Pr Xavier Girerd : Je suis cardiologue et j’ai souvent des patients qui ont des kystes au niveau des reins. Quand on fait des échographies, des scanners, à partir de quel moment doit-on parler de polykystose ou combien de kystes ? Comment fait-on ce diagnostic de polykystose ?
Pr Dominique Guerrot : Avoir des kystes c’est extrêmement fréquent. On peut avoir un kyste, deux kystes, trois kystes qui apparaissent avec le temps mais la polykystose rénale autosomique dominante c’est une maladie à part entière qui se définit par une prédisposition génétique, des mutations dans des gènes qu’on appelle PKD1 ou PKD2 qui vont générer le fait que dans les reins, avec le temps, vont apparaître un nombre important de kystes.
Important c’est combien ? Est-ce qu’il faut les compter ? Est-ce qu’on fait le diagnostic en comptant le nombre de kystes ou faut-il de la génétique, dans un premier temps pour le clinicien.
D. G. : Le nombre de kystes peut aider, si on sait que dans la famille on a déjà une polykyose. Sinon c’est le volume des reins, les reins qui vont grossir et dépasser la taille normale. La taille normale d’un rein c’est à peu près 12 cm et on va voir apparaître un nombre important de kystes, plusieurs dizaines, des gros kystes qui vont déformer les reins qui vont faire qu’ils vont mesurer plus de 12 cm, 13, 14, 15, 16 jusqu’à 25 cm ou plus.
Est-ce que nombre de kystes compte ? Je garde ce souvenir : il fallait plus de 5 kystes dans chaque rein avant de suspecter cette maladie.
Le nombre de kystes compte si on sait que dans la famille il y a déjà une polykystose. Si vous ne connaissez pas la famille du patient, de la patiente, vous ne pouvez pas utiliser le nombre de kystes pour poser le diagnostic. Le nombre de kystes augmente avec le temps, avec l’âge, donc plus la personne a beaucoup de kystes chez quelqu’un de jeune plus c’est ça fait évoquer la polykystose.
Depuis le début, je veux vous faire dire un nombre de kystes. Alors il y a dans une famille la notion d’une maladie polykystose. On a un patient qui a des kystes et à partir de combien on va lui dire « vous aussi, vous avez peut-être récupéré cette maladie génétique » ?
Ça dépend de l’âge ! A 20 ans, si vous avez deux ou trois kystes dans chaque rein avec un antécédent de polykystose, vous êtes très à risque d’avoir la maladie. A 50 ans, si vous n’avez aucun kyste, on est certains que vous n’avez pas la polykystose.
A 50 ans combien de kystes pour porter le diagnostic de polykystose ?
Plus de 10 kystes entre les deux reins suffiront à faire le diagnostic à 50 ans.
Entre les deux reins ou dans chaque rein ?
Entre les deux reins, donc 5 et 5 par exemple.
On parle de cette maladie qui est familiale. Dans ma pratique, un patient qui me dit « dans ma famille, il y a une polykystose », d’emblée je lui dis « est-ce qu’il y a des patients qui ont été jusqu’à la dialyse ? ». Quand il me répond non, ça ne m’inquiète pas. Est-ce que j’ai tort ?
Vous avez raison de poser la question. Il y a plusieurs formes de polykystose. La plus fréquente est liée à des mutations du gène PKD1, elle entraîne une insuffisance rénale en moyenne vers l’âge de 55-60 ans. Donc s’il n’y a pas d’insuffisance rénale dans une large famille de gens qui ont la polykystose, vous avez peu de chance d’avoir cette forme-là. En revanche, il y a une deuxième forme qui est liée à des mutations du gène PKD2 qui va entraîner une insuffisance rénale plus tardive avec des familles où parfois il n’y a pas d’insuffisance rénale. Donc se dire qu’il n’y a pas d’insuffisance rénale dans une famille où il y a la polykystose, ça n’exclut pas le diagnostic de polykystose.
Mais alors à quoi ça sert d’inquiéter les gens s’il n’y a pas d’insuffisance rénale ? L’insuffisance rénale terminale est-elle la complication la plus grave de la polykystose rénale ?
L’insuffisance rénale terminale est la complication la plus grave. Quand on parlait d’arriver en dialyse, effectivement là on est au stade 5, au stade terminal de l’insuffisance rénale. Par contre ces patients qui n’arrivent pas forcément au stade terminal, ils ont quand même, quand ils ont une polykystose PKD2 la moins sévère, un certain degré d’insuffisance rénale. Par exemple, des reins qui vont fonctionner à 30, 40 ou 20 % de la normale, ce qui en soi est déjà un vrai problème.
Par rapport au risque cardiovasculaire par exemple ? Est-ce qu’il y a un risque de rupture des kystes, c’est une question que posent souvent les patients ?
Il y a deux questions dans votre question. La première c’est par rapport au risque cardiovasculaire : oui clairement, moins les reins fonctionnent et plus on a de risque.
Par rapport à la rupture d’un kyste, c’est une question que posent les gens : ils ont cette crainte. Est-elle est justifiée ?
Oui la rupture d’un kyste est fréquente. En général, c’est une hémorragie à l’intérieur d’un kyste, c’est la paroi du kyste sur laquelle un vaisseau va se rompre, ça va saigner à l’intérieur du kyste et après ça va couler, souvent dans les urines. C’est ce qui peut expliquer que les gens ont des saignements comme premier symptôme. La rupture telle qu’on l’imagine avec un kyste qui va rompre en dehors du rein – la rupture intrapéritonéale – c’est exceptionnel.
On peut donc peut rassurer les gens vis-à-vis de ce risque-là. Est-ce que le kyste s’infecte ? L’infection d’un kyste dans la polykystose, « peu importe » qu’elle soit la mutation 1 ou 2, est-ce une complication ?
Les vraies complications de la polykystose sont les infections urinaires et les infections de kystes en particulier.
Quels sont les symptômes d’une infection d’un kyste rénal ?
Les infections de kystes comme les hémorragies à l’intérieur des kystes donnent à peu près les mêmes symptômes : des douleurs lombaires, sourdes un petit peu, qui vont apparaître sur quelques heures, quelques jours. Et la particularité de l’infection de kyste c’est qu’on a en général une fièvre un peu plus élevée. L’hémorragie c’est, on va dire, 38°.
Une fièvre plus élevée c’est une fièvre type septicémique, c’est quel genre de fièvre ?
C’est plus de 38°, entre 38° et 40-40,5°.
Mais ce ne sont pas des pics fébriles, c’est pas septicémique ?
On peut tout à fait avoir une septicémie avec des pics fébriles qui sont importants dans ces infections.
Ça ressemblerait à une pyélonéphrite ?
Exactement c’est une pyélonéphrite.
Est-ce qu’il y a d’autres complications ? Il y a une vingtaine d’années, j’ai le souvenir de cette grande crainte que nous avions, nous médecins : la coexistence d’anévrismes intracérébraux avec un risque de rupture et j’avais des patients qui allaient préventivement se faire emboliser. Puis il y a eu un article dans New England disant que finalement il y avait plus de risque à les emboliser que de les laisser faire. Quelle est l’attitude actuelle vis-à-vis de ce risque ?
C’est un vrai risque ! La première chose, vous avez raison, c’est plus fréquent dans la polykystose d’avoir des anévrismes des artères à destinée intracérébrale, 7 à 11 fois plus que dans la population générale. Donc ça fait, chez un patient polykystique un risque qui est faible mais beaucoup plus élevé que dans la population générale. Pour répondre à la deuxième partie de votre question, c’est très discuté de savoir s’il faut aller dépister les anévrismes chez les patients qui ont la polykystose ou ne pas aller les dépister ?
