Complications graves de l'hypertension

complications Graves de l’hypertension :

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Le conseil du Professeur Girerd

Complications graves de l’hypertension

screenshot 20240523 003817 driveDans un rapport de l’OMS publié en mai 2024, l’élévation de la pression artérielle systolique, autrement appelée hypertension artérielle, est décrite comme étant le principal facteur de risque de décès et d’invalidité en Europe.

En 2019, l’hypertension artérielle a ainsi été à l’origine de 24 % des décès et de 13 % des handicaps pour les populations qui vivaient en Europe.

Ainsi, chez les hypertendus, les morts de cause cardiaque (le plus souvent du fait d’un infarctus) ont été 2 fois plus nombreux que les morts liés à un AVC et 10 fois plus fréquents que les morts secondaires à une maladie des reins.

En résumé, l’hypertension artérielle, si elle n’est pas dépistée ou si elle diagnostiquée mais pas soignée, peut être à l’origine d’un décès, le plus souvent brutal, dont la cause est cardiaque.

Pour connaître sa tension, on peut aujourd’hui faire un AutoTest.

L’AutoTest de la Tension consiste à mesurer sa tension avec un tensiomètre automatique.

Le brassard peut être positionné au-dessus de la manche d’un vêtement. La mesure doit être réalisée en position assise.

Si la première mesure indique une SYS à 141 ou plus ou une DIA à 91 ou plus, il faut réaliser une deuxième mesure sur le même bras sans attendre plus d’une minute entre les 2 mesures.

Si la deuxième mesure reste élevée, il est conseillé d’effectuer une automesure sur 3 jours.

Pour en savoir plus sur les complications de l’hypertension artérielle, posez vos questions en activant le bouton « Réponse Hypertension » du site de la Fondation Hypertension (le texte est rédigé par chatGPT4 exclusivement à partir des contenus du site frhta.org).

Bibliographie :

Incidence and autopsy rates for sudden cardiac death in Northern Finland, (Heart Rhythm 2024;21:682–683)

 

L’article du Dr Marie-Catherine Wimart

Le risque de mort subite dépend du sexe

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Référence : Mort subite de l’adulte : une série de 534 autopsies médico-légales avec comparaison hommes-femmes. Anne-Laure NANEIX Thèse de médecine d’exercice-2012

L’objectif de cette thèse a pour but de caractériser les principales données épidémiologiques de la mort subite de l’adulte en France et de comparer le profil épidémiologique des morts subites selon le sexe.

On parle de mort subite quand le décès survient dans un délai de 24 heures, cette définition est celle retenue par l’OMS dans la classification internationale des maladies (World Health Organization, 2010) et dans la plupart des études médico-légales. Le décès est inopiné et inattendu, sont exclues les causes d’origine toxique (alcool, drogue..) et l’autopsie confirme la cause de la mort subite.

L’origine cardiovasculaire est la cause principale de mort subite et devant les résultats d’une étude réalisée en France où l’on retrouve 50 000 décès/an, les Autorités Françaises ont généralisé en 2007 l’usage des Défibrillateurs Automatisés Externes.

L’étude, réalisée entre 1985 et 2009 dans les Yvelines et le Val d’Oise, montre que sur les 10 691 autopsies médico-légales réalisées dans le service d’anatomie pathologique et de médecine légale de l’hôpital Raymond Poincaré à Garches on retrouve 534 adultes victimes de mort subite.

L’âge moyen est de 44,4 ans (18 à 89 ans) et le décès survient dans plus d’un cas sur deux au domicile. Dans la majorité des cas (88,6%), le décès survient en dehors de tout contexte de stress, au repos ou durant un effort physique de faible intensité, et dans près d’un cas sur 3 (32,8%), le décès survient pendant le sommeil. Le délai de survenue du décès est d’une heure ou moins dans 25% des cas et de moins de 6 heures dans près de 60% des cas.

