne une diminution efficace et importante de la pression artérielle chez le sujet hypertendu.
X. G. : Ce produit peut être rapproché des bloqueurs du système rénine-angiotensine. Prendra-t-il la place des bloqueurs du système rénine-angiotensine ?
A. P. : Tout à fait.
X. G. : La particularité est sa pharmacologie et son mode d’administration, pouvez-vous donner quelques précisions ?
A. P. : Ces médicaments, par leur structure chimique, sont dégradés par le tractus digestif, donc pour les rendre opérationnels ont les rend forcément injectables. En jouant sur des modifications chimiques, il a été obtenu une demi-vie très longue après une injection. On annonce une injection tous les 6 mois pour un traitement antihypertenseur efficace sur l’année.
X. G. : Est-ce qu’on pourrait appeler ce traitement un vaccin ?
A. P. : On pourrait l’appeler un vaccin mais le mécanisme d’action est différent.
X. G. : Ce n’est donc pas un vaccin. Quelle est la toxicité de ces produits ?
A. P. : La toxicité aujourd’hui est très mal connue car les résultats reposent sur des études de phase 1.
X. G. : Pour poser la question différemment : je n’y vois pas de toxicité, je crois qu’on ne peut pas parler de toxicité. En revanche, il y a un effet indésirable : il marche si bien qu’il baisser la pression pendant 6 mois. Si pendant les 6 mois, un événement fait que la tension est trop basse, y a-t-il a un antidote ?
A. P. : Effectivement ! Deux stratégies ont été développées :
un anticorps : quelque chose qui ressemblera à un vaccin protecteur, qui va s’opposer au médicament ;
des médicaments qu’on a l’habitude d’utiliser dans les hypotensions qui pourraient être donnés comme adjuvants pour lutter contre une baisse tensionnelle très importante, comme la midodrine par exemple, qu’on donne en cas d’hypotension.
X. G. : Ce sera la première fois qu’un médicament antihypertenseur est tellement efficace qu’il faut prévoir le médicament hypertenseur ?
A. P. : Comme les anticoagulants ! Pour la première fois, on est exactement dans la même situation : un médicament trop puissant, pour lequel il faut anticiper le risque d’une hypotension persistante, qui pourrait être grave pour les patients.
X. G. : Pensez-vous que les patients vont l’accepter ?
A. P. : Je crois que les patients vont l’accepter pour le gain d’une injection tous les 6 mois contre un médicament tous les jours. On l’a vu avec les anti-PCSK9. Je crois que les patients seront prêts. Mais décision médicale partagée et préférence patient.
X. G. : Date de mise à disposition en Europe et en France ?
A. P. : Je dirais en 2026 parce que c’est la première fois qu’on va valider cette nouvelle classe de médicaments qui agit sur des voies moléculaires. Plutôt 2026 en Europe.
X. G. : Ne serait-ce pas plutôt en 2030 : ces médicaments vont être très chers parce qu’une injection tous les 6 mois va coûter des milliers d’euros ?
A. P. : Mise à disposition ne veut pas dire remboursement. Peut-être qu’ils seront disponibles et que les patients se paieront ces médicaments parce qu’ils préféreront une injection tous les 6 mois que d’être remboursés pour un médicament tous les jours.
Pr Xavier Girerd : La famille des antihypertenseurs des anti-Endothelin : quel est le mécanisme d’action ? Quel est d’ailleurs le nom du médicament ?
Pr Atul Pathak : C’est l’Aprocitentan. Tous les antagonistes de l’Endothelin se terminent en -entan comme le bosentan. Et ce sont des médicaments qui vont bloquer deux récepteurs à l’Endothelin qu’on appelle ETA et ETB et empêcher l’Endothelin 1 qui est un des plus puissants agents vasoconstricteur d’agir sur le vaisseau et le cœur. L’Endothelin 1 entraîne une vasoconstriction, de la fibrose, de l’hypertrophie ventriculaire gauche…
X. G : Ça fait baisser la pression artérielle ? C’est des antihypertenseurs ?
A. P. : Ce sont des antihypertenseurs, ça fait baisser la pression.
X. G : Ça fait bien partie des futurs antihypertenseurs ?
A. P. : Ça fait bien partie des futurs antihypertenseurs ;
X. G : Quel est le profil de sécurité de ce produit-là ?
A. P. : Le seul méfait qui a été rapporté, c’est une rétention hydrosodée a minima avec des œdèmes des membres inférieurs, pas de signal autre.
X. G : Parce qu’avec les autres médicaments plus anciens, il y avait des problèmes hépatiques, est-ce qu’il y en a avec ce produit ?
A. P. : Non, il n’y a pas de problèmes hépatiques avec celui-là, à la différence de ce qu’on a pu avoir avec le bosentan par exemple.
X. G : Date de commercialisation en Europe et en France ?
A. P. : Je dirais 2025.
X. G : Et ça sera avec une indication hypertension artérielle ?
A. P. : Ça sera pour l’instant indication hypertension artérielle résistante, donc en plus de la tri ou quadrithérapie.
Rapport de l’OMS : Les conséquences désastreuses de l’hypertension et les moyens d’en venir à bout