Qu’est-ce que vous faites, vous, dans votre pratique, au CHU, pour vos patients ? Est-ce que vous leur faites un scanner cérébral, une IRM ou vous ne le faites pas ?
On fait une IRM 3D TOF, c’est une IRM sans injecter de produit de contraste et qui va permettre de dépister ces anévrismes chez les patients.
Vous le faites ou vous ne le faites pas ?
Moi je le fais. En tout cas, je propose à tous les patients de le faire. Par exemple, aux États-Unis qui est un monde où les avocats règnent, tous les néphrologues proposent à leurs patients de le faire et demandent à leurs patients de le faire. En France, on a une attitude un peu différente qui va avec les recommandations internationales : en parler à tous les patients, leur expliquer que ce surrisque existe, le faire systématiquement chez ceux qui ont des antécédent dans la famille de rupture parce qu’on sait que c’est plus fréquent chez eux.
Ce point est important : c’est un élément, une case à cocher. S’il y a eu un antécédent dans la famille d’accident vasculaire cérébral hémorragique, vous le faites systématiquement ?
Accident vasculaire ou même d’un anévrisme connu, dans ces cas-là on on va leur proposer de façon beaucoup plus intensive.
C’est des anévrismes de grande taille ou de petite taille ? Dans votre expérience, les 10 derniers anévrismes que vous avez vus, il faisaient 5 mm ou plutôt 20 ?
Ils sont entre 3 et 10, 12 mm dans la partie antérieure de la communication cérébrale. C’est plutôt des petits anévrismes en général.
Il y a quand même un symptôme évident. Dans ma pratique, j’ai vu des polykystoses, j’en vois moins qu’avant d’ailleurs probablement parce qu’ils sont sur des filières différentes de celles du cardiologue, je pense que ces patients sont envoyés plus rapidement maintenant chez le néphrologue et ne passent plus par la case hypertension artérielle. C’est des patients plutôt standard mais jeunes, on va dire de moins de 50 ans, qui ont une hypertension et qui finalement sur le bilan étiologique, chez ces patients qui ont des kystes, on tombait sur cette pathologie, on était face à la prise en charge. L’hypertension c’est très fréquent dans les polykystoses qui sont vues par les néphrologues. Il y a des polykystoses sans hypertension ou il y a toujours une hypertension ?
Il y a presque toujours une hypertension. Déjà quand on regarde les enfants qui ont la polykystose, une cohorte d’adolescents qui ont la polykystose, vous avez déjà plus du tiers qui ont une hypertension artérielle, c’est-à-dire avant même qu’on ait une insuffisance rénale.
C’est une hypertension de type systolo-diastolique qui n’a pas beaucoup de caractéristiques ? Dans mon souvenir, le dernier patient que j’ai vu c’était une hypertension très banale finalement, vous approuvez cette observation d’un cardiologue ?
Comme chez les autres, un peu plus diastolique chez les enfants et après avec une évolution plus systolique.
On va terminer pour le diagnostic qui est la part génétique. Je trouve – je suis en fin de carrière -qu’il y a 25-30 ans, on faisait le diagnostic sur le nombre. On envoyait au néphrologue pour qu’il confirme le diagnostic parce que c’est assez lourd comme pronostic éventuel et puis après on traitait avec des médicaments antihypertenseurs assez banal. Il y a une époque où c’était les IEC, les sartans et on disait il faut bloquer le système rénine-angio-tensine de ces patients-là alors qu’au début on en avait peur et on disait non il ne faut pas. On en est où des recommandations thérapeutiques des hypertensions artérielles de ces patients avec polykystose ?
Le traitement est clairement recommandé suite à une grande étude qui a été publiée dans e New England en 2014. Ce sont les bloqueurs du système rénine-angio-tensine. Ceux que vous avez évoqué là c’est ceux qui aujourd’hui sont clairement recommandés parce qu’ils ont démontré un intérêt dans la progression des kystes et dans quelques petits autres paramètres qui sont notamment l’albuminurie, l’évolution de l’albuminurie chez ces patients, ça repose sur des données qui sont des données intermédiaires : il n’y a pas d’amélioration de la survie pas d’amélioration des AVC pas d’amélioration évidente sur la fonction rénale non plus mais les meilleures données que l’on a aujourd’hui sont celles de cette étude qui font que les recommandations internationales sont claires. Le traitement de première intention de l’hypertension dans la polykystose c’est un bloqueur du système rénine-angio-tensine.
Est-ce qu’il y a une contre-indication aux diurétiques ? Maladie rénale, les patients ont dans l’idée qu’il ne faut pas qu’ils prennent de diurétique et beaucoup de médecins ont aussi cette idée-là d’ailleurs. Est-ce que vous pouvez nous rassurer ?
C’est une question intéressante, il n’y a pas de contre-indication aux diurétiques mais dans la polykystose, on ne les met pas en première intention, notamment parce qu’ils vont augmenter un peu la sécrétion de la vasopressine et cette vasopressine joue un rôle dans la progression des kystes, donc on essaie de ne pas les mettre en première intention. Cependant, ça arrive souvent qu’on ait besoin de deux voire éventuellement de trois traitements et dans ces cas-là surtout quand il y a une insuffisance rénale qui apparaît, c’est difficile de s’en passer.
Lesquels vous choisissez : des thiazidiques ou des diurétiques de l’anse ?
Si on est avant 30 de DFG, on choisit plutôt des thiazidiques et en-dessous de 30 on peut utiliser les deux mais préférentiellement les diurétiques de l’anse. On raisonne comme dans l’insuffisance rénale chronique quand on a une hypertension artérielle.
On a parlé des traitements, on a parlé du diagnostic, on n’a pas parlé du diagnostic génétique. Est-ce qu’aujourd’hui c’est indispensable d’avoir un bilan génétique, rechercher des mutations, vous pouvez nous re-détailler les deux types ? Parlez un petit peu des moyens diagnostics génétiques ?
Il y a une indication dans laquelle c’est clair d’aller chercher une mutation, c’est les patients qui ont ce qu’on appelle une maladie de novo, c’est-à-dire si vous n’avez pas de contexte familial et que vous avez des kystes en nombre important, il faut aller rechercher quel gène est responsable de ça. Ça peut être le gène PKD1 ou PKD2, les deux principaux, mais il y a aussi des gènes beaucoup plus rares qu’on peut aller chercher quand c’est négatif et qu’on a un tableau kystique. La deuxième chose, c’est une famille où on sait qu’il y a une polykystose, est-ce qu’il faut quand même aller faire le diagnostic génétique ? C’est pas recommandé mais c’est quand même bien utile parce que le type d’anomalie génétique va être un puissant élément du pronostic.
Ce bilan génétique, il n’est fait que par des centres spécialisés ? Le cardiologue peut prescrire une recherche d’anomalie génétique ou il faut l’envoyer chez le néphrologue ?
Chez quelqu’un qui a un tableau symptomatique, n’importe qui peut prescrire une analyse génétique s’il est médecin. Le présymptomatique, c’est strictement réservé au généticien.
Comment ça se libelle l’ordonnance de cette recherche génétique ?
On fait une recherche de panel, de néphropathie kystique et on envoie ça à un centre expert. Le centre expert en France c’est le centre de Brest, au CHU de Brest. Ils vont tester tous les gènes des maladies kystiques chez le patient que vous adressez pour cette suspicion-là. Il faut avoir quand même le circuit bien établi parce qu’ils ont besoin d’informations ces gens à Brest qui font la recherche.
Donc si je vous trouve sympathique et que je veux vous envoyer le dosage chez vous, vous l’enverrez à Brest ?