Dans deux tiers des cas, les maladies cardiovasculaires sont les principales causes de mort subite, augmentation avec l’âge passant de 57% chez les moins de 35 ans à 78% chez les plus 54 ans. La plus fréquente des causes de décès est l’athérosclérose coronaire et ses complications avec 35,4% de tous les décès et 58% des décès cardiaques. Les 119 infarctus myocardiques récents découverts représentent 22,2% des décès, et 36,5% des décès d’origine cardiaque. A noter que les décès liés à une cardiomyopathie sont d’autant plus fréquents que les sujets sont jeunes. A l’inverse des maladies cardiaques l’AVC hémorragique ne représente que 5,2% des décès.

La répartition de la population selon le sexe montre qu’il y a 369 hommes d’âge moyen de 44.9 ans (69,1%) et 165 femmes d’âge moyen de 43.0 ans (30,9%), à noter qu’il n’y a pas de différence sur l’âge. Le décès survient plus fréquemment au domicile chez les femmes que chez les hommes (80% vs 47%) et l’on retrouve plus fréquemment un événement stressant chez les hommes que chez les femmes (13.8% vs 7,3%).

Les décès d’origine cardiovasculaire sont plus fréquents chez les hommes que chez les femmes (71.5% vs 53.9%), et les décès d’origine cérébrale moins fréquents chez les hommes que chez les femmes (10.3% vs 16.4%). Les décès cardiovasculaires sont plus fréquents chez les hommes que chez les femmes quelles que soit les tranches d’âge.

Pour l’ensemble des causes de mort subite, l’athérosclérose est plus fréquente chez l’homme avec 65.2% (43.6% de toutes les causes) et les cardiomyopathies plus fréquentes chez les femmes avec 39.2% (18.8% de toutes les causes).

En conclusion, cette étude Française sur 534 adultes décédés de mort subite, confirme les données des principales études épidémiologiques réalisées dans le monde. L’athérosclérose coronaire représente la première cause de mort subite chez les hommes, tandis que ce sont les cardiomyopathies qui prédominent chez les femmes.

En savoir plus : Sex differences in sudden cardiac death in a nationwide study of 54 028 deathsTobias Skjelbred  1, et al

 

Les entretiens du Pr Girerd

Dr Sébastien Rubin, néphrologue, Bordeaux

Mort rénale chez les hypertendus : qui est concerné ?

Pr Xavier Girerd : Est-ce qu’on peut avoir des hypertensions sans avoir de maladie des reins ?

Pr Sébastien Rubin : La physiologie – c’est-à-dire l’étude du fonctionnement du corps humain – nous montre depuis maintenant de longues années que les personnes qui ont une hypertension artérielle ont toutes une anomalie d’excrétion du sel et de l’eau via les reins. Donc ils ont tous une maladie des reins.

X.G. : Donc l’hypertension artérielle, c’est une maladie des reins qui s’exprime au niveau du cœur et des artères ?

S. R. : Absolument.

X.G. : Les maladies des reins chez les hypertendus sont fréquentes : est-ce qu’on peut mourir de ses reins quand on a de l’hypertension ?

S. R. : L’hypertension artérielle peut se compliquer de ce qu’on appelle une mort rénale, c’est l’arrêt du fonctionnement des reins, c’est-à-dire que la fonction rénale ne marche plus.

X.G. : Est-ce que c’est quelque chose qui survient brutalement ou lentement ?

S. R. : Dans la majorité des cas, ça survient lentement, c’est l’évolution, la progression d’une maladie chronique.

X.G. : Lentement ça veut dire que ça prend plusieurs semaines, plusieurs mois, plusieurs années ?

S. R. : Tous les cas de figures sont possibles : le plus souvent, la maladie rénale chronique est une maladie de long cours, c’est un marathon, ça prend plusieurs mois ou années.

X.G. : Donc des patients qui ont de l’hypertension artérielle risquent d’avoir leur rein qui ne fonctionne plus et ce qu’on appelle l’insuffisance rénale terminale ?

S. R. : Chronique, et dans les stades les plus sévères elle est appelée terminale.

X.G. : Ça peut être brutal chez l’hypertendu la mort rénale ?

S. R. : Ça peut être brutal dans certaines formes d’hypertension artérielle : l’une de ces formes c’est l’hypertension artérielle maligne qui est une forme très agressive d’hypertension et qui là peut détruire les reins en quelques jours ou quelques semaines.

X.G. : Et ça survient chez quel genre de patient l’hypertension artérielle maligne qui détruit les reins en quelques jours ?

