Pr Xavier Girerd : Professeur Atul Pathak, vous êtes maintenant coordinateur médical et directeur d’un institut au Luxembourg, mais vous restez plus que jamais un spécialiste de l’hypertension artérielle et de l’insuffisance cardiaque. Nous allons discuter de ces recommandations nord-américaines de l’American Heart Association, de l’American College Cardiology… il y a huit associations médicales de spécialistes ou de généralistes américains qui se sont unies pour faire une recommandation, une guideline sur la prévention, la détection, l’évaluation et la prise en charge de l’hypertension artérielle. Il y a beaucoup de choses à dire. On va essayer de se concentrer sur certains sur certains éléments. Est-ce que vous avez participé à ces à ces recommandations ou pas du tout ?
Pr Atul Pathak : Merci de m’accueillir, professeur Girerd. Effectivement, je n’ai pas participé à ces recommandations mais bien sûr, j’ai participé aux recommandations européennes et donc c’est avec beaucoup d’intérêt que je souhaite qu’on discute de d’un certain nombre de points.
XG : La recommandation numéro 1, je vais vous lire cette traduction que j’ai faite du texte de recommandation et de cette synthèse : « l’objectif global du traitement de l’hypertension artérielle est de parvenir à une pression artérielle inférieure à 130-80 pour tous les adultes, avec des exceptions, des précautions particulières pour des personnes qui nécessitent des soins en institution, donc les sujets très dépendants dont l’espérance de vie est limitée ou alors les femmes enceintes. » On va se concentrer sur deux points. Il est clairement dit que finalement la définition de la normotension c’est 130-80. Donc en Europe, on était plutôt à 140-90 pour dire en-dessous on est là. Et puis les dernières recommandations européennes étaient même beaucoup plus basses. Elles disaient 120-70. Alors les Américains sont entre deux. 120-70 pour les Européens pour dire qu’on est normaux et aux États-Unis c’est 130-80. C’est comme ça que je l’interprète. Est-ce que vous avez cette interprétation ou pas ?
AP : Oui. Alors peut-être je rajouterai un point. Ce sont les recommandations dans le titre, vous l’avez rappelé, de la pression artérielle augmentée ou de la pression artérielle haute. Et ça, c’est quand même un message que l’on retrouve dans toutes les recommandations. C’est-à-dire, il n’y a pas de normalité basée sur une valeur seuil. On n’est pas normal en dessous de 140-90, et anormal au-dessus. Il y a une continuité. On sait qu’en fait la pression artérielle optimale, elle est forcément en-dessous de 130-80, elle est même en-dessous de 120-70. Au-dessus, à chaque fois que la pression artérielle augmente, même de quelques millimètres, on sait que le risque d’évènement augmente. Donc ces recommandations finalement, certes, elles baissent le seuil diagnostique. On est hypertendu lorsque la pression artérielle est supérieure à 138. Ça c’est une vraie nouveauté. Les Américains mettent la pression à la pression. Par contre, effectivement, l’objectif, il est assez proche. On retrouve un objectif similaire dans toutes ces recommandations, être à moins de 13-8. Donc voilà, je crois que la grande nouveauté de ces recommandations, c’est surtout le changement du seul diagnostic avec, on va dire, plutôt quelque chose d’assez commun sur l’objectif tensionnel.
XG : Très bien. Alors, la deuxième recommandation et je vais lire aussi tel que je l’ai compris et traduit : les professionnels de santé, c’est pas que les médecins, les professionnels de santé doivent collaborer avec les responsables communautaires, donc on implique toute la population finalement, les établissements de santé, les cabinets médicaux afin de mettre en place un dépistage de l’hypertension chez tous les adultes, de leur entourage, et d’appliquer les recommandations fondées sur les lignes directrices, les guidelines en matière de prévention et de prise en charge de l’hypertension afin d’améliorer les taux de contrôle de pression artérielle. Donc là, il y a une espèce de cri du cœur pour dire « Écoutez, jusqu’à présent c’était réservé aux médecins, finalement, c’était eux qui faisaient le dépistage, la prise en charge, et là il y a un constat que le monde entier fait, en tout cas le monde nord-américain, que les médecins n’y arrivent plus tout seul. Il y a trop de gens, trop de difficultés pour l’accès aux soins probablement et c’est l’ensemble de la communauté, tout le monde doit s’y mettre. Et cette notion de dépistage de l’ensemble de la population organisée à tous les niveaux, c’est un peu d’ailleurs un des projets de l’assurance maladie pour 2026, qu’on fasse un dépistage généralisé de la population. Ça nous pousse à dire bon, on va suivre les Américains une fois de plus ! Mais qu’en pensez-vous ?
AP : Si je peux me permettre, la Fondation Hypertension, que nous représentons, a fait de cela son cheval de bataille depuis très longtemps. Le décloisonnement, la mesure chez les pharmaciens, aller mesurer la pression sur le lieu du travail, ça fait partie des choses que la Fondation a soutenu depuis très longtemps. Elle a tout de suite compris que les actions de dépistage devaient être décloisonnées. Les applications qui ont été développées par la Fondation, notamment suiviHTA, ont mis même aux mains de tout le monde la capacité de faire du dépistage chez soi, le fameux autodépistage. Alors, la Fondation n’est pas co-signataire de ces recommandations, mais en tout cas, ces recommandations nord-américaines reprennent quand même des choses qu’on a testées depuis quelques années, publiées. Donc oui, on ne peut que aller dans ce sens. Il faut mettre la pression sur le dépistage et décloisonner l’hypertension artérielle.
XG : Merci de pouvoir le rappeler car effectivement on a été des lanceurs d’alerte et on propose à la Fondation des solutions, des solutions qui vont au-delà. Je me permets d’insister là-dessus parce qu’elles ne sont pas encore assez connues. Comme on a fait notre cheminement déjà il y a plusieurs années, on s’est rendu compte que dépister c’est bien – mais qu’est-ce qu’on fait après ? – de dire aux gens vous avez de l’hypertension mais il faut agir. Et on a ce programme « Agir », les 20 preuves de l’efficacité pour faire quelque chose tous les jours. On peut faire quelque chose contre l’élévation de la pression artérielle. C’est le programme Agir. Donc moi j’aimerais, Professeur Pathak, parce que vous avez beaucoup d’influence auprès des autorités de santé dans le décloisonnement. Vous connaissez beaucoup de monde un peu partout et il faudrait que tout ce qu’on a pu faire, on puisse l’utiliser. Nous, la Fondation, enfin, vous êtes le Président élu de la Fondation, vous le savez bien, tout est mis à disposition des gens et il faut le faire savoir et donc je compte sur vous. Est-ce que vous auriez des idées pour le faire savoir ? Est-ce que vous connaissez bien les gens de l’Assurance Maladie qui sont derrière ce programme de 2026 ou pas ?
AP : Je ne connais pas les gens de l’Assurance Maladie mais je pense qu’on a à la Fondation des outils qu’on pourrait mettre au service de l’Assurance Maladie, que ça soit un peu la gamification avec le programme AGIR qui est vraiment dans l’air du temps. On sait qu’on a des hypertendus de plus en plus jeunes. Il faut savoir leur parler différemment. Que ça soit comment organiser du dépistage, j’insiste sur le lieu du travail ça était une idée très mise en avant de façon très tôt par la Fondation. Donc les outils on en a, l’application suiviHTA, pourquoi ne pas la mettre au service de l’Assurance Maladie pour que les gens puissent colliger leurs chiffres, les montrer à leur médecin traitant ? Donc c’est plutôt, je dirais un appel que je lance à nos amis ici ou là en leur disant de contacter la Fondation et nous serons ravis du plus grand nombre nos outils.
XG : Merci beaucoup pour ce cri du cœur. Alors la recommandation numéro 3, je vais la lire. Pour tous les adultes, tous les adultes, il est recommandé pour prévenir ou traiter l’hypertension artérielle, le maintien ou l’atteinte d’un poids de forme, l’adoption d’une alimentation saine pour le cœur. Et là, il est clairement dit que c’est le régime DASH Dietary Approach to Stop Hypertension, qui a le plus haut niveau de preuve pour l’hypertension artérielle. La réduction de l’apport en sodium, c’est marqué à la télévision tous les jours. L’augmentation de l’apport en potassium, la Fondation a été aussi lanceur d’alerte. Ça fait plusieurs années que nous nous le disons et maintenant vous voyez, c’est écrit partout, tout le monde s’approprie ses résultats qui étaient en fait issus des travaux des enquêtes, des travaux de DASH et puis l’augmentation la pratique d’une activité physique et il est dit modéré. Donc c’est pas le sport à outrance, c’est une activité modérée, la gestion du stress et vous avez beaucoup de compétences dans ce domaine-là. La réduction ou l’élimination de la consommation d’alcool, ça me semble être un petit peu puritain, anglo-saxon, est-ce qu’on doit éliminer la consommation d’alcool ? On en reparlera un petit peu tout à l’heure car ils ont été un peu plus courageux que de cantonner ça à l’alcool, mais de mettre le problème des drogues licites vraiment aujourd’hui en avant. C’est dans les causes de l’hypertension, la cocaïne, les drogues illicites, les amphétamines, personne veut en parler. Les Américains en parlent maintenant, c’est dans les causes de l’hypertension artérielle chez les plus jeunes en particulier. Donc il y a rien de nouveau dans cette recommandation. Peut-être vous pourriez commenter tel ou tel point ?
AP : Oui, je vais commencer à croire que la recommandation américaine pique les idées à la Fondation. Mais blague à part, je crois qu’effectivement rien de nouveau. Peut-être un mot effectivement sur quand même l’apport en potassium. Alors c’est quelque chose qui a été souligné là aussi souvent dans nos échanges, c’est quelque chose qu’il faut savoir faire avec un niveau de preuve élevé. Ça doit être un petit peu le pendant de la réduction de l’apport en sodium. Moi, j’aime bien votre vision au-delà sur les toxiques parce que ça c’est un véritable enjeu. Les puffs, les cigarettes dans lesquelles on retrouve des produits qui sont utilisés par les plus jeunes sous la forme de sympathomimétique, les boissons énergisantes qui sont remplies de caféine qui sont tachycardisantes, sympathomimétiques. Là, je crois qu’il y a un message fort, presque un message générationnel et géographique, parce que c’est l’apanage de certains pays riches et ça contribue, avec l’obésité, probablement à l’augmentation de la prévalence de l’hypertension chez les sujets les plus jeunes. Et ça c’est peut-être à mon avis le point le plus important.