Tout à fait.
Il faut créer une filière vis-à-vis de cela, le plus simple est quand même peut-être de l’envoyer en consultation néphrologique ?
Je pense, parce qu’en plus quand vous prescrivez de la génétique, il faut être capable d’expliquer aux patients ce qu’on attend du résultat, quelles sont les implications potentielles.
Le conseil est très clair : polykystose, on l’évoque et on envoie chez le néphrologue, vous êtes d’accord avec ça ?
Oui.
On a parlé un petit peu de la protéinurie tout à l’heure, c’est des protéinuries très modérées. Je n’ai pas dans l’idée que c’est très protéinurique. On a parlé d’hématurie. Est-ce que les hématuries sont le signe d’un saignement ou est-ce qu’il y a une part glomérulaire en quelque sorte ? L’atteinte néphrologique elle est de quelle nature ? Elle est glomérulaire ou tubulaire ?
Elle est tubulaire, tubulo-interstitielle. Normalement, vous n’avez pas de protéinurie significative, pas d’hématurie significative, pas de leucociturie non plus dans ce cas-là. En réalité, si vous avez une protéinurie qui apparaît, c’est en général une micro, une petite albuminurie, qui peut témoigner du risque cardiovasculaire général du patient, plus finalement que d’une atteinte rénale spécifique glomérulaire. C’est clairement une maladie dans laquelle les kystes se présentent dans l’interstitium aux dépends du tubule, donc en général on n’a pas d’albuminurie, de protéinurie.
Parlons de médicaments d’aujourd’hui et surtout de demain vis-à-vis de la protection rénale, des gliflozines. Est-ce que les gliflozines auraient théoriquement une indication ou ont déjà été testés dans la polykystose ?
C’est une excellente question qui préoccupe beaucoup les associations de patients sur la polykystose, pourquoi ? Parce que les gliflozines, vous l’avez vu dans un autre podcast, c’est un traitement majeur pour l’insuffisance rénale, la protection rénale, protection cardiovasculaire. Sauf que la polykystose, en fait ces patients-là ont été exclus de tous les essais parce que dans des modèles de rats, de souris qui ont la polykystose, ça avait l’air d’aggraver les kyses et donc on aura la réponse à la question « faut-il prescrire des gliflozines dans la polykystose » dans un essai. On vient d’obtenir un financement qu’on appelle un PHRC, un financement national, d’1 600 000 €.
J’ai lu l’année dernière un article auquel je n’ai rien compris mais qui testait une nouvelle famille thérapeutique – je ne connaissais pas du tout – dans la polykystose et qui montrait des résultats très intéressants, peut-être en relation avec la vasopressine justement. Est-ce que j’ai bien lu ou pas ?
La classe thérapeutique qui a l’autorisation de mise sur le marché actuel c’est les agonistes de la vasopressine, les agonistes du récepteur V2 qu’on appelle les vaptans. Ils s’opposent à l’action de la vasopressine sur le rein et comme je vous disais tout à l’heure cette vasopressine va augmenter les kystes et donc ça repose sur les études qui ont une dizaine d’années maintenant et qui montrent que si vous mettez ce type de traitement, le tolvaptan en l’occurrence, vous avez une moindre progression du volume des reins, donc des kystes dans les reins avec le temps. Donc ça fonctionne sur la progression.
Dans votre consultation spécialisée, premièrement vous faites le diagnostic, la génétique, deuxièmement, vous faites un bilan éventuellement, si le patient est d’accord, par la recherche du risque d’anévrisme intracérébral et troisièmement, vous mettez un IEC ou un sartan, vous contrôlez la pression artérielle et vous rajoutez le vaptan. Ce vaptan a une action antihypertensive ou seulement une action de protection ?
On rajoute ce vaptan dans des cas à haut risque de progression parce que ça fait uriner 6 litres par jour donc c’est quand même un vrai effet indésirable.
On parle de ces médicaments qui font uriner beaucoup : est-ce que le patient avec polykystose rénale, forme familiale où il y a eu des histoires d’évolution vers l’insuffisance rénale terminale, doit particulièrement boire, est exposé à un risque de lithiase rénale, parlez-nous un peu des quantités de boissons à conseiller chez ces patients en particulier parce que c’est des questions qu’ils nous posent.
On conseille de boire plus de 2 litres par jour aux patients qui ont la polykystose. La raison c’est exactement la même que celle pour laquelle on prescrit des vaptans, c’est qu’en fait on veut freiner la vasopressine. Si vous buvez beaucoup, vous mettez un peu au repos votre système de vasopressine qui a pour but de garder l’eau et donc vous allez théoriquement améliorer un peu la progression des kystes.
Parlons du sel : est-ce que dans cette maladie, il doit y avoir des conseils de restriction saudée importante ou ce n’est pas plus que ce qu’on conseille à un patient hypertendu, c’est-à-dire d’éviter les excès de sel mais pas de les mettre au régime sans sel. Est-ce que c’est votre attitude ?
Le raisonnement est le même que chez les patients qui ont une insuffisance rénale. On n’a pas plus de données dans la polykystose que chez les autres patients, donc effectivement une restriction saudée modérée est tout à fait adaptée.
Est-ce qu’il y a un risque de complication cardiovasculaire, au-delà du risque associé à la dégradation de la fonction rénale, particulier chez ces patients ? Est-ce qu’ils ont une dyslipidémie associée ou un diabète ?
Les AVC hémorragiques sont la principale complication cardiovasculaire spécifique de la maladie. Les autres complications, infarctus, AVC ischémiques, apparaissent à la même fréquence que chez les autres patients qui ont une insuffisance rénale de même degré.
Il n’y a pas de trouble métabolique associé à cette maladie ?
Pas significativement.
Ces patients sont-ils en surpoids ? C’est la population générale, il n’y a pas d’obésité abdominale ? Est-ce que les gros reins ça fait un gros ventre ? Parfois, il y a des patients qui disent « j’ai des gros reins c’est pour ça que j’ai le gros ventre ». J’ai toujours dit qu’ils racontaient n’importe quoi mais peut-être qu’ils avaient raison ?
Quand on a deux très gros reins avec un gros foi, en réalité ça impacte pas mal le poids. Vous pouvez avoir des gens qui pèsent 2, 4, 5, 6, 7, 8 kg de plus du fait du volume de leurs organes donc c’est pas une obésité.
Ils sont plutôt plus lourds. On n’a pas du tout parlé du foie. Ces kystes, il y en a souvent au niveau du foie. C’est une autre maladie ou c’est la même maladie, les kystes hépatiques et les kystes des reins ?
C’est la même maladie. Vous avez la même protéine qui est dans les cellules épithéliales du foie et des reins, qui va générer chez une bonne partie des patients qui ont la polykystose une atteinte hépatique qu’on appelle la polykystose hépatique qui est associée à au rein chez la majorité.
Quel est le risque de la polykystose hépatique, ça provoque des insuffisances hépatiques ? Est-ce on transplante les patients pour cela ?
Ça ne provoque quasiment jamais d’insuffisance hépatique, on peut parfois les transplanter quand le volume du foie devient tel qu’il comprime l’estomac, donc les gens peuvent avoir une dénutrition en raison de cela, ou qui comprime les vaisseaux qu’on appelle les vaisseaux porte, la circulation porte, et parfois dans ces cas exceptionnels on peut être amené à faire une transplantation hépatique ou parfois quand les kystes hépatiques s’infectent et se surinfectent.