S. R. : Il y a plusieurs formes encore une fois, mais dans la majorité des cas, ça survient chez des patients qui ont une hypertension artérielle finalement assez standard, assez classique et qui interrompent leur traitement et brutalement l’hypertension devient très agressive et elle peut détruire les reins.

X.G. : Donc l’interruption du traitement est un risque de voir apparaître la mort des reins rapidement ?

S. R. : Via une hypertension artérielle maligne, absolument. C’est un terme qui a à peu près un siècle maintenant, c’est parce qu’avant les nouveaux traitements, les patients qui avaient ces formes d’hypertension artérielle en mouraient, notamment via leur atteinte rénale. Aujourd’hui, avec les nouveaux traitements de l’hypertension artérielle et aussi les traitements de suppléance du rein, c’est-à-dire qu’on peut remplacer le fonctionnement du rein, on ne meurt plus.

X.G. : La fameuse dialyse ?

S. R. : Comme la dialyse ou la greffe de reins.

X.G. : Comment on sait qu’on a une hypertension maligne ? ça fait mal ?

S. R. : L’atteinte des reins ne fait jamais mal dans le dos, par contre l’hypertension artérielle maligne peut s’accompagner de symptômes : les patients sont fatigués, ont des flous visuels, ont également des chiffres de pression artérielle très élevés.

X.G. : Ils ont mal la tête je crois ?

S. R. : Absolument !

X.G. : Et on perd du poids ?

S. R. : Oui on perd du poids parce que l’hypertension artérielle maligne fait perdre beaucoup d’eau et de sel par les reins, c’est-à-dire que la pression appuie très fort sur les reins et donc le rein a une fuite d’eau et de sel et c’est cette fuite d’eau et de sel qui fait perdre du poids.

X.G. : D’accord, donc l’hypertension maligne ça peut tuer les reins en quelques jours et c’est particulièrement risqué si les gens arrêtent leur traitement j’ai compris. Maintenant, l’autre forme de de mort rénale, plus lente, qui peut prendre quelques années, est-ce que vous pourriez nous décrire quels sont les hypertendus qui sont sujets à pouvoir faire ces maladies de mort du rein lente ?

S. R. : Alors, le principal facteur de risque chez un patient hypertendu d’avoir une atteinte rénale c’est si, en plus de son hypertension artérielle, il a un diabète. Le diabète c’est absolument terrible pour les vaisseaux.

X.G. : C’est quel diabète : est-ce que c’est le diabète où on a de l’insuline ou c’est le diabète où on est en surpoids ?

S. R. : C’est plutôt le diabète où on est en surpoids, qui est le diabète de type 2, qui est une maladie plus complexe, qui est une maladie métabolique plus complexe et cette maladie, quand elle se cumule à l’hypertension artérielle, ce qui est très fréquent, peut être très agressif pour les reins.

X.G. : Est-ce que tous les patients qui ont du diabète terminent avec une mort rénale, est-ce qu’il y en a certains qui peuvent y échapper ?

S. R. : Bien heureusement que oui ! Le travail du néphrologue que je suis, c’est de tout faire pour éviter cela, ralentir la progression de l’atteinte rénale, et chez les patients qui sont hypertendus et diabétiques, les meilleurs moyens d’éviter une atteinte rénale sévère jusqu’à la mort rénale c’est bien sûr de contrôler la tension, contrôler son diabète, et toutes les mesures de prévention de l’atteinte rénale.

X.G. : Contrôler sa tension : ce mot « contrôle » ça veut dire quoi, ça veut dire qu’il faut prendre ses médicaments et qu’il faut la mesurer chez soi ? Ou est-ce qu’il y a d’autres choses à faire , Même dans les médicaments, il y a des médicaments qui sont plus actifs que d’autres pour protéger le rein ?

S. R. : Pour contrôler sa tension artérielle, si on veut protéger son rein, donc quand on parle de contrôle c’est avoir des chiffres de pression artérielle à la maison qui sont contrôlés, c’est-à-dire au moins pour tout le monde en-dessous de 135/85 pour faire simple, voire plus bas si on est en bonne santé, en bon état général, et puis après il y a des médicaments qui sont très néphroprotecteurs, et parmi ces néphroprotecteurs on connaît les médicaments qui bloquent un système hormonal qu’on appelle le système rénine-angio-tensine.