XG : Merci beaucoup. Alors la recommandation numéro 4, elle est très autour du traitement, ce fameux traitement parce que cette recommandation américaine, elle est très novatrice. Elle va pas dans le sens forcément de ce que les gens aimeraient peut-être entendre, c’est-à-dire l’hypertension c’est traité uniquement par les mesures nutritionnelles, le mode de vie fait tout. Non, ils disent il est recommandé d’instaurer le traitement médicamenteux antihypertenseur en complément des modifications. Mais c’est pas dit à la place, c’est en complément, chez tous les adultes dont la pression est supérieure à 140-90. C’est clair, il y a pas de discussion, on a plus de 140-90, on doit avoir des médicaments antihypertenseurs – c’est ce que disent les Américains – et chez ceux qui, souffrant d’une maladie cardio-vasculaire clinique, donc qui ont déjà une maladie déclarée, qui ont un AVC ou qui ont un diabète ou une maladie rénale, et qui présentent un risque donc cardiovasculaire dit augmenté supérieur à 7,5 sur leur estimateur de risque nord-américain, et ça c’est je veux dire un détail de l’histoire, une pression artérielle supérieure à 130-80. Donc en fait, on met en route un traitement antihypertenseur chez un très grand nombre de sujets avec une hypertension artérielle, parce que 130-80 dans la population française c’est actuellement 45 % de la population. Alors moi ça me fait un peu peur d’ailleurs. Je vais pas mettre un traitement d’hypertenseur aux patients qui ont 130-80. Aujourd’hui, est-ce que vous vous allez suivre cette recommandation ?
AP : C’est vrai que les recommandations de l’ESC et de la CCHA s’accordent sur cette notion que chez les sujets qui ont un risque cardio-vasculaire accru et qui a une pression artérielle dite normale haute puisqu’on est en-dessous du seuil des 140-90 mais au-dessus de 130-80 et bien que ça doit faire l’objet d’un traitement antihypertenseur. J’avoue que c’est peut-être le message fort, incisif, le plus important, puisque on intensifie d’un cran la prise en charge de l’hypertension artérielle. Il y avait un papier dans le BMJ qui disait qu’à chaque fois qu’on modifie un seuil, quelle que soit la pathologie chronique, on augmente la population à traiter de 30 %. Et ça rejoint un petit peu les chiffres que vous donnez. Ça a été vrai quand on a changé le seuil de l’obésité en modifiant le BMI, quand on a changé les seuils pour le diagnostic du diabète. Systématiquement, ça augmente à peu près de 30 % la population à traiter. Alors, est-ce que je vais le faire ? Je vais vous répondre de façon un peu indirecte. Les gens qui ont une maladie cardio-vasculaire établie, ils ont souvent déjà des médicaments antihypertenseurs pour d’autres raisons. Les coronariens ont des bétabloquants, les gens qui ont d’autres maladies ont souvent des bloqueurs du système rénine. Donc ce que je ferai par contre, c’est que je serai plus agressif sur le contrôle tensionnel. Peut-être pas dans l’initiation mais en tout cas dans l’atteinte des objectifs tensionnels.
XG : Très bien. Merci, c’est je pense une très bonne une très bonne attitude. Il faut vraiment aller plus loin, pas forcément démarrer plus tôt mais au moins essayer d’obtenir un meilleur résultat. Alors la recommandation 5 est assez proche finalement de la précédente et elle met encore une autre catégorie de gens, qui sont pas les plus graves, mais qui sont ceux qui au contraire sont entre 130 et 140, ils ont un risque faible. Et bien là, la proposition c’est de dire ceux-là il faut vraiment qu’ils modifient leur mode de vie. Mais après 3 à 6 mois, c’est assez court finalement pour perdre du poids, pour essayer vraiment de changer son mode de vie. C’est court. S’ils sont supérieurs à 130-80, on est passé au stade du dessous, et bien à ce moment-là il faut débuter un traitement médicamenteux. Là on est vraiment dans une situation d’un grand changement où il y a une volonté pour mettre beaucoup de gens au traitement antihypertenseur parce que, on le sait, ces mesures de modification de mode de vie sont très faibles en efficacité, très difficiles à mettre en œuvre et donc ça me fait un peu peur. Finalement, je me dis mais on ne peut pas mettre 40 % d’une population sous traitement antihypertenseur. Qu’en pensez-vous ? Est-ce que j’ai je suis vraiment d’une autre époque ?
AP : Moi, je crois que c’est la première étape pour moins de 13-8 pour tout le monde. Donc, on y va progressivement. Je crois que malheureusement les données de contrôle tensionnel à travers le monde montrent que même à être à moins de 14-9, on n’y arrive pas. Alors, est-ce qu’on va arriver à aller à moins de 13-8 ? Bon, mais ça c’est un autre débat, mais je crois que la machine est enclenchée et qu’on se dirige largement vers quelque chose qui va être de renforcer le traitement médicamenteux. Je pense que la mention des règles d’hygiène de vie, c’est du politiquement correct parce qu’on le sait tous, en 3 à 6 mois, c’est pas en baissant un peu le sel, en augmentant le potassium qu’on sera à l’objectif tensionnel. Donc, c’est un plaidoyer pour traiter plus de malades avec des médicaments pour les amener à des objectifs plus bas. Et c’est ça la vraie nouveauté de ces recommandations.
XG : Merci de le dire aussi clairement. Alors cette recommandation est moins bouleversante. Ça concerne les techniques de mesure. Nous, nous sommes de la génération où nous avons porté ce changement de paradigme. Nous avons été élevés avec le stéthoscope qui était le geste de mesure de pression artérielle, même emblématique de la pratique médicale. Mesurer la pression artérielle, un geste très technique au fait que la surveillance de la pression artérielle en automesure, associée à des interactions fréquentes avec des médecins ou des professionnels de santé, il y a plus que les médecins, il y en a d’autres, qui appliquent des protocoles de traitement standardisés améliorent le contrôle de la pression artérielle. Il convient alors d’éviter de se fier au monde connecté tant que ces dispositifs n’auront pas démontré une plus grande précision à fiabilité. Donc là, il y a quelque chose qui confirme bien toute notre pratique, c’est-à-dire il faut faire de l’automesure et il faut partager toutes ces informations avec le pharmacien, avec l’infirmier, avec le nutritionniste, tous les gens qui sont là pour appliquer des protocoles. Et là, il y a pas de doute, on soigne mieux les hypertendus. Alors, c’est la pratique des spécialistes, mais c’est pas encore du tout la pratique de la majorité des médecins de terrain. Et puis ce petit mot sur les montres connectées, ils précisent bien les montres, c’est pas forcément le bracelet connecté qui lui est là, il a franchi des étapes que n’ont pas franchi encore les montres connectées pour être utilisées dans la prise en charge. Alors, un petit commentaire là-dessus ?
AP : Un commentaire rapide, mais peut-être pour aussi rappeler à nos auditeurs, on pense toujours les États-Unis, c’est un pays moderne, c’est un pays innovant, c’est un pays à la pointe de tout. Et bien détrompez-vous. Pour ce qui est de l’automesure, c’est un pays qui a toujours été à la traine. (…) On va avoir l’impression qu’on parle pas des recommandations américaines, mais des recommandations de la Fondation. Mais ce point-là est intéressant car il adoube cette notion qu’il faut mesurer la pression en dehors du cabinet et ce n’est pas quelque chose que les praticiens américains ont l’habitude de faire. Donc pour eux, c’est une nouveauté mais pour nous c’est la confirmation que ce qu’on avait dit il y a très longtemps, finalement, prend corps.
XG : Professeur Pathak, vous voyagez dans le monde entier, vous connaissez bien d’autres services de système de santé. Est-ce que vous pourriez nous parler de l’Asie, j’aimerais vous parler de l’Inde qui est le premier pays du monde en en population maintenant, peut-être d’autres pays, le Japon si vous connaissez, ou la Chine. Ils en sont où vis-à-vis de l’appropriation des techniques de mesure hors du cabinet médical ?
AP : Alors ils sont restés très traditionnels, mais c’est lié bien sûr, même si ces pays, on en parle beaucoup, ça reste quand même des pays du Sud, des pays en voie de développement. L’accès même à la technologie simple de l’automesure reste compliqué pour la grande population que constitue, on va dire, le bassin de ces pays. Mais comme souvent, et vous allez le voir, peut-être que je me trompe mais je ne crois pas, la caractéristique de ces pays, c’est les sauts technologiques. Je pense qu’on ne verra pas l’avènement de l’automesure en Inde, mais on verra le passage au bracelet connecté plus rapidement que dans le reste du monde. C’est-à-dire que – et ça, ça a été vrai pour d’autres domaines – il était très compliqué d’avoir un téléphone filaire en Inde, il fallait attendre 2 ou 3 ans, mais la pénétration du marché de la téléphonie mobile a été exponentielle. Et je crois que typiquement pour l’hypertension, ces données sur l’automesure vont convaincre les patients et les docteurs qu’il y a quelque chose à faire et il y aura un bond technologique qui fera qu’ils iront d’emblée aux appareils beaucoup plus modernes, ici montre connectée citée nommément mais surtout je pense au bracelet.