Dernier élément, parlons de transplantation : est-ce que les patients qui ont une polykystose rénale autosomique dominante sont des bons candidats, à la transplantation ? J’imagine que ce n’est pas dans leur famille qu’on peut leur offrir un rein, ou rarement, mais il n’y a pas de contre-indication ou de spécificité à une transplantation chez eux ?
Il n’y a pas de contre-indication. Les dons en intrafamilial sont possibles si la personne apparentée n’a pas la polykystose et il y a une spécificité qui est que, si le rein prend beaucoup de place, si les reins sont très volumineux, parfois le chirurgien a besoin d’enlever le rein natif pour pouvoir mettre un greffon.
Est-ce qu’il y a quelque chose que vous voulez ajouter ?
Vous avez insisté sur ce qui à mon avis est le message clé pour nos amis cardiologues et généralistes : quand vous avez un patient qui a une hypertension artérielle, pensez s’il y a des antécédents familiaux à la polykystose et même s’il n’y en a pas, s’il y a quelques signes abdominaux, pensez-y c’est une façon de dépister cette maladie, comme les autres néphropathies d’ailleurs.
Combien il y a de de de gens qui sont atteints de polykystose en France, qui sont diagnostiqués ?
A peu près 30 000.
Ce n’est pas une maladie rare, elle est rare mais elle n’est pas exceptionnelle.
XG : Bonjour Professeur Rubin, vous êtes néphrologue au CHU de Bordeaux, j’aimerais qu’on discute ce matin de ces nouveaux médicaments qui sont protecteurs, les gliflozines ou SGLT1 inhibiteurs, d’abord vous pouvez, sur le plan pharmacologique, bien nous expliquer comment ça marche ?
SR : Bonjour professeur Girerd, oui bien sûr, les inhibiteurs du SGLT2, les gliflozines, c’est un médicament qui inhibe un récepteur au niveau du rein, donc de la cellule tubulaire dans le rein, dont le rôle de ce transporteur est de réabsorber le sel et le glucose. Ce médicament empêche au niveau du rein cette réabsorption dans le sang de sel et de glucose et c’est pour ça qu’il augmente la sécrétion de glucose dans les urines et diminue un petit peu la glycémie des patients, et c’est pour ça qu’initialement ces médicaments ont été mis en place pour être des antidiabétiques.
Vous insistez là sur le terme médicament, est-ce que c’est une substance biologique, un peptide qui est naturel et on a synthétisé, ou c’est un bloqueur de récepteur ? C’est vraiment un médicament ou c’est une substance, un biosimilaire même si ça en est pas un ?
Historiquement ces médicaments sont proches de la pomme etc, donc c’est des choses qui qui existaient dans la nature mais qui ont été synthétisés pour être très spécifiques du récepteur qu’on appelle le SGLT2 parce qu’il y a plusieurs SGLT qui sont ces transporteurs qui réabsorbent le glucose et le sodium et donc le SGLT2 qui est spécifique du rein, très spécifique du rein, en fait les médicaments ont été synthétisés pour être très purs et inhibés spécifiquement.
Ce sont bien des médicaments, c’est de la chimie traditionnelle.
Absolument, ce n’est pas une hormone, pas une enzyme.
Ces médicaments ont été surtout au départ utilisés pour soigner les diabétiques ?
Absolument, l’histoire est très étonnante : c’est que la FDA qui est l’agence du médicament aux Etats-Unis, avait exigé à l’époque pour le déploiement, le développement de nouveaux antidiabétiques des essais de sécurité cardio-vasculaire. Quand ces médicaments sont arrivés ils ont eu les essais de sécurité cardio-vasculaire, on s’est rendu compte que certes ce sont des antidiabétiques.
J’aimerais votre avis vous êtes néphrologue, vous êtes endocrinologue, mais ma vision de l’effet antidiabétique de ces médicaments c’est que c’est de très faibles antidiabétiques, est-ce que vous êtes d’accord avec moi ?
Partiellement, ils sont d’autant plus faibles antidiabétiques que le patient a une maladie rénale puisque quand le patient a une maladie rénale avancée, il filtre moins de glucose et donc l’effet sur la baisse de la glycémie, puisque ce médicament agit au niveau du rein, est plus faible chez les patients qui ont une insuffisance rénale.
Ce point est très intéressant, est-ce que ça veut dire que – j’ai un vague souvenir qu’à une époque on les contre-indiquait en fonction de la fonction du niveau de filtration glomérulaire ou je confonds avec d’autres ?
Aujourd’hui on ne les contre-indique pas du tout au niveau de la filtration glomérulaire.
Dans le passé, quand ils étaient antidiabétiques, est-ce qu’on disait chez les gens qui ont moins de 30 ml de Clairance on ne les utilise pas ou pas ?
En fait oui parce qu’ils n’étaient pas considérés, dans cette population de patients qui ont une maladie avancée, ils ne font pas bien beaucoup baisser la glycémie voire très.
Sur ce point, vous me confirmez bien, c’est un message que certains praticiens ont complètement oublié, au début de l’histoire de ces médicaments, c’était des médicaments dont on disait pour soigner le diabète, ils sont peu efficaces chez les insuffisants rénaux ?
Absolument et c’est d’ailleurs toujours le cas : pour soigner le diabète, c’est-à-dire pour faire baisser la glycémie, c’est pas des médicaments qui sont les meilleurs.
Pour soigner le diabète, vous dites faire baisser la glycémie, est-ce que pour faire baisser HbA1c ou pas ? Est-ce que le critère de jugement était la baisse de l’ HbA1c ou de la glycémie ?
Dans les essais, quand ils étaient utilisés pour être un antidiabétique, initialement la baisse qu’on regarde c’est la baisse de l’HbA1c, le contrôle glycémique global.
Comment on s’est dit que ça allait être des protecteurs rénaux ?
A un moment, l’antidiabétique arrive, il améliore le contrôle glycémique en baissant l’hémoglobine glyquée. A cette époque on fait les tests de sécurité cardio-vasculaire et on se rend compte que deux événements importants à ce moment-là : que les patients diabétiques sont des patients à haut risque cardio-vasculaire, sous ces médicaments indépendamment de la baisse de la glycémie font moins d’événements cardio-vasculaires et en plus ont moins d’événements rénaux c’est-à-dire progresser dans la maladie rénale chronique jusqu’à arriver au stade très avancé qui est la dialyse ou la greffe.
Je suis content qu’on parle de ce critère de protection rénale. Comme cardiologue il m’a toujours fait un peu sourire, parce que nous les cardiologues, on compte les morts, on compte les événements qui sont vraiment marquants dans la vie du cœur, par exemple l’artère qui se bouche, l’infarctus du myocarde. L’événement rénal, vous l’évaluez en disant on double, vous pouvez définir les critères ? Qu’est-ce que c’est que la protection rénale ? Sur quel critère, on définit qu’un médicament est protecteur rénal ?
Ça dépend un petit peu des études, il y a deux grands critères, qui parfois d’ailleurs se combinent. Le premier critère, qui est le critère le plus dur, c’est l’arrivée en dialyse ou en transplantation rénale, c’est-à-dire ce qu’on appelle la mort rénale. Evidemment tous les patients – les études ont une durée de quelques années, ces études ont un suivi de 2 à 5 ans dans les essais – et la maladie rénale chronique est une maladie de long cours, c’est un marathon, donc en 2 à 5 ans tout le monde n’arrive pas à la mort rénale, bien heureusement, donc on fait ce qu’on appelle des critères intermédiaires.
Quand on a moins de 30 ml de Clairance, quel est le pourcentage ou la fourchette de pourcentage de gens qui sont en mort rénale dans les 2 ans ?
Ça dépend vraiment de la population que l’on va regarder puisque être à 30 ml/minute, il y a des patients qui ne vont jamais progresser, qui vont rester à 30. On évalue des risques de progression, un peu comme le risque cardio-vasculaire, quels sont les patients qui sont le plus à risque de faire un événement cardio-vasculaire ? En néphrologie, on évalue aussi quels sont les patients qui sont le plus à risque de progresser. Et on identifie ces patients avec les éléments suivants, il y en a plein d’autres, mais les principaux éléments, c’est le diabète. Le diabète est un facteur important de progression, la protéinurie, le taux de protéines que l’on a dans les urines est probablement le marqueur de progression le plus important. C’est pour ça que les néphrologues lutent de manière très important contre le taux de protéines qu’on a dans les urines. Il y a d’autres facteurs, par exemple l’hypertension artérielle quand elle n’est pas contrôlée, il y a d’autres facteurs qui permettent de gradifier ou de classifier le risque de progression d’un patient. Mais quand vous prenez des patients, vous ne prenez que des diabétiques avec des protéinuries importantes dans leurs urines, ces patients ont un risque de progression très important. Si vous prenez d’autres types de pathologies parfaitement stabilisées et qui n’ont pas de protéines dans les urines, il y a plein de patients qui ne vont jamais progresser.
Vous ne voulez pas me donner de pourcentage, je comprends. Est-ce que vous pourriez me donner un profil de gens qui n’évoluent pas ? A l’inverse, quels sont ceux qui sont à 30, un jour on découvre chez un sujet de 70 ans, non même pas de 70 ans, de 50 ans qu’il a une fonction rénale altérée, on ne sait pas très bien pourquoi, il avait de l’hypertension, il a peut-être une pathologie urologique, un homme ? Qu’est-ce qui fait que finalement il n’avancera pas dans l’insuffisance rénale ?
C’est la question majeure de la consultation de néphrologie, c’est ça l’enjeu. Quand on a un patient qui vient dans cette situation, 50 ans avec une maladie rénale chronique, il va falloir qu’on réponde à deux questions : 1/ quelle est la cause et 2/ quel est son risque ? On ne peut pas refaire toutes les causes.
Quel est son risque de ne pas être en dialyse ?
Le risque va dépendre, si on identifie une cause, il y a des causes dont on sait très bien le niveau de progression. Par exemple, un patient qui a une polykystose rénale, c’est très spécifique mais on sait comment il va progresser.
Pour la polykystose rénale à 50 ans ?
Ca dépend de la mutation mais à 50 ans, il y a plusieurs types de mutation de la polykystose.
Et un patient hypertendu ? Il a de l’hypertension à 50 ans, il n’est pas diabétique et il a une fonction rénale altérée, on ne sait pas très bien pourquoi, sauf qu’il a complètement négligé son hypertension, il a la peau noire – on a beaucoup de patients comme ça en région parisienne – des gens qui ont eu beaucoup d’hypertension, qui n’ont pas fait d’AVC mais ils ont une fonction rénale altérée. Quel est leur pronostic, vous dites qu’il faut la protéinurie ?
Dans ce que vous venez de dire, il y a deux choses importantes. Vous avez dit que ce patient a la peau noire et c’est très important parce qu’il y a des variants génétiques dans ces populations qu’on appelle APOL1, ce sont des patients qui vont progresser dans la maladie rénale chronique finalement presque indépendamment des autres facteurs de progression. Il y a une susceptibilité génétique qui est beaucoup plus fréquente chez les patients qui ont la peau noire qui les amène à progresser plus rapidement dans la maladie rénale chronique et donc là par exemple vous demandiez quel est le risque de progression, et bien chez les patients à la peau noire qui chez qui on va identifier ce variant qu’on appelle APOL1, eux vont progresser.
Les patients à peau noire et APOL1 ?
Les patients à peau noire, qui sont plus à risque d’avoir ce variant pathogène de APOL1, progressent plus vite que les autres. C’est un cluster, un type de patient qui progresse plus vite.
Je vous pousse dans vos retranchements. A 2 ans, ces patients sont à 80 % en dialyse ?
Ce qu’on appelle progresser vite, si vous voulez un chiffre, c’est les patients qui perdent par an plus de 5 ml par minute. Ca c’est un progresseur rapide, par exemple quelqu’un qui a 30 ml/minute et qui progresse vite, tous les ans il perd 5 ml/minute. En 4 ans, il en a perdu 20 et donc quand on passe de 30 et qu’on en perd 20, on est à 10 et là on s’approche de la dyalise.
Petite question technique APOL1 ça s’obtient comment quand on est un cardiologue en consultation ?
Aujourd’hui, ce n’est pas dans la pratique courante de l’avoir. Il y a deux façons de tester APOL1, soit vous allez faire un gène ciblé, une analyse du gène, soit maintenant avec la généralisation de ce qu’on appelle les exomes sur des patients dont on ne comprend pas bien la cause de la maladie rénale chronique, il y a pas des patients jeunes qui ont une maladie rénale qu’on n’identifie pas, on veut trouver une cause, on fait une analyse génétique assez poussée, assez exhaustive qu’on appelle l’exome, et cet exome va analyser tous les gènes. On peut trouver ce variant génétique. C’est aujourd’hui pas encore fait pour tous les patients.
Je comprends que si on a ce type de patient, on l’envoie à un néphrologue qui travaille dans un centre rattaché à une unité de recherche qui fait ça ?
Oui, il y a beaucoup de néphrologues maintenant qui ont accès à ce type d’analyse puisque c’est fait en ville maintenant.
Vous, en pratique, à Bordeaux ?
Ca coûte cher donc il faut avoir une discussion avec l’institution avec laquelle on travaille, il y a des enjeux financiers, c’est pour ça que ce n’est pas fait partout et par tout le monde. Mais techniquement, c’est faisable n’importe où.
Par exemple, le remboursement de APOL1 en ville c’est pas du tout la nomenclature ?
Non ce n’est pas remboursé, c’est aux rais de l’institution.
C’est très intéressant et ça nous permet de revenir quand même à ma question : comment peut-on évaluer sur le plan néphrologique le critère d’aggravation ou de protection de la fonction rénale ? C’est le doublement ?
Comme je disais, le critère dur c’est l’arrivée en dialyse, la mort rénale, et comme les études durent sur un temps limité, on ne peut pas identifier tous les patients qui vont progresser avec ce critère dur, donc on fait un critère intermédiaire, et dans ce critère intermédiaire, il y en a plusieurs qui coexistent, mais globalement c’est soit le doublement de la créatinine plasmatique, soit une augmentation d’un certain pourcentage, donc par exemple de 40 % de la créatinine. Il y a plusieurs types de critères en fonction de ce que l’on veut regarder mais les critères intermédiaires c’est augmentation de la créatinine plasmatique donc soit doublement soit plus de 40 %.
En combien de temps ?
C’est au cours de l’étude, on regarde des critères durs, une artère qui se bouche… Pourquoi c’est des critères qui sont très importants pour le patient ? Parce que quand on a une artère qui s’est bouchée, on a un traitement, un infarctus etc, mais quand on arrive en dialyse, la qualité de vie du patient elle est extrêmement altérée. C’est un événement très dur dans la vie d’un patient d’être dans ce qu’on appelle la mort rénale, en dialyse ou d’avoir besoin d’une transplantation rénale.
On va renverser les choses : dans les études qui sont faites avec les médicaments par exemple gliflozines, qui sont des études qui durent de 2 à 5 ans, quel est le pourcentage de gens de cette population recrutés sur ces critères de gravité, souvent les patients à haut risque cardiovasculaire, c’est comme ça qu’on les définit, qui terminent en mort rénale, c’est 1 %, 2 %, 10 % ?