XG : C’est très intéressant votre remarque parce que maintenant je comprends mieux pourquoi dans une même phrase – ou deux phrases – ils associaient l’automesure aux montres connectées. Je ne comprenais pas trop le lien. Pour moi, c’est deux choses complètement différentes. Et en fait, vous l’avez bien expliqué, c’est que pour probablement la majorité de la population mondiale, l’automesure, ça sera une étape qu’ils ne connaîtront pas. C’était trop compliqué, trop cher et ils passeront directement au système connecté. Merci beaucoup pour votre éclairage. Alors, je crois qu’il y a une dernière slide que je vous ai préparée, une recommandation qui concerne cette dernière recommandation AHA / ACC : pour tous les adultes avec une pression artérielle supérieure à 140-90 en consultation, ayant une confirmation de l’élévation de la pression artérielle en automesure ou MAPA, ce qui est préconisé en Europe et en France, il est préférable d’initier un traitement avec deux antihypertenseurs de classes différentes, sous la forme d’une association fixe, un seul comprimé, afin d’améliorer l’observance et de réduire le délai d’obtention du contrôle de la pression artérielle. Tous les mots ont été comptés, c’est une traduction que j’ai fait moi mais je pense qu’elle traduit bien tout le soin avec lequel ils ont rédigé cette recommandation et ça nous met là nous en France vraiment maintenant complètement en retard du reste du monde, parce que le monde entier suit cette recommandation-là. La bithérapie, c’est le message le plus important. Un seul comprimé, deux principes actifs. On arrive plus vite à obtenir la protection et chez plus de gens puisqu’il y a plus de gens qui acceptent de prendre les médicaments. Un commentaire, j’imagine que le pharmacologue que vous êtes et l’éducateur thérapeutique ne peut pas être contre cette recommandation ?
AP : Non, je crois que cette recommandation c’est un message très fort qui s’aligne avec le message d’autres recommandations et aussi avec tout récemment une méta-analyse qui a été présentée par le groupe d’Oxford de la Blood Pressure Collaboration Trialist qui confirme l’importance de contrôler vite et bien la pression artérielle pour réduire le risque d’événement et ça passe nécessairement par l’utilisation d’une bithérapie. Sur le plan physiopathologique, bloquer plusieurs systèmes ça passe par une bithérapie. Et enfin, il y a un élément qu’on tend parfois à négliger : bien sûr adhésion, observance, engagement comme disent les anglo-saxons « empowerment », un patient est beaucoup plus content lorsque sa pressure artérielle est contrôlée rapidement. Mais il y a l’aspect quantitatif, et je vais rajouter l’aspect qualitatif, parce que cette méta-analyse montre aussi l’importance de contrôler la variabilité tensionnelle, d’avoir un impact sur la pression artérielle de jour et de nuit, sur des paramètres un peu plus complexes. Donc je crois que la bithérapie d’emblée, c’est aujourd’hui le socle de la prise en charge de l’hypertendu pour toutes les raisons qu’on a évoqué. Effectivement, il faut qu’aujourd’hui les indications et l’accès à la bithérapie pour la France soient revus. On ne peut plus faire abstraction de ce signal très fort pour améliorer le contrôle tensionnel de nos patients.
XG : Est-ce que vous pensez que la bithérapie chez un patient qui a 130-80 et qui a un risque faible et qui a eu 6 mois de mesures nutritionnelles, c’est adapté ? Parce que moi je trouve quand même il y a des limites dans ce message. C’est adapté pour les gens qui ont 150 d’accord mais quelqu’un qui a 132, moi personnellement, je ne le mets pas à la bithérapie !
AP : Je suis d’accord, quelqu’un qui est fragile pour ne pas dire âgé, quelqu’un qui a une hypotension orthostatique symptomatique, quelqu’un qui est au-dessus des 130-80 mais qui a un risque faible, ça fait partie des gens chez lesquels on a envie plutôt de commencer par une monothérapie, ou parfois de ne pas les traiter, c’est à l’appréciation clinique du praticien, mais ça fait partie des malades chez lesquels on n’ira pas à la bithérapie d’emblée.
XG : Merci beaucoup. Je voulais juste avoir un commentaire sur une partie de ces recommandations qui est alors là très originale, très intéressante, un peu discutable. Je ne suis pas sûr que c’est été fait par des grands cliniciens. On sent bien que l’IA a dû faire un petit travail là-dessus de synthèse de ce document, mais c’est intéressant, qui a été de reprendre les causes d’hypertension dite secondaire, parce qu’on a l’habitude de faire un bilan, ça a toujours été le même finalement depuis 40 ans, en tout cas pour moi, et de remettre en avant en fait les causes les plus fréquentes et les moins fréquentes. Et bien la cause la plus fréquente aujourd’hui d’hypertension secondaire, c’est les causes venant de l’hyperaldostéronisme. Alors 5 à 25 % de la prévalence, on voit bien que ça dépend beaucoup des populations dans lesquelles on est. Puis une cause qui n’existe pas en fait, c’est l’hypertension rénovasculaire. Chercher une sténose de l’artère rénale, on montre bien que ça sert pas à grand-chose. D’ailleurs, on ne sait pas très bien quoi en faire derrière. Et puis entre les deux, ils ont eu le courage de dire que, oui, les médicaments – alors les toxiques, alors ils ont mis l’alcool avec, c’est par simplicité parce qu’on ne peut pas agresser trop la population et leur dire que c’est tous des toxicomanes – mais j’ai remis dans cette liste, il y a beaucoup de médicaments, il y a peu de gens impliqués par ça, mais cocaïne, amphétamines, drogues illicites, c’est dans la liste. Et moi, j’aimerais vous poser une question professeur Pathak, vous êtes jeune, moi je suis en fin de carrière : mettez en route un travail si simple à faire. Tous ces patients qui viennent nous voir en consultation, peut-être moins de 50 ans, on va dire, faisons-leur une recherche systématique avec leur accord de recherche de toxiques, et ayons des chiffres, parce que peut-être qu’on sera extrêmement surpris ? En tout cas, c’est ce que suggère cela. J’aimerais avoir votre sentiment. Vous êtes pharmacologue et vous êtes à la tête d’un institut qui est capable d’organiser ça.
AP : Trois commentaires : sous votre présidence, Professeur Girerd, nous avions à l’époque avec le Professeur Boutouyrie, fait une fiche qui était destinée à tous les gens qui allaient sur le site de la Société Française d’HTA sur justement les hypertensions artérielles toxiques. On avait détaillé un grand nombre de classes pharmacologiques dont celles que vous citez nommément. Décidément, on va avoir l’impression que les Américains nous ont tout piqué ! Mais on avait cité nommément ces médicaments sympathomimétiques, ces drogues. Deuxièmement, il y a eu une étude française qui a d’ailleurs fait l’objet d’une publication menée par Theo Pelzel de Paris, qui rapporte finalement sous la forme d’un registre, l’importance des syndromes coronariens aigus induits par les toxiques avec là un dosage systématique réalisé aux soins intensifs de cardiologie chez des patients dont vous vous doutez qu’ils sont très jeunes et où on retrouve les mêmes suspects que sont ceux que vous citez, c’est-à-dire des médicaments vasoconstricteurs, tachycardisants, en général sympathomimétiques, profibrosants, prohypertrophiants. Et donc on sait que le mécanisme d’action de ces médicaments peut à la fois expliquer les complications cardiaques aigues mais aussi les poussées tensionnelles. Et donc je retiens votre idée peut-être de lancer un travail un peu similaire, une sorte de registre ou d’étude observationnelle sur les hypertensions artérielles toxiques. Dont acte.
XG : J’espère que je verrai les résultats. Je suis sûr qu’il y a quelque chose de très facile à faire et d’assez rapide finalement. C’est pas la peine de faire ça pendant 10 ans. C’est transversal et on aura cette réponse. Je ne pense pas vous faire réagir là-dessus. C’est sur les éléments qui sont en France aujourd’hui bien connus, bien classiques, mais avec un élément de nouveauté, c’est que ces fameux grades de classification de niveau de preuve, j’insiste sur la deuxième ligne, 1A, on peut pas faire mieux au niveau de preuve médical, de conviction, chez les adultes prenant des traitements antihypertenseurs donc c’est l’hypertendu traité : une automesure est recommandée pour réaliser la titration des médicaments. Et ça c’est quelque chose que tous les spécialistes français font, mais que ne font pas encore les médecins généralistes. En tout cas certains d’entre eux continuent à se dire c’est uniquement à la consultation qu’on adapte les traitements. Pas du tout. C’est là maintenant 1A. Ça veut dire qu’il y a un niveau de preuve très élevé. Deuxième élément, et ça me fait très plaisir, on va dire qu’on a encore lancé la tendance mais c’est : le conseil lié à l’usage de la télésanté, c’est-à-dire tous les outils numériques qui permettent d’aider les patients à gérer cette hypertension et cette hypertension sous traitement en un mot on est en train de dire que suiviHTA c’est 1A alors que c’est très compliqué de faire des études en France avec la télésanté, mais ça a été fait partout dans le monde. Maintenant il y a 10 pages de la recommandation qui parlent du numérique et de l’intérêt du numérique en santé dans le cadre de réseau de soins, de prise en charge. Alors moi ça m’a fait très plaisir et j’aimerais que vous puissiez dire que ça vous fait très plaisir aussi.
AP : Mais je partage votre plaisir et en fait je me rends compte à la lecture de ces différentes diapositives qu’il y a un grand nombre de points sur lesquels on a finalement été très précurseurs. On va se féliciter, c’est pas de l’auto félicitation mais on va se féliciter mais c’est aussi je pense quelque chose qui ancre ces recommandations dans quelque chose de très moderne. C’est-à-dire autant peut-être l’appréciation de l’automesure, ça restait un peu old school. Mais par contre là, c’est pour moi peut-être le point le plus nouveau et le plus moderne qui montre que les États-Unis peuvent de nouveau être en avance dans la prise en charge de l’hypertension artérielle, quand on connaît l’environnement technologique, le niveau d’investissement possible aux États-Unis, ils peuvent changer la façon dont on prend en charge l’hypertension artérielle. Et pour moi cette ligne-là est peut-être la plus importante de ces recommandations.
XG : Je vais terminer par un clin d’œil si vous le voulez bien qui est ce schéma, qui est très joli. Ils ont fait un beau schéma. Ils ont payé un dessinateur pour faire quelque chose. C’est peut-être l’IA qui l’a faite d’ailleurs sur la méthode à suivre pour la mesure de la pression artérielle. Rien de nouveau. Ah si une chose nouvelle. Bon il faut être assis. Enfin, tout est clair pour tout le monde. Mais là, il y a quelque chose qui m’a tout de suite amusé quand j’ai vu cela. J’en ai fait une petite vidéo d’ailleurs, qui n’a pas particulièrement marché mais enfin peu importe, c’est attention pendant la mesure de la pression artérielle, ne parlez pas, soyez relaxé, n’utilisez pas votre smartphone, ne regardez pas la télévision pendant la mesure de la pression artérielle. C’est une impression que j’avais. J’interdis à mes patients de regarder leur smartphone mais j’avais pas vu d’études disant que c’était bien ou pas bien. Les Américains, je sais pas s’ils ont vu des études, mais en tout cas ils le mettent. Voilà. Donc il y a un côté un peu paradoxal. On doit utiliser le numérique mais pas pendant qu’on vous mesure la pression artérielle !
AP : Sauf s’il a l’application suiviHTA sur le smartphone !
XG : C’est juste pour garder les données, pas une distraction. Mais donc, il y a quelque chose, une petite subtilité mais elle est amusante et je voulais vous faire réagir, mais vous avez réagi là de façon très amicale et sympathique.
AP : Merci beaucoup pour cet entretien. Comme toujours j’ai beaucoup de plaisir, d’intérêt. C’est très stimulant de discuter avec vous. C’est un très grand spécialiste de l’hypertension. Vous voyez des patients, ça se sent et je pense que ça doit être quand même les gens qui voient les patients, qui doivent faire les recommandations et même si c’est pas ceux qui ont été les signataires des essais thérapeutiques, non, c’est les gens qui soignent les patients qui doivent faire les recommandations.
XG : Et je vous retourne le compliment. J’ai été bien formé. Même si j’apprécie énormément vos remarques, j’ai été bien formé, à la bonne école, à l’école Girerd et j’en suis fier.
AP : Merci beaucoup professeur Pathak. Et donc on va continuer à bosser, vous le Président élu de la fondation, il va falloir que maintenant vous imaginiez l’avenir pour la Fondation et je crois que il y a un avenir dans la pédagogie, dans l’éducation, dans la formation. C’est un vrai, il faut faire passer tous ces messages. On n plus grand-chose à apprendre sur l’hypertension, mais on a à diffuser tout ce que les experts ont appris et je compte beaucoup sur vous parce que vous avez beaucoup de talent en pédagogie. À bientôt.
AP : À bientôt. Merci.
Il y a huit associations médicales de spécialistes ou de généralistes américains qui se sont unies pour faire une recommandation, une guideline sur la prévention, la détection, l’évaluation et la prise en charge de l’hypertension artérielle. La recommandation numéro 1, je vais vous lire cette traduction que j’ai faite du texte de recommandation et de cette synthèse : « l’objectif global du traitement de l’hypertension artérielle est de parvenir à une pression artérielle inférieure à 130-80 pour tous les adultes, avec des exceptions, des précautions particulières pour des personnes qui nécessitent des soins en institution, donc les sujets très dépendants dont l’espérance de vie est limitée ou alors les femmes enceintes. » On va se concentrer sur deux points. Il est clairement dit que finalement la définition de la normotension c’est 130-80. Donc en Europe, on était plutôt à 140-90 pour dire en-dessous on est là. Et puis les dernières recommandations européennes étaient même beaucoup plus basses. Elles disaient 120-70. Alors les Américains sont entre deux. 120-70 pour les Européens pour dire qu’on est normo et aux États-Unis c’est 130-80, c’est comme ça que je l’interprète.
Pour mesurer la pression artérielle à la « consultation » («office» pour les anglo-saxons) toutes les recommandations depuis plus de 50 an ont écrit qu’il fallait réaliser trois mesures de façon consécutive avec quelques minutes au maximum entre chaque mesure en restant au calme et au repos entre les mesures.
Il ne faut pas changer de bras entre chaque mesure. Ce protocole a été mis au point dans les années 1950 par les médecins impliqués dans l’étude épidémiologique dite de Framingham du nom de la ville située près de Boston aux USA qui a organisé cette célèbre étude. C’est à partir de ces travaux scientifiques qu’il a été proposé d’effectuer les mesures de tension pour le dépistage et le suivi de l’HTA dans la position assise et non pas dans la position allongée comme elle s’est longtemps pratiquée en France.
Un des avantages de la réalisation de plusieurs mesures de la pression artérielle consécutives est la détection d’un « effet blouse blanche ». L’effet blouse blanche peut conduire à porter par erreur le diagnostic d’une HTA qui est alors appelée « Hypertension blouse blanche ». Dans la recommandation récente de l’ESC 2024 il est écrit que l’on parle « d’un effet blouse blanche » si une différence de 10 unités (en mmhg) de la pression SYS est observée entre 2 mesures de la tension mesurée de façon consécutive sur le même bras. De nombreuses études ont maintenant démontré que s’il était fréquent d’observer une différence de plus de 10 entre la première et la deuxième mesure, il était beaucoup plus rare de noter une baisse de 10 ou plus entre la deuxième et la troisième mesure de la tension.
En conséquence, il existe maintenant un nouveau protocole qui concerne le nombre de mesure à réaliser lors d’une automesure de la tension au domicile. Ce protocole est celui proposé par les experts de l’ESC 2024 et indique que pour l’automesure à domicile la règle est de faire 2 mesures le matin et 2 mesures le soir, pendant 3 jours minimum et jusqu’à 7 jours au maximum. Ce changement indique que c’est la moyenne sur le minimum de 12 mesures de la pression SYS et de la pression DIA qui donne la valeur de la pression artérielle en automesure d’un individu.
Pour les médecins Français l’application de « la règle des 3 » : 3 mesures le matin, 3 mesures le soir, pendant 3 jours soit 18 mesures à réaliser avant d’effectuer la moyenne n’est donc plus d’actualité.
Concernant l’interprétation des mesures de la moyenne des pressions artérielle obtenues en automesure la recommandation ESC 2024 Il indique que l’équivalent du seuil de 140/90 en consultation est 135/85 en automesure (lorsque l’on calcule la moyenne).
Mais que l’équivalent de 120/70 en consultation est 120/70 en automesure (calcul de la moyenne).
Ainsi il existe en 2024 de nouvelle valeurs de Seuils de la PAS/PAD pour définir les différentes classes de la pression artérielle pour la consultation et l’automesure.
Consultation | Automesure | |
PA normale | <120/70 | <120/70 |
PA élevée | 120/70 à <140/90 | |
HTA | ≥140/90 | ≥135/85 |
Toutes ces nouvelles valeurs de seuils vont rendre plus difficile leur mémorisation par les médecins. Le numérique permet d’apporter une aide instantanée pour interpréter les enregistrements de la pression artérielle réalisés par les tensiomètres automatiques comme dans l’application gratuite suiviHTA.
écouter l’intégralité d’un entretien sur ce sujet réalisé entre les Docteurs Girerd et Pathak
J’ai connu beaucoup de recommandations, j’ai participé à beaucoup de recommandations. Dans l’ère moderne, les études de Framingham il y a 75 ans avaient mis en avant le fait qu’il fallait faire trois mesures. Puis il y a eu l’arrivée de l’automesure, toutes les méthodes oscillométriques, il y a 25 ans à peu près, qui ont abaissé le seuil à 135-85 parce qu’on s’est rendu compte que l’effet blouse blanche était quelque chose de très important.
Maintenant il y a une nouvelle définition qui est 120-70. Quand vous êtes à 140-90 à la consultation, l’équivalent de 140-90 quand on mesure à la maison c’est 135-85 (ça a été la découverte d’il y a 30 ans, la pression est plus basse quand on est au calme à la maison) mais pour ce seuil de 120-70 : il est dit 120-70 à la consultation c’est équivalent à 120-70 en automesure, c’est-à-dire que plus on s’abaisse, plus il y a
une concordance entre les méthodes de mesure.
Cet élément-là, les experts de la tension, c’est Jan Stassen, un Belge extrêmement brillant dans cette technique d’automesure qui l’avait démontré il y a une quinzaine d’années. Et c’était passé un peu entre les deux oreilles de tout le monde. Les vrais experts le savaient déjà mais c’est maintenant marqué très clairement et ça va complexifier encore la mémorisation pour les médecins, les praticiens. Donc il faut se faire absolument aider de la technologie, de l’électronique embarquée, les applications.
nouveautés
On parle de divergence quand il y a plus de 10 mm de mercure ou 1 point de centimètre de mercure entre les trois mesures. Et donc ils mettent en avant le fait que ce seuil de l’effet blouse blanche, qui est bien connu (la pression plus haute) c’est c’est 10 mm de mercure et moi ça me semble être intéressant qu’enfin on soit tous d’accord là-dessus ! Ce nombre de mesures j’aimerais qu’on en parle. Depuis des années et des années, quand on disait mesurer la pression artérielle c’était la règle des 3 quand on fait l’automesure ou les 3 mesures à la consultation. Pour l’automesure, quand on est seul chez soi, il n’y a plus que 2 mesures à faire. En fait, l’effet blouse blanche c’est surtout entre la première et la deuxième. Entre la deuxième et la troisième, il y a souvent des effets paradoxaux : la troisième peut être un peu plus haute, elle est rarement plus basse. C’est comme ça. Et elle est souvent identique. Identique c’est 4-5 mm de différence : l’appareil a une erreur aussi pour mesurer !
XG : Atul Pathak, vous êtes membre du Conseil d’Administration de la Société Européenne d’Hypertension, en 2024 la recommandation de la Société Européenne de Cardiologie est signée par plusieurs sociétés savantes, mais pas par la Société Européenne d’Hypertension. Pour quelle raison ?