Le problème de ces études c’est que la majorité des études ont été en plus arrêtées assez tôt en raison d’un bénéfice très important de cette classe pharmacologique, sur tous ces critères intermédiaires dont on parle, donc finalement le nombre de patients qui arrivent en dialyse on n’en a pas un nombre très important dans ces études.
Les cardiologues aiment bien les pourcentages, c’est 1%, 2 % ou c’est 20%, c’est juste pour savoir parce que je vais vous dire mon sentiment Professeur Rubin. Vous êtes un néphrologue professeur d’université, moi je suis un cardiologue professeur de thérapeutique qui fait de la prévention et dans le devenir de mes patients hypertendus, qui sont pour beaucoup d’entre eux à haut risque cardio-vasculaire, selon les classifications, l’événement mort rénale est resté finalement, dans toute ma carrière, très exceptionnel. Je ne dis pas qu’il n’existe pas mais j’ai eu certains patients plutôt diabétiques, plutôt maghrébins, j’ai été frappé par ça, qui tout d’un coup à 50 ans on découvre que leur fonction rénale n’est pas flambante et puis 5 ans après ils sont en dialyse. Et on ne comprend pas vraiment pourquoi. Moi en tout cas je ne comprends pas pourquoi ces patients-là, alors peut-être qu’ils étaient mal observants, mais je ne sais pas. Et puis il y en a plein d’autres, la grande majorité des autres, qui sont très malades de leurs artères, parfois très hypertendus, et qui ont une altération de la fonction rénale, plutôt à 60 ans d’ailleurs. Mais ceux-là, je dirais que je ne les ai jamais vus en dialyse, tant mieux pour eux ou peut-être j’ai mieux travaillé et donc c’est très mystérieux finalement. Mais c’est peu fréquent. Et il y a les fameux polykystoses rénaux, alors ceux-là je les confiais au collègues néphrologues mais là aussi il y en a qui vont très vite en dialyse et puis il y en a d’autres qui ont leur polykystose toute leur vie mais je ne les ai jamais vus en dialyse. Donc je trouve, avec une vision de praticien, que bien sûr la mort rénale c’est tragique, mais je suis complètement incapable de dire que c’est une situation fréquente, je suis plutôt capable de dire que, dans ma pratique de cardiologue de la prévention, c’est heureusement pas une situation fréquente.
On a les chiffres de patients qui sont en dialyse en France, à l’échelle de la population française, c’est 50 000 en dialyse et 40 000 qui sont greffés du rein. Ça fait 90 000 personnes qui ont un traitement. C’est la démographie de la France. Mais là vous allez au bout de l’histoire !
On est dans des chiffres : 90 000, c’est bien ça remet à jour parce que moi j’étais resté à 70 000. Mais est-ce qu’on a l’âge des gens à leur entrée en dialyse ?
L’âge médian c’est 70 ans.
70 ans donc il y a bien une caractéristique quand même, c’est que, heureusement, la dialyse n’est pas une situation qui touche tous les gens à risque, à 30 ans ou 40 ans.
Mais l’âge médian de l’arrivée en transplantation rénale c’est 60 ans par exemple, évidemment parce qu’en moyenne on transplante des patients plus jeunes. Mais le message important c’est que, là vous attaquez de front la mort rénale qui est l’événement tardif, mais l’enjeu de ces patients et de ces classes pharmacologiques dont on parlait, qui sont les inhibiteurs du SGLT2 quand vous avez un patient face à vous, un de ces patients à risque de progression, vous avez deux objectifs : bien évidemment ralentir sa progression, éviter ce risque qui n’est pas un risque très fréquent mais qui est un risque très grave. Le deuxième élément est probablement le plus important : c’est de baisser son risque cardio-vasculaire parce que ce patient, pourquoi il n’arrive pas en dialyse ? Pourquoi il n’a pas le temps d’arriver en dialyse ? Parce que le plus souvent, il fait un événement cardiovasculaire avant et parfois il en meurt ! C’est pour ça qu’il ne va pas en dialyse parce qu’en fait ces patients, qui sont protéinuriques et qui ont une baisse de leur débit de filtration glomérulaire, ils explosent leur risque cardio-vasculaire comparativement aux facteurs de risque traditionnel que sont le tabac, l’hypertension, l’âge, etc.
Donc c’est un effet cohorte ?
Oui, c’est qu’en fait et on le voit très bien dans toutes ces cohortes de diabétiques ou tous ces registres de diabétiques, le nombre de patients qui meurent d’un événement cardio-vasculaire est tout le temps plus important que le nombre de patients qui progressent dans la maladie rénale chronique, parce que le patient diabétique à haut risque il a deux risques : c’est le risque cardio-vasculaire qui l’emporte sur tout et le risque de progression dans sa maladie rénale chronique mais le risque compétitif est tel que l’événement cardiovasculaire est beaucoup plus fort que le risque de progression et donc ils meurent, ils font des événements avant de progresser ou d’arriver en dialyse.
C’est très intéressant pour le cardiologue. Pourquoi les gliflozines sont des médicaments que les cardiologues doivent considérer comme préventifs chez les patient à haut risque de maladie rénale ?
Les gliflozines – les inhibiteurs du SGLT2 – ont été mis en place comme étant des antidiabétiques, mais en fait ils sont révélés dans toutes ces études comme ayant, dans les populations de patients qui ont une maladie rénale chronique, pas comme des excellents antidiabétiques mais comme d’excellents protecteurs néphro-réno-cardiovasculaire. Dans cette population, quand vous avez ce patient face à vous qui a une maladie rénale chronique, vous devez prendre en charge deux de ces risques : le premier risque, qui n’est pas le plus fréquent, c’est le risque de progression de sa maladie rénale chronique, le risque que la maladie progresse jusqu’à arriver en dialyse ou à avoir besoin d’une transplantation rénale. Le deuxième risque, qui est le plus fréquent, c’est son risque cardiovasculaire. Pourquoi ? Parce que les patients qui ont une maladie rénale chronique soit parce qu’ils ont un débit de filtration glomérulaire abaissé, soit parce qu’ils ont un haut niveau de protéines dans les urines, l’albuminurie, ces marqueurs-là (baisse du débit de filtration ou augmentation de la protéinurie donc de l’albuminurie) sont des marqueurs de risque cardio-vasculaire qui écrasent tous les autres. Un patient avec un DFG bas et des albumines élevées dans les urines, son risque cardio-vasculaire est porté par ces marqueurs, bien plus que par une hypertension artérielle, le tabac etc, parce que ce sont des risques très forts sur le plan cardiovasculaire. Ces médicaments, les inhibiteurs du SGLT2, dans cette population particulière à très haut risque, ont montré deux bénéfices : 1/ ça ralentit la progression de la maladie 2/ ça diminue surtout le risque cardio-vasculaire si bien que le principal bénéfice escompté de ces médicaments, chez ce type de patient, c’est de diminuer le risque cardio-vasculaire.
Cette diminution du risque cardiovasculaire passe par quel mécanisme ? Est-ce que c’est une baisse de pression artérielle ou est-ce que ce sont des mécanismes plus cellulaires au niveau cardiaque ou au niveau rénal ?