AP : Effectivement, en 2018 l’ESC et l’ESH avaient travaillé main dans la main mais pas cette fois-ci. Les raisons sont nombreuses mais la principale est les deux sociétés n’ont pas réussi à s’entendre sur la liste des experts/rédacteur. Il n’y a donc seulement deux signataires en commun entre les guidelines 2018 et 2024. Ce renouvellement a fait souffler un vent de changement important sur l’interprétation et en conséquence les directives proposés dans la dernière recommandation.
XG : Le titre, est prise en charge (management) de la pression artérielle élevée et de l’hypertension artérielle, on ne parle plus du patient. Expliquez-nous ce titre ?
AP : C’est en fait un autre point de divergence qui est quasiment philosophique. La Société Européenne d’Hypertension était arc-boutée depuis 30 ans sur la définition de l’hypertension avec le fameux 140/90 en consultation et depuis 20 ans le 135/85 en automesure. La Société Européenne de Cardiologie a osé une innovation qui fera date puisqu’elle a redéfini la maladie en parlant de pression artérielle et non pas d’hypertension artérielle et en parlant de Pression Artérielle élevée, sans reparler du seuil traditionnel et ça c’est un vrai changement.
XG : Cette nouvelle définition est une véritable révolution car c’est la traduction d’un fait épidémiologique parfaitement authentifié depuis des décennies qui est que le risque de maladies cardiovasculaires attribuable à la pression artérielle est continu et non pas binaire (normotension/hypertension). De plus 50 ans d’essais thérapeutiques ayant démontré de façon incontestable que les médicaments hypotenseurs réduisaient le risque de maladies cardiovasculaires même chez les sujets ne rentrant pas dans la traditionnelle catégorie des « hypertendus », l’ESC 2024 définit une nouvelle catégorie de sujets avec « Pression Artérielle élevée » qui correspond aux sujets ayant – mesuré en consultation – une systolique (SYS) de 120 à 139 ou une diastolique (DIA) de 70 à 89. L’hypertension artérielle (HTA) reste toutefois définie comme une pression artérielle – mesurée en consultation – supérieure ou égale à 140 pour la SYS ou 90 pour la DIA.
XG : Une conséquence de cette catégorie de « pression artérielle élevée » est de donner une nouvelle définition au patient « normotendu ».
AP : Effectivement un patient normotendu c’est un patient qui en consultation a une pression artérielle à 120/70 ou moins. On sait depuis très longtemps, que la relation quasi linéaire entre l’augmentation de la pression artérielle et l’augmentation du risque démarre dès 120/70 et pas juste au-dessus de 140/90. On considère que la pression artérielle optimale est en-dessous de 120-70 et dès que vous dépassez ce seuil, le risque cardiovasculaire augmente.
XG : Je suis tout à fait d’accord pour définir le patient normotendu comme ayant moins de 120/70 et d’y associer la notion du risque d’une augmentation du risque cardiovasculaire au-delà de cette valeur. Mais ce qui est vraiment nouveau, et qui a souvent choqué certains médecins attachés à la tradition, est que la recommandations ESC 2024 écrit avec clarté que l’objectif de la prise en charge d’un patient ayant une pression artérielle élevée ou une hypertension artérielle est d’éviter la survenue d’une maladie cardiovasculaire, plutôt que de se fixer uniquement l’objectif de diminuer les chiffres de la pression artérielle en dessous d’un seuil.
AP : Effectivement ce point est très important et reste très insuffisamment appliqué en médecine quotidienne. Ainsi, les recommandations ESC 2024 proposent que l’estimation du risque de survenue d’une maladie cardio-vasculaire à 10 ans selon le risque SCORE2 soit l’outil de la décision thérapeutique chez le patient présentant une « Pression Artérielle élevée ». Ainsi chez un patient entre 120 et 139 de PAS, si le risque est augmenté, la recommandation préconise la mise en route d’un traitement médicamenteux ayant démontré son efficacité pour diminuer la complication la plus associée à l’anomalie à l’origine de l’augmentation du risque.
XG : Effectivement c’est aussi mon point de vue. Cette nouvelle définition est une véritable révolution car c’est la traduction d’un fait épidémiologique parfaitement authentifié depuis des décennies qui est que le risque de maladies cardiovasculaires attribuable à la pression artérielle est continu et non pas binaire (normotension/hypertension). De plus 50 ans d’essais thérapeutiques ayant démontré de façon incontestable que les médicaments hypotenseurs réduisaient le risque de maladies cardiovasculaires même chez les sujets ne rentrant pas dans la traditionnelle catégorie des « hypertendus », l’ESC 2024 définit une nouvelle catégorie de sujets avec « Pression Artérielle élevée » qui correspond aux sujets ayant – mesuré en consultation – une systolique (SYS) de 120 à 139 ou une diastolique (DIA) de 70 à 89. L’hypertension artérielle (HTA) reste toutefois définie comme une pression artérielle – mesurée en consultation – supérieure ou égale à 140 pour la SYS ou 90 pour la DIA.
XG : Une conséquence de cette catégorie de « pression artérielle élevée » est de donner une nouvelle définition au patient « normotendu ».
AP : Effectivement un patient normotendu c’est un patient qui en consultation a une pression artérielle à 120/70 ou moins. On sait depuis très longtemps, que la relation quasi linéaire entre l’augmentation de la pression artérielle et l’augmentation du risque démarre dès 120/70 et pas juste au-dessus de 140/90. On considère que la pression artérielle optimale est en-dessous de 120-70 et dès que vous dépassez ce seuil, le risque cardiovasculaire augmente.
XG : Je suis tout à fait d’accord pour définir le patient normotendu comme ayant moins de 120/70 et d’y associer la notion du risque d’une augmentation du risque cardiovasculaire au-delà de cette valeur. Mais ce qui est vraiment nouveau, et qui a souvent choqué certains médecins attachés à la tradition, est que la recommandations ESC 2024 écrit avec clarté que l’objectif de la prise en charge d’un patient ayant une pression artérielle élevée ou une hypertension artérielle est d’éviter la survenue d’une maladie cardiovasculaire, plutôt que de se fixer uniquement l’objectif de diminuer les chiffres de la pression artérielle en dessous d’un seuil.
AP : Effectivement ce point est très important et reste très insuffisamment appliqué en médecine quotidienne. Ainsi, les recommandations ESC 2024 proposent que l’estimation du risque de survenue d’une maladie cardio-vasculaire à 10 ans selon le risque SCORE2 soit l’outil de la décision thérapeutique chez le patient présentant une « Pression Artérielle élevée ». Ainsi chez un patient entre 120 et 139 de PAS, si le risque est augmenté, la recommandation préconise la mise en route d’un traitement médicamenteux ayant démontré son efficacité pour diminuer la complication la plus associée à l’anomalie à l’origine de l’augmentation du risque.
XG : Tous les patients à risque élevé sont-ils exposés aux mêmes complications ?
AG : Il y a un moyen assez grossier mais très juste tout de même pour parler de complications à son patient. Si sa pression est élevée le patient fera un AVC dans un délai de 10 à 15 ans, si il est fumeur son risque de complication N°1 est l’artériopathie des membres inférieurs et la coronaropathie, si il est dyslipidémique c’est la coronaropathie qui sera la complication la plus probable précocement.
XG : Je voudrais ajouter le risque de mortalité. J’ai malheureusement, au cours de ma carrière, perdu des membres de ma famille, des amis, des collègues qui sont morts brutalement. Souvent je savais qu’ils étaient hypertendus et qu’ils n’étaient pas bien soignés ou qu’ils ne voulaient pas se soigner en particulier lorsqu’ils refusaient la prise d’antihypertenseurs. Malheureusement ces hypertensions non soignées ont eu comme première complication la mort !
AP : Je confirme, et je veux rappeler pourquoi l’hypertension est aux USA appelée « the silent killer». L’HTA est tellement silencieuse que l’on ne s’en préoccupe pas, et c’est tellement silencieux que le premier signe en est la mort !
Mesurer la pression artérielle de façon systématique à chaque consultation cardiologique est le moyen de rendre bruyante cette maladie qu’est l’hypertension artérielle. Il ne me semble pas raisonnable qu’une consultation de cardiologie ne comporte pas la mesure systématique de la pression artérielle même si l’hyperspécialité du cardiologue n’est pas l’HTA. Une enquêtes réalisée par le CFLHTA en 2023 indiquait que pour 40% des consultations de médecine générale la pression artérielle n’était plus mesurée.
XG : Pour terminer ce sujet de l’évaluation du risque cardiovasculaire, je voudrai dire un mot de la publication en juin 2024 dans The Lancet de l’évaluation du risque par l’utilisation de l’IA. Cette publication des résultats du suivi de la cohorte Oxford Risk Factors And Noninvasive imaging (ORFAN) constitue une entrée grandiose de l’IA pour évaluer le risque de cardiovasculaire et est, de mon point de vue, l’article de recherche le plus important de l’année 2024. Cette étude de cohorte longitudinale multicentrique a porté sur 40 091 patients consécutifs ayant réalisé un coroscanner cliniquement indiquée par des médecins hospitaliers britanniques. 81% des sujets n’avaient pas de sténose coronaire significative mais 66% des événements coronaires et 64% des morts d’origine cardiaque est survenu chez ces patients. Pour prédire la survenue de ces événements il a été comparé l’usage d’un calculateur de risque traditionnel (QRISK3) de la classification CAD-RADS 2.0 et de l’indice d’atténuation de la graisse périvasculaire (FAI). La grande nouveauté de ce travail a été la mise au point d’un algorithme de prédiction du risque cardiaque amélioré par l’IA, qui intègre le score FAI en plus des mesures de la plaque coronaire et des facteurs de risque cliniques. Le principal résultat de l’étude est de démontrer que le AI-Risk est positivement associé à la mortalité cardiaque et aux événements coronaires en particulier chez les patients sans sténose coronaire significative sur le coroscanner.
Il s’ouvre donc une aire nouvelle dans la médecine prévention qui va être celle du calcul du risque CV utilisant L’IA-Risk. Le SCORE 2 proposé par l’ESC depuis 20 ans est certainement en fin de carrière.
XG : Parlons maintenant de technique de la mesure de la tension. Pour mesurer la tension à la « consultation » («office » pour les anglo-saxons) la recommandation indique de réaliser trois mesures. On sait que dans la pratique les médecins en France ne font jamais trois mesures. Est-ce qu’on pourrait discuter un petit peu sur cette historique des trois mesures ? AP : Cela remonte aux années 1950 dans l’étude de Framingham où la méthodologie était : une première mesure faite par le médecin et deux mesures faites par une infirmière. Pour définir la pression artérielle du sujet, il était gardé les deux mesures faites par l’infirmière et pas celle faite par le médecin. Avec les milliers de mesures faites dans l’étude de Framingham il a été décrit le phénomène qu’on appelle « la régression à la moyenne ». La pression artérielle est un paramètre régulé, donc quand on mesure la pression artérielle de façon répétée et de façon successive, les valeurs tendent à s’amenuiser parce qu’elles vont vers une moyenne. Ça explique en tout cas pourquoi il faut répéter la mesure.
XG : Je voudrai parler d’un autre avantage de réaliser plusieurs mesures de la pression artérielle : la détection d’un effet blouse blanche. Souvent l’effet blouse blanche est confondu avec l’hypertension blouse blanche. Dans la recommandation il est écrit qu’un effet blouse blanche est observé si une différence de 10 mmHg pour la PAS est observée entre 2 mesures consécutives. En pratique il est fréquent d’observer une différence de plus de 10 mmHg entre la première et la deuxième mesure mais il y a rarement une baisse de 10 mmHg entre la deuxième et la troisième mesure. Des résultats récents obtenus par des analyses en « deep learning » montrent que chez la presque totalité des sujets il est suffisant de réaliser 2 mesures de la pression artérielle pour définir la catégorie d’un individu (avec ou sans effet blouse blanche). Par ailleurs si la première mesure est de 120mmHg ou moins pour la PAS, il n’y a aucune probabilité que la 2e soit plus élevée que 140 mmHg. On peut donc dans cette circonstance ne faire qu’une seule mesure de la pression artérielle.
AP : Je suis d’accord avec ces conseils et d’ailleurs dans depistHTA et suiviHTA, les algorithmes inclus dans les applications réalisent automatiquement cet accompagnement de l’utilisateur. Si la première valeur est normale le conseil donné est de ne pas faire une deuxième mesure. Ainsi les applications qui aident à interpréter la tension inidquent aujourd’hui le nombre de mesures qui doivent être réalisées lors d’une consultation mais aussi au cours de l’automesure.
XG : Le nombre de mesure à réaliser lors d’une automesure a été modifié dans la recommandation ESC 2024. Depuis 25 ans pour les médecins Français la recommandation était d’appliquer « la règle des 3 » : 3 mesures le matin, 3 mesures le soir, pendant 3 jours. La guideline ESC 2024 écrit que pour l’automesure à domicile la règle est de faire 2 mesures le matin, 2 mesures le soir, pendant 3 jours minimum. Pour l’ESC, il faut donc faire 3 mesures consécutives en consultation et 2 consécutives en automesure. Ce changement est important car il permet de simplifier le protocole et suggère que la moyenne de 12 mesures garde la même valeur diagnostique que la moyenne de 18 mesures.
AP : Si l’on interprète ce texte l’on comprends que tous les sujets ne sont pas logés à la même enseigne. Il y a ceux qui dont la tension est sans discussion élevée, ceux dont la PAS est à plus de 160 à la consultation. Chez ceux-là il ne sert à rien de proposer plus de 3 jours en automesure. Mais chez ceux qui sont entre 140 et 160 en consultation, il peut y avoir un intérêt à prolonger l’automesure au-delà de 3 jours parce que si vous voyez quelqu’un en consultation le jeudi et bien l’automesure va être réalisée le vendredi, le samedi et le dimanche. Le weekend le mode de vie n’est pas habituel et personnellement je conseille de prolonger l’automesure au-delà de 3 jours pour obtenir la tension pendant les jours de semaine.
XG : Pour conclure sur les nouveautés apportées par la recommandation ESC 2024, je voudrais parler d’un élément très important qui ne va pas simplifier le travail du cardiologue qui interprète une automesure ou une MAPA. Il s’agit des nouvelles valeurs de seuil de tension qui découlent de la nouvelle définition de la pression artérielle normale. Table 1
Il est maintenant bien connu des cardiologues que l’équivalent du seuil de 140/90 en consultation est 135/85 en automesure (lorsque l’on calcule la moyenne).
Mais quel est l’équivalent en automesure du seuil de 120/70 en consultation (seuil de définition d’une pression normale) ?
La recommandation ESC 2024 nous indique que les valeurs équivalentes de 120/70 de consultation sont 120/70 en automesure. Vous avez bien lu ces valeurs sont …EQUIVALENTES.
De même en MAPA les valeurs équivalentes de 120/70 de consultation sont 115/65 pour la moyenne sur 24 heures, de 120/70 pour la moyenne des mesures de jour et de 110/60 pour la moyenne des mesures de nuit.
Table 1 –
Seuils de la PAS/PAD pour définir les différentes classes de la pression artérielle pour l’automesure et la MAPA.
Consultation | Automesure | MAPA (jour) | MAPA (24h) | MAPA (nuit) | |
PA normale | <120/70 | <120/70 | <120/70 | <115/65 | <110/60 |
PA élevée | 120/70 à <140/90 | 120/70 à <135/85 | 120/70 à <135/85 | 115/65 à <130/80 | 110/60 à <120/70 |
HTA | ≥140/90 | ≥135/85 | ≥135/85 | ≥130/80 | ≥120/70 |
La classification
On ne devrait plus parler d’hypertension artérielle mais de pression artérielle élevée. Cela part d’un constat : on connaît le risque imputable à l’élévation de la pression artérielle, ce risque commence très tôt, même en dessous de 120 mm de mercure. Ces recommandations se sont réapproprié ce message : autrement dit, quand la pression artérielle commence à augmenter, le risque augmente. De facto, cela a généré une nouvelle population de sujets avec une pression artérielle élevée.
Deux messages : tenir compte du niveau de risque des patients et avoir des objectifs thérapeutiques adaptés.
La définition de l’hypertension n’a pas changé : on est hypertendu quand la pression artérielle de consultation est supérieure à 140/90 mais entre 120 et 139 pour la systolique. Lorsque cette pression artérielle augmente, on a identifié une population de patients à risque. Il faut calculer le risque et ensuite il faut les traiter avec des objectifs plus drastiques.
Une marche de 120 à 129 autant que possible
L’objectif est de baisser plus bas qu’avant, non pas juste en dessous de 140/90 mais arriver entre 120 et 129 pour la systolique chez tout le monde, avec une adaptation en fonction des effets indésirables, de la fragilité ou d’autres effets indésirables liés aux médicaments.
Mesure de la pression artérielle
C’est l’avènement des mesures en dehors du cabinet. Ces recommandations adoubent ce que l’on faisait déjà : la mesure ambulatoire des 24 heures mais surtout l’automesure tensionnelle. On mesure au cabinet mais il faut surtout mesurer en dehors du cabinet.
Un protocole adapté
La mesure se fait selon un protocole adapté et avec des appareils adaptés. Autrement dit, tous les petits gadgets n’ont pour l’instant pas atteint le niveau de preuve nécessaire pour être validés. Mais feu vert pour les appareils adaptés, au poignet, au bras, avec un protocole adapté en dehors du cabinet.
Confirmer en dehors du cabinet un doute sur une hypertension avec des chiffres un peu élevés
Dès qu’on a un signal, on mesure en dehors du cabinet pour :
Comment faire baisser la pression artérielle
On la fait baisser classiquement : par la fameuse trithérapie, on essaie de commencer vite, fort, arriver à l’objectif avec un bloqueur du SRA, un inhibiteur calcique, un diurétique qu’on associe et on va chercher l’aide de la spironolactone ou, nouveauté, de l’éplérénone si on a besoin d’une quadrithérapie.
Les traitements médicamenteux et non médicamenteux
Place de la supplémentation en potassium
On est obnubilé par le sel quand on fait de l’hypertension, mais augmenter les apports potassiques est fondamental pour améliorer le contrôle tensionnel, directement avec des suppléments potassiques, indirectement avec des fruits et légumes. Petite astuce : quand on donne des sels de substitution, on enlève le sel et on apporte du potassium. C’est le double gain.
Les bêtabloquants ne font plus partie des recommandations de grade 1
Message très important : pour les bêtabloquants il y a les indications cardiaques traditionnelles. L’association des bêtabloquants avec les traitements traditionnels est ok mais c’est surtout pour éviter de prescrire des bêtabloquants à des cibles jeunes qui n’en ont pas besoin. C’est pour ça qu’il y a eu ce signal. Les bêtabloquants ont leur place, en association dans les situations cardiaques électives, mais arrêtez de prescrire des bêtabloquants à des jeunes sujets de 30 ans qui sont hypertendus.
L’HTA résistante
Pour l’HTA résistante, on fait au mieux, on élimine les causes secondaires, c’est toujours important, et le dosage de la rénine et de l’aldostérone a été mis en avant très tôt le plus souvent possible.
Place de la dénervation
La dénervation rénale a progressé en termes de niveau de recommandations, dans des centres experts, après décisions médicales partagées, en tenant compte de la préférence patient. On peut la proposer en sus du traitement pharmacologique. Les nouvelles données concernant la dénervation permettent de l’envisager de manière plus facile.
La proposition la plus importante des recommandations ESC 2024 sur la pression artérielle a été d’écrire que l’objectif de la prise en charge d’un patient ayant une pression artérielle élevée ou une hypertension artérielle était d’éviter la survenue d’une maladie cardiovasculaire, plutôt que de se fixer uniquement l’objectif d’une diminution des chiffres de la pression artérielle.