Il y en a eu deux qui ont été suggérés mais il y en a en fait d’autres. Le premier élément, c’est que la baisse du risque cardiovasculaire dans la population de maladie rénale chronique avec ces médicaments a été longtemps comme un peu mystérieux, c’était une constatation épidémiologique mais on n’en a pas compris les déterminants physio et physiopathologiques. Il y a maintenant des hypothèses qui se mettent en place : ce qu’on sait avec ces médicaments c’est que, d’une part, ça fait baisser un petit peu la pression artérielle, pas beaucoup, ça la fait baisser comme la moitié d’une molécule, entre 3 et 5-6 mm de mercure de pression artérielle systolique. Ce n’est pas rien mais surtout on montre maintenant que la baisse du risque cardiovasculaire dans cette population est indépendante ou pas très liée à la baisse de cette pression artérielle. Ce n’est probablement pas le mécanisme qui l’explique. Le deuxième mécanisme évoqué c’est que comme ce médicament empêche la réabsorption de sucre dans le dans le rein, mais aussi de sodium, ça fait uriner un peu de sodium, donc c’est un peu un diurétique et ça fait baisser un peu la volémie de ces patients. On s’est dit peut-être que c’est ça qui aide à diminuer le risque cardiovasculaire, c’est le meilleur contrôle de la volémie, peut-être en partie, mais c’est assez décevant comme explication. Il y a une troisième phase qui est en train d’émerger, beaucoup plus cellulaire dans l’explication de cette baisse de risque, c’est que quand vous prenez ce médicament qui va arriver dans votre cellule rénale, vous allez totalement modifier le fonctionnement de cette cellule, et vous allez beaucoup modifier des voies de signalisation de cette cellule qui vont arriver à diminuer, c’est ce qu’on montre de plus en plus, diminuer toutes des voies qui sont pro fibrosantes. En fait ce sont des médicaments qui modifient le fonctionnement cellulaire et qui amènent à diminuer l’activation de voie de signalisation qui sont pro fibrosantes et qui peuvent expliquer l’augmentation de la rigidité artérielle, l’augmentation de certaines cardiopathies, etc, peut-être une baisse de la pression artérielle, peut-être une baisse de la volémie, mais surtout une modification de la physiologie cellulaire qui amène à diminuer beaucoup de voies qui sont pro fibrosantes et qui expliquent en partie ce risque cardiovasculaire très important chez ces patients.
Là on est sur des mécanismes cellulaires ou intracellulaires au niveau du rein, expliquez-moi pourquoi une protection du rein fait moins de d’infarctus du myocarde ? Le lien entre les deux c’est celui-là que j’aimerais comprendre.
Deux réponses à faire : la modification de ces voies de signalisation, quand vous modifiez, vous modifiez de la sécrétion des voies inflammatoires etc qui ont un impact systémique, et deuxièmement il y a deux choses à bien comprendre dans les inhibiteurs du SGLT2 : 1/ ils n’ont pas une spécificité totale pour les inhibiteurs du SGLT2, c’est-à-dire qu’ils peuvent inhiber pour certains, au moins partiellement, le SGLT1 qui lui n’est pas que dans le rein et dans le tube digestif par exemple. Vous savez que maintenant il y a des hypothèses très fortes entre le microbiote intestinal et le risque cardiovasculaire, ces voies sont en train d’être explorées, et deuxièmement on a ce qu’on appelle – probablement mais qui reste à démontrer – des effets dits off target, c’est-à-dire qu’il n’est pas impossible que le médicament, l’inhibiteur du SGLT2, qui est pas complètement spécifique du SGLT2, qui fait aussi le SGLT1, peut avoir des mécanismes d’action autres, indépendamment du SGLT2, qui ne sont pas encore parfaitement élucidés mais qui pourraient expliquer, en addition de ces autres mécanisme.
Ils ont des mécanismes au niveau des vaisseaux cardiaques, du myocarde ?
Par exemple. Au niveau de la cellule myocardique, au niveau du vaisseau, etc donc mais ce sont des choses qui sont encore regardées actuellement dans la boîte de Pétri, au laboratoire en culture ou sur la souris !
Est-ce qu’il y a des interactions entre ce système SGLT et le système rénine-angio-tensine ? Est-ce que c’est travaillé ou pour l’instant non ?
A ma connaissance, il y a pas d’interaction directe : la prescription de ce limiteur de SGLT2 ne modifie pas directement la régulation du système rénine-angio-tensine mais modifie indirectement puisqu’on sait que ces patients ont une baisse de volémie un petit peu, due à l’effet natriurétique et on sait que ce système rénine-angio-tensine aldostérone est très dépendant de la volémie dans sa sécrétion. Il y a donc des effets indirects de régulation du système rénine-angio-tensine avec ces médicaments mais un peu comme quand vous donnez un diurétique par exemple.
Dernière question très pharmacologique mais qui revient à la pratique : vous nous avez dit au départ que l’inhibition SGLT2 sur le sucre était moins efficace quand la fonction rénale était plus altérée, est-ce que les autres mécanismes de l’inhibition SGLT2 sont indépendants de l’altération de la fonction rénale ?
Il n’est pas improbable que paradoxalement – pour bien comprendre chez le patient qui a une maladie rénale chronique pourquoi ça marche moins bien et pourquoi les autres pourraient quand même marcher – chez le patient qui est diabétique, quand le glucose arrive dans le rein, il est filtré dans le rein et après il est en partie réabsorbé, c’est le mécanisme standard : il est réabsorbé chez le diabétique, parce que c’est une particularité du diabétique, via ce récepteur qu’on appelle le SGLT2. Quand vous avez une maladie rénale chronique, votre filtration rénale baisse, votre filtration glucose baisse, vous allez filtrer moins de glucose. Il va y avoir moins de glucose à réabsorber, c’est la raison pour laquelle aller cibler l’endroit dans l’organisme pour contrôler la glycémie, qui est un peu éteint par la maladie rénale chronique, est finalement peu efficace. Ça c’est pour expliquer pourquoi, chez le diabétique qui a une maladie rénale chronique, les inhibiteurs du SGLT2 ne sont pas un très bon antidiabétique. Cependant, tous les autres mécanismes, notamment les mécanismes cellulaires dont on a parlé, fonctionnent voire même, dans la maladie rénale chronique, les voies pro fibrosantes qui pourraient être contrebalancées par ces médicaments sont hyperactivées et il y a probablement, chez cette population de malades rénaux chroniques, un bénéfice encore supérieur aux autres à aller au niveau du rein inhiber certaines voies pro inflammatoires qui participent au risque cardiovasculaire.
Quand on manie les médicaments d’une façon générale sur l’insuffisant rénal, on a des modèles d’explication en disant attention il faut soit diminuer le dosage parce qu’il y a un risque d’accumulation soit au contraire l’augmenter parce qu’il est moins en quantité, il arrive moins au niveau des récepteurs rénaux du fait de l’émission de la filtration glomérulaire. Qu’en est-il de ces produits, ils arrivent comment au rein ? Par le la filtration glomérulaire ou par le sang, la vascularisation péritubulaire ?
Comme tous les médicaments, il y a deux façons quand vous voulez inhiber un médicament au niveau du transporteur, dans le tube rénal il y a deux façons de l’atteindre : soit la filtration glomérulaire comme vous l’avez dit, soit ce qu’on appelle la sécrétion tubulaire. C’est le cas par exemple des diurétiques qui sont beaucoup plus sécrétés par le tube rénal que filtrés par le glomérule quand il fonctionne. Pour les inhibiteurs du SGLT2, le mécanisme d’action est double. Comment il arrive au niveau de la cellule tubulaire proximale ? Par un double mécanisme : la filtration glomérulaire et la sécrétion tubulaire. Ces médicaments, en termes de posologie et d’adaptation, sont extrêmement simples d’usage dans la maladie rénale chronique parce que certains inhibiteurs du SGLT2 ont plusieurs posologies chez le diabétique. Mais chez le patient qui a une maladie rénale chronique, il y a toujours qu’une seule posologie, c’est la posologie souvent la plus faible.