De plus les experts de l’ESC 2024 ont fait le constat qu’une approche collaborative de la prise en charge de l’hypertension artérielle, fondée sur le travail d’équipe entre médecins, infirmières, pharmaciens, diététiciens, offrait des avantages par rapport aux soins dispensés uniquement par les médecins.
En se basant sur une analyse de la littérature médicale avec un niveau de preuve probant, la recommandation ESC 2024 indique que :
A) Le vieillissement des populations à l’échelle mondiale conduit à observer une augmentation du nombre de personnes présentant une pression artérielle élevée ou une hypertension artérielle. En parallèle, les indices de performance sur la prise en charge de l’HTA – fréquence du dépistage, pourcentage de traitements prescrits et pourcentage de normalisation de la tension (contrôle tensionnel) sont médiocres sur tous les continents. Il est observé une stagnation voire une dégradation de ces indices aux USA et dans plusieurs pays d’Europe.
B) Comme le risque de maladies cardiovasculaires attribuable à la pression artérielle est continu et non pas binaire (normotension ou hypertension) et que il existe la démonstration incontestable que les médicaments hypotenseurs peuvent réduire le risque de maladies cardiovasculaires même chez les personnes qui ne sont pas traditionnellement classées comme hypertendues. Les experts de l’ESC 2024 définissent une nouvelle catégorie de sujets avec « Pression Artérielle élevée » qui correspond aux sujets ayant – mesuré en consultation – une systolique (SYS) de 120 à 139 ou une diastolique (DIA) de 70 à 89. L’hypertension artérielle (HTA) reste définie comme une pression artérielle – mesurée en consultation – supérieure ou égale à 140 pour la SYS ou 90 pour la DIA.
C) La littérature médicale probante indique sans discussion que l’observation chez un sujet d’une atteinte d’un « organe cible » (coeur et/ou vaisseaux et/ou reins) indique une hypertension sévère et/ou évoluant depuis plusieurs années sans avoir été diagnostiquée ou prise en charge de façon efficace. Cet état s’associe à un risque élevé de survenue d’une maladie cardio-vasculaire à court terme.
D) Les experts de l’ESC 2024 proposent que l’estimation du risque de survenue d’une maladie cardio-vasculaire à 10 ans soit réalisée lors de la prise en charge initiale d’un patient présentant une « Pression Artérielle élevée ». Si le risque est augmenté, les experts préconisent la mise en route d’un traitement médicamenteux ayant démontré une efficacité pour réduire le risque de survenue d’une maladie cardiovasculaires.
E) Lorsqu’un traitement anti-hypertenseur est prescrit et même si d’autres moyens sont mis en œuvre pour améliorer le profil de risque cardiovasculaire (amélioration du mode de vie alimentaire, arrêt de l’exposition aux toxiques, lutte contre la sédentarité, prescription de médicaments hypolipidémiants), l’objectif tensionnel à atteindre est de 120 à 129 pour la SYS et de 70 à 79 – mesures en consultation- pour tous les adultes, à condition que ce traitement soit bien toléré.
Plusieurs exceptions existent toutefois à cet objectif et la prise de décision individualisée est toujours la priorité la plus importante.
Enfin les experts de l’ESC 2024 ont fait le constat qu’une approche collaborative de la prise en charge de l’hypertension artérielle, fondée sur le travail d’équipe entre médecins, infirmières, pharmaciens, diététiciens et kinésithérapeutes, offrait des avantages par rapport aux soins dispensés uniquement par les médecins.
Plusieurs études probantes ont montré que les soins multidisciplinaires conçus comme une collaboration entre professionnels de santé conduisaient à une meilleure baisse de la pression artérielle systolique et diastolique.
Les études randomisées prospectives réalisées en Asie et dans certains pays anglo-saxons ont démontré que si la prescription des traitements antihypertenseurs restait une prérogative du médecin, celle-ci pouvait être aussi réalisée par d’autres professionnels de santé formés spécifiquement et associés au médecin par des accords de collaboration protocolisés et aidés d’outils numériques (plateforme de coordination, smartphone, tensiomètre connecté, application dédiée…). Ces études ont, en particulier, démontré l’amélioration de la prise en charge lorsque l’équipe comprenait des infirmières en pratique avancée, des pharmaciens ou des officiers de santé formés spécifiquement.
La mesure de la Pression Artérielle (PA) en dehors du cabinet de consultation est appelée « Automesure », le patient mesure personnellement sa PA à son domicile avec un appareil validé (appareil oscillométrique de mesure de la PA avec un brassard sur le haut du bras). Les explications figurent sur le pictogramme. Les patients devront suivre les mêmes étapes qu’à la consultation. Deux mesures séparées de 1 à 2 min seront prises, deux fois par jour (matin et soir) à la même heure pendant au minimum 3 jours et jusqu’à 7 jours, puis faire la moyenne de ces mesures. Si après 3 jours la moyenne est proche de l’objectif du traitement, alors poursuivre jusqu’au 7ème jour. Le patient conservera les valeurs de PA (carnet ou application par exemple) et fera vérifier régulièrement son tensiomètre auprès de son professionnel de santé. Après 4 ans un appareil peut être imprécis, et dans ce cas il devra être remplacé.
La moyenne des valeurs d’automesure ≥135/85 mmHg (équivaut à une PA prise en consultation ≥ 140/90mmHg) doit être utilisée pour diagnostiquer une HTA, et la moyenne de PAS (PA Systolique) de 120-134 mmHg ou PAD (PA Diastolique) de 70-84 mmHg pour diagnostiquer une PA élevée. Remarquons, que pour définir la PA élevée on utilise le même objectif de PA (120/70mmHg) pour les mesures à domicile et en consultation.
Après avoir trouvé une PA élevée en consultation et pour confirmer le diagnostic d’HTA, les prochaines valeurs de PA seront analysées avec les données cliniques. La PA prise en consultation a une spécificité plus faible que le Monitoring Ambulatoire de la PA (MAPA) pour détecter l’HTA, alors le diagnostic fait seulement avec la PA en consultation est moins souhaitable à moins qu’il ne soit pas possible de faire autrement. Pour des niveaux de PAS 160-179 mmHg ou PAD 100-109 mmHg, une confirmation rapide (dans le mois) est recommandée, en utilisant soit la méthode de mesure en consultation ou en dehors de la consultation, car tout retard de traitement est associé à une augmentation des complications Cardio-Vasculaires. La PA ≥ 180/110 mm Hg est une urgence hypertensive dont il faire le bilan, et dans ce cas il est recommandé de débuter rapidement un traitement anti-hypertenseur, sinon, obtenir une confirmation rapide (dans la semaine) peut être envisagée avant de traiter.
Pour le dépistage de la PA 140-159/90-99 mmHg, la mesure tensionnelle en dehors de la consultation doit être faite pour confirmer le diagnostic. Quand le traitement des chiffres tensionnels élevés est discuté (120-139/70-89 mmHg ) chez des personnes à haut risque de maladie Cardio-Vasculaire ou à haut risque à 10-ans de maladie Cardio-Vasculaire, la mesure tensionnelle en dehors de la consultation est recommandée, pour confirmer la PA et rechercher une HTA masquée et une blouse blanche. Les mesures tensionnelles en dehors de la consultation peuvent aussi être utiles pour des personnes ayant une PA de 130-139/85-89 mmHg pour diagnostiquer une HTA masquée et une blouse blanche.
Les mesures répétées de la PA en consultation restent l’approche la plus courante pour le suivi de l’HTA, mais plusieurs axes de recherche s’orientent vers la mesure de la PA en consultation et en dehors du cabinet.
L’autosurveillance est associée à une baisse moyenne de la PAS à 12 mois ( – 3.2 mmHg en moyenne, allant de -4.9 à -1.6 mmHg). De plus, on connait les bénéfices du télémonitoring, des interventions numériques et des applications (santé mobile) dans la prise en charge de la PA. L’autosurveillance a probablement aussi un bon rapport cout-efficacité. Malheureusement, en pratique clinique, certains patients ne peuvent communiquer des données fiables de leurs automesures, et leur appareil et technique de mesure ont besoin d’être vérifiés.
Le Monitoring Ambulatoire de la Pression Artérielle (MAPA) est une référence de la mesure de la PA mais leurs répétitions n’est pas pratique à cause des contraintes de matériels et, rarement, par la faible acceptabilité des patients. Il y a un manque de données sur le suivi du traitement réalisé en automesure comparativement à la PA en consultation et la MAPA. Une étude clinique du suivi des traitements comparant les trois techniques, automesure, consultation et monitoring ambulatoire a montré qu’elles étaient équivalentes sur le contrôle tensionnel et les complications liées à l’HTA. D’autres études ont montré une tendance non significative du contrôle tensionnel moins efficace avec le monitoring ambulatoire comparativement à la PA prise à la consultation, mais le groupe ambulatoire était médicalement moins traité. Des avantages potentiels de la mesure ambulatoire sur l’automesure inclus le diagnostic de l’hypertension nocturne ou l’hypotension symptomatique transitoire ou l’hypertension lors de l’effort. Ainsi, dans le suivi de la PA, le monitoring ambulatoire et l’automesure devraient être considérées de façon complémentaire ou associée, plutôt que concurrentes.
*McEvoy JW et al. Eur Heart J. 2024 Oct 7;45(38):3912-4018. doi: 10.1093/eurheartj/ehae178
Lire la recommandation (en anglais)
Les recommandations ESH 2023 ont été communiquées à Milan en juin 2023. Ces recommandations Européennes sur la prise en charge de l’hypertension artérielle de l’adulte sont accessiblesen Intégralité sur le site internet de l’ESH. La lecture de ce document de 199 pages contient une bibliographie de 1743 articles, e sentiment est celui « de déjà lu ». Ce document est un « textbook » plus qu’une « recommandation ».
Dans les « nouveautés » je retiens le chapitre 7.4 Augmentation of dietary potassium intake. En effet les informations concernant les effets bénéfiques d’une augmentation de potassium font l’objet d’un chapitre dans les recommandations de l’ESH2023
Le potassium a un effet bénéfique sur la pression artérielle. Il a été observé scientifiquement que la substitution de sodium par du potassium s’accompagnait d’une diminution de la pression artérielle et du nombre d’AVC. En conséquence, l’OMS recommande une consommation de potassium d’au moins 3 g et demi par jour chez l’homme et d’au moins 2 g et demi par jour chez la femme.
Les sources naturelles de potassium se trouvent dans les fruits et particulièrement lorsqu’ils sont séchés, dans les graines aussi, en particulier dans le cacao, et dans les légumes. Le fruit le plus connu comme apportant du potassium est la banane, mais le champion est en fait l’abricot sec avec près de 1 g de potassium pour 100 g de fruit. La banane est la plus populaire mais en réalité la quantité de potassium apportée n’est que de 0,5 g pour 100 g de fruit. Moins connu est l’avocat qui, en réalité, contient deux fois plus de potassium qu’une banane. Pour les légumes, le contenu est variable selon le légume et selon la préparation culinaire réalisée. Il est dit que c’est la peau de la pomme de terre qui apporte le potassium et que la cuisson à l’eau fait diminuer le contenu en potassium. Pour la tomate, c’est au contraire la chair qui contient le potassium et en conséquence des quantités élevées de potassium sont notées dans les sauces tomates.
Depuis des années le message «manger moins salé» est largement diffusé et connu du grand public. La raison de ce message répétée par tous les media est le bénéfice pour les patients hypertendus de voir diminuer leur pression artérielle lorsque la consommation de chlorure de sodium est diminuée. De nombreuses études ont en effet démontré qu’une diminution de 5 g par jour de la consommation de chlorure de sodium pouvait s’accompagner, chez 40% des patients hypertendus, d’une baisse de la tension. Les données de six études prospectives de cohortes d’adultes vivant aux USA2, initialement en bonne santé, afin d’évaluer le rôle du rapport sodium/potassium sur la survenue d’une complication cardiovasculaire montre que pour chaque augmentation du sodium de 1 g (2,5 g de chlorure de sodium) il est observé une augmentation de 18 % du risque de survenue d’une complication cardiovasculaire. De plus, pour chaque augmentation de potassium de 1 g il est observé une diminution de 18 % du risque de complication cardiovasculaire.
Concernant le rapport sodium/potassium, un rapport supérieur à 3,4 s’accompagne d’une augmentation de 62 % des complications cardiovasculaires.
Ainsi, selon ces études, il est recommandé de consommer au moins 4 fois plus de potassium que de sodium pour obtenir un bénéfice optimal. Il est important de noter que le potassium provenant des aliments est plus efficace que celui apporté par des comprimés.
Ainsi les données actuelles confirment que les effets cardio-vasculaires défavorables d’une consommation excessive de sel peuvent être moins importants si la consommation de potassium d’origine alimentaire augmente.
Mais prenons garde aussi de ne pas diffuser des messages qui seront mal compris par les patients car le risque d’hyperkaliémie n’est pas nul, en particulier chez les sujets ayant une insuffisance rénale ou chez tous ceux qui prennent des médicaments antihypertenseurs ayant une action sur l’élimination du potassium par les reins (les sartans, les IEC, la spironolactone, l’amiloride).
Je ne conseille pas à mes patients la consommation de « sels de régime. En effet, ce sont le plus souvent des sels de potassium et il le risque d’hyperkaliémie est élevé en particulier chez les sujets de 60 ans et plus traités par un ou plusieurs médicaments bloquants le SRAA.Dans les autres avancées le chapitre 20.8 Hypertension oncology est nouveau et apporte des informations vraiment nouvelles. Ce chapître est à lire et ne peut pas être résumé tant il est détaillé sur le risque de voir apparaître une hypertension artérielle selon la famille d’anticancéreux utilisé. Toutefois une recommandation générale est émise qui est la suivante :
« Il est recommandé de mesurer la tension artérielle au cabinet médical avant le début d’un traitement anticancéreux. Chez les patients souffrant ou non d’hypertension artérielle, car de nombreux nouveaux médicaments anticancéreux peuvent provoquer une élévation de la pression artérielle ».
Dans les reculades, il y a celle qui concerne le « retour » des bêta bloquants pour la prescription de première intention.
Dans un article dans le Lancet3, le Professeur Messerli, un des leaders incontestés de l’hypertension artérielle aux USA écrit : « Dans ses récentes directives, la Société européenne d’hypertension a revalorisé les β-bloquants, les mettant sur un pied d’égalité avec les diurétiques thiazidiques, les bloqueurs du système rénine-angiotensine, et les bloqueurs des canaux calciques. La raison invoquée pour le reclassement des β-bloquants est qu’ils sont souvent utilisés pour de nombreuses autres affections cliniques couramment rencontrées dans l’hypertension. Ce surclassement permettrait de traiter deux pathologies avec un seul médicament. Dans la plupart des directives nationales et internationales actuelles sur l’hypertension, les β-bloquants ne sont considérés comme une alternative que lorsqu’il existe des indications spécifiques. Comparés aux autres classes de médicaments antihypertenseurs de première intention, les β-bloquants sont nettement moins efficaces dans la prévention des accidents vasculaires cérébraux et de la mortalité cardiovasculaire. Le fait de reléguer les β-bloquants à un statut d’infériorité, comme l’ont fait les lignes directrices précédentes, était basé sur l’ensemble des preuves, et ne change pas. Aucune nouvelle preuve ne vient étayer le retour des β-bloquants en tant que traitement de première intention. Nous sommes préoccupés par le fait que ce changement pourrait conduire à des dommages généralisés en raison d’une protection inférieure contre les accidents vasculaires cérébraux ».
Une autre « reculade » concerne les méthodes de mesure de la pression artérielle et certain retour en arrière concernant les méthodes d’évaluation de la pression artérielle réalisées en dehors de la consultation ainsi la phrase du chapitre 4.2 Standard office blood pressure measurement mérite lecture « La mesure de la PA à la consultation de façon conventionnelle est la méthode d’évaluation de la PA la plus étudiée. Il en a résulté la classification de la PA, le rôle de la PA en tant que facteur de risque CV, l’effet protecteur du traitement antihypertenseur et les seuils de PA et les cibles des interventions thérapeutiques. Les seuils de PA et les cibles des interventions thérapeutiques ont été établis [4,62,80]. Malgré plusieurs limites, et l’utilisation croissante de la PA en dehors du cabinet, la mesure conventionnelle reste la méthode la plus utilisée pour le diagnostic et la prise en charge de l’hypertension ».
Il découle de cet argumentaire la recommandation suivante : « Il est recommandé de diagnostiquer l’hypertension au cours d’au moins 2 visites distinctes au cabinet (en l’espace de 4 semaines), à moins que la TA au cabinet n’indique une hypertension de grade 3 (≥180/110 mmHg) ou si le patient présente des symptômes liés à l’hypertension ou s’il existe des signes d’atteinte d’organes cibles ».
On croit lire la recommandation de l’OMS de 1972 !
On perçoit que cette recommandation n’a pas due être très consensuelle car une autre phrase a été écrite « La PA en dehors du cabinet est une source d’informations multiples sur le niveau tensionnel, avant et pendant le traitement. Il est donc recommandé d’obtenir des informations supplémentaires sur les valeurs de la PA par MAPA ou automesure ou les deux si possible ».
Au cours de la session de l’AHA tenue en novembre 2023, l’association des cardiologues Nord-Américains a annoncé avoir mis au point un nouveau calculateur de risque CV appelé PREVENT (Predicting Risk of CVD Events). Ce calculateur est le premier qui combine des mesures de la santé cardiovasculaire, rénale et métabolique pour affiner la prédiction du risque de maladie cardiovasculaire d’un individu.
La nouveauté par rapport aux calculateurs déjà disponibles (équation de Framingham, SCORE2, QRISK3) est de faire entrer dans l’équation de risque les paramètres définissant le syndrome cardiovasculaire, rénal et métabolique (CKM).
Ce nouveau concept est une réponse à la forte prévalence des maladies métaboliques et rénales dans la population mondiale.
Le calculateur tient compte évidemment aussi des facteurs de risque « traditionnels » : pression artérielle (seule la valeur de la pression systolique est conservée pour le calcul du risque avec 3 seuils chez un sujet non traité de 120, 140 et 160 et 3 seuils chez le sujet sous antihypertenseur à 100, 120 et 140), tabagisme, dyslipidémie, âge et sexe mais il ajoute d’autres facteurs comme l’utilisation de médicaments antihypertenseurs (pour tenir compte du risque résiduel chez les hypertendus traités) et il ajoute les déterminants sociaux de la santé (indice de privation sociale) lorsqu’ils sont disponibles.
Il est possible d’ajouter dans l’équation de prédiction des facteurs CKM lorsqu’ils sont cliniquement indiqués pour la mesure (rapport albumine urinaire/créatinine et hémoglobine A1c) ou des déterminants sociaux de la santé
PREVENT est destiné aux adultes âgés de 30 à 79 ans et estime le risque à 10 et 30 ans de l’ensemble des maladies cardiovasculaires, y compris, et pour la première fois, l’insuffisance cardiaque.
Le calculateur évalue le risque à 10 ans d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébral uniquement chez les adultes âgés de 40 à 79 ans.
Les équations PREVENT sont actuellement uniquement disponibles sur des tables de risque en « version papier ». L’AHA indique que l’équation de risque sera bientôt disponible en version numérique.
Dans cette attente je recommande l’usage du calculateur de risque QRISK3 mis au point pour la population vivant en Grande-Bretagne5 qui est disponible sous un format numérique gratuit et propose une nombre de facteurs prédicteurs du risque encore plus complet que l’équation PREVENT (Marqueurs de l’inflammation, variabilité de la pression artérielle, traitement pharmacologiques augmentant le RCV).
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