On doit quand même diminuer la dose ? Parce qu’il y a un risque d’accumulation ?
Non, il y a pour deux inhibiteurs du SGLT2 disponibles sur le marché en France, la possibilité d’augmenter la dose chez le diabétique, quand on veut avoir un effet antidiabétique. Chez l’insuffisant rénal, on ne monte jamais la dose, on fait la dose standard : ce n’est pas une diminution de dose, c’est la dose standard.
Dose standard chez l’insuffisant rénal en deçà de 30 ml/minute ?
Au-delà de 60 ml/minute, c’est la maladie rénale.
60 c’est toute la population après 60 ans !
Non, il y a des gens à 100 ans qui ont une fonction rénale parfaitement normale.
Mais les gens à 100 ans sont des survivants. Ça veut dire que le dosage ne change pas, on ne regarde pas la clairance, la filtration glomérulaire, on prescrit au même degré ?
De manière extrêmement pragmatique, en France, il y a trois inhibiteurs du SGLT2 disponibles sur le marché. Il y en a deux qui ont l’autorisation de mise sur le marché pour la maladie rénale chronique, pour diminuer la progression de l’événement cardio-vasculaire : l’empagliflozine ou la dapagliflozine et ces deux médicaments, quand vous les prescrivez pour le patient qui a une maladie rénale chronique, la posologie est 10 mg, dose unique en une prise par jour. Et on ne les prescrit pas jusqu’aux stades les plus avancés, puisque ce qui est aujourd’hui recommandé c’est d’avoir la possibilité d’introduire ces médicaments jusqu’à 20 ml par minute, c’est-à-dire qu’en dessous de 20 ml par minute, on n’introduit pas ses médicaments. Par contre, le patient qui était déjà traité par ces médicaments et qui progresse, on le maintient jusqu’à la dialyse.
Pourquoi on ne les introduit pas, pour des raisons réglementaires ?
Non, parce que c’est hors de l’AMM parce que c’est des patients qui avaient été exclus des études. Mon sentiment c’est qu’on se retrouve exactement, on fait une analogie avec 20 ans de décalage avec les bloqueurs du système rénine-angio-tensine, on avait toutes ces mêmes interrogations et probablement qu’à terme ça va changer effectivement, en vie réelle. Aujourd’hui les AMM sont collées aux études.
Est-ce qu’il y a une toxicité démontrée de ces médicaments ? Est-ce que ça aggrave la fonction rénale par exemple ?
La réponse est clairement non.
Est-ce que ça provoque des hyperkaliémies, des hyponatrémies, des diabètes enfin des hypoglycémies ?
Je fais attention aux mots toxicité, quand je parle à un professeur de thérapeutique, et effets indésirables. Le premier message c’est que ces médicaments sont très bien tolérés. Il y a des effets indésirables qui ont été décrits, deux principaux : le premier, et qui n’est pas le cas uniquement dans la maladie rénale chronique d’ailleurs, qui est le cas chez tous ces patients c’est que ça augmente le risque d’infections génito-urinaires puisque ça fait uriner plus de sucre et vous savez que les bactéries ou les champignons adorent proliférer dans le sucre, et il y a ça dans les urines et donc ça augmente un peu le risque d’infection génito-urinaires, il faut prévenir le patient.
C’est assez fréquent ?
Non c’est pas assez fréquent, ça concerne moins de 10 % des patients qui sont exposés à ces médicaments mais c’est un effet indésirable qui est décrit et classique. Ce n’est pas hyper fréquent et ça dépend essentiellement de l’hygiène du patient. Il faut éviter la macération des urines dans les sous-vêtements, c’est ça le message. On en voit en consultation mais le plus souvent on le traite par les mesures classiques et chez le patient qui récidive on peut être amené à arrêter le traitement.
Chez l’homme qui a un adénome de prostate, qui est gêné, qui a des pertes urinaires, ou chez la femme qui est incontinente ?
Ça augmente le risque, mais ça veut pas dire qu’ils en feront et ça ne veut pas dire qu’on doit pas leur en prescrire. On doit les prévenir et si ça arrive une fois, on traite et ça va, si c’est récidivant – ce sont des cas exceptionnels mais ça eut amener à arrêter la classe.
Une femme qui a une ptose des organes génitaux, malheureusement il y a des femmes qui ont cette contrainte-là : est-ce que c’est une contre-indication ?
Ce n’est pas une contre-indication mais il faut avertir le patient de ce risque pour que si ça la gratte, si elle a des rougeurs etc, elle en parle avec son médecin traitant parce qu’il est probable que ça augmente son risque de mycose tout simplement.
Ça on sait gérer a priori. On ne parle toujours pas de toxicité, ce n’est pas toxique, ça ne provoque pas d’hyponatrémie ou d’hypoglycémie ?
Le risque d’hypoglycémie est faible, il est encore plus faible, il n’est pas impossible, il est très faible chez le patient qui a une maladie rénale chronique parce que comme c’est un moins bon antidiabétique, il fait moins baisser la glycémie donc il y a très peu d’hypoglycémie. Le deuxième effet indésirable qui a été décrit c’est l’acidocétose, c’est un peu une toxicité ou une complication, ça peut faire des mécanismes d’acidocétose c’est pour ça que le diabétique de type 1 avait été retiré de ces études, parce qu’il y a un surrisque d’acidocétose. Et chez le diabétique de type 2 dans les situations de jeunes, il est parfois recommandé de le suspendre.
Quel est le mécanisme de l’acidocétose ?
Comme on diminue la réabsorption de glucose dans la cellule tubulaire, c’est un problème d’énergie cellulaire, ça modifie la néoglucogenèse rénale etc, c’est très spécifique mais c’était très décrit, c’était même la raison pour laquelle on a exclu tous les types 1 de la classe, enfin des essais, ils ont tous été exclus et les types 1 n’ont pas l’AMM. Aujourd’hui, il n’est pas recommandé de leur en donner.
C’est une non-indication ? Tu en as eu des acidocétoses ou pas ?
Moi j’en ai pas vu, ça reste rare. J’en ai pas vu parce qu’on on le donne pas chez les patients les plus à risque et il y a certains patients de type 1 qui en ont pour des raisons d’insuffisance cardiaque, d’autres indications, et ça se discute, c’est la balance bénéfice-risque chez le patient de type 1 qui prend bien ses insulines, qui se maîtrise bien, le risque est très faible. C’est un problème de bénéfice risque.
Je repose la question, il y a une natrémie, une kaliémie ?
Natrémie, pas de modification réelle. Kaliémie, il y a même des baisses d’hyperkaliémie induites par les bloqueurs du système rénine-angio-tensine. Les patients sous inhibiteurs de SGLT2 font moins d’hyperkaliémie que les autres.
Conclusion, on peut les co-prescrire avec les sartans ou les IEC sans risque particulier ?
C’est pas qu’on peut, c’est qu’on doit !
C’est un beau message, un très bon message pour les cardiologues !
C’est très important de bien comprendre : toute cette classe a été testée en addition d’un bloqueur du système rénine-angio-tensine. Pour avoir ce médicament dans les essais, il fallait être sous la dose maximale du bloqueur du système rénine-angio-tensine. Donc c’est pas qu’on peut, c’est qu’on doit.
En savoir plus :
Diagnostic de l’hypertension
Causes de l’hypertension
Signes et symptômes de l’hypertension
Risques et conséquences de l’hypertension
Traitements de l’hypertension
Alimentation et hypertension
Sport et hypertension
Sommeil et hypertension
AVC, maladie Alzheimer et hypertension
Tabac, alcool et hypertension
Femmes et tension
Héredité et hypertension