X.G. : Est-ce que les médicaments dits « diurétiques » sont mauvais pour les reins ? Souvent c’est ce que disent les patients « non c’est mauvais pour mes reins, je vais pas en prendre », c’est vrai ou pas ?

S. R. : Alors non, c’est pas vrai, l’effet indésirable des diurétiques, s’ils sont trop dosés, si on est intoxiqué par trop de diurétiques, là il peut y avoir un danger pour les reins.

X.G. : Est-ce que les médicaments diurétiques ça protège les reins ou ça les abîme ?

S. R. : Si on veut contrôler la pression artérielle, on a souvent besoin de diurétique dans la maladie rénale chronique, et dès lors ça les protège puisque ça va contrôler la pression artérielle.

X.G. : Donc il faut que les patients prennent le traitement prescrit par le médecin, même si c’est un traitement diurétique, ça protège leurs reins chez l’hypertendu, on est d’accord avec ça ?

S. R. : On est parfaitement d’accord.

X.G. : Les patients souvent disent : « pour protéger mes reins, il faut que je boive beaucoup », est-ce que vous pouvez nous dire si c’est vrai, si c’est pas vrai ?

S. R. : Le principal message, c’est que pour protéger ses reins il faut éviter les déshydratations donc quand on est une personne plutôt jeune, au milieu de sa vie, on a la sensation de soif et donc il faut boire à sa soif, et il faut boire davantage quand il y a les épisodes de grande chaleur qui sont maintenant fréquents. Par contre, quand on vieillit, on perd cette sensation de soif, on parle de patient autour de 80 ans, donc chez ces patients, pour éviter, puisqu’ils n’ont plus cette sensation de soif, pour éviter la déshydratation mais pour protéger ses reins ça ne sert à rien de boire 2, 3, 4, 5 litres d’eau, il faut boire à sa soif, notamment quand on a cette sensation de soif.

X.G. : Est-ce que vous fixez une quantité d’eau maximum à ne pas dépasser ?

S. R. : Non, il n’y a pas de quantité d’eau maximum à ne pas dépasser. Quand les patients me demandent, je leur dis qu’il faut boire, ce qui est dit en population générale pour tout le monde, au moins 1,5 litre d’eau par jour ;

X.G. : Faut pas en boire 3 ? On est d’accord ?

S. R. : Aucun avantage !

X.G. : C’est même parfois dangereux parce qu’il y a des médicaments, quand on boit trop, on se noie, les médicaments diurétiques justement en fait c’est plutôt défavorable, vous me confirmez ça ;

S. R. : Quand on boit 3, 4, 5 litres d’eau par jour non.

X.G. : Ça il ne faut pas le faire, même quand on a une atteinte rénale ? Vous me le confirmez. Et puis dernière chose, on dit qu’il ne faut pas manger de viande, de protéines quand on a une maladie rénale. Vous pouvez nous dire si c’est vrai et pourquoi ?

S. R. : Alors sur les protéines, ce qu’on a conseillé très longtemps et qu’on continue de conseiller, c’est d’avoir des apports raisonnables en protéines, ça veut pas dire ne plus manger de viande, pas du tout, en fait on se rend compte si on regarde la consommation en protéines des Français par exemple, elles sont largement au-delà des besoins pour notre métabolisme.

X.G. : Si on mange un steak de 150 g de viande bovine par jour, c’est trop ou pas ?

S. R. : Non, aucun problème, ce qu’on conseille aux patients qui ont une maladie rénale chronique, encore plus quand elle est avancée, c’est d’essayer de limiter les rations de protéines animales à un repas par jour. C’est-à-dire par exemple s’il veulent manger un steak le midi ou un steak le soir, il n’y a pas de problème, mais on leur dit d’éviter de manger un steak le matin, un steak le midi et un steak le soir.

X.G. : Et puis dernière chose : le sel. Alors le sel tout le monde dit que le sel il faut ne pas en manger quand on est hypertendu, ce qui n’est pas la recommandation, il faut éviter les excès mais quand on a une maladie rénale est-ce qu’on peut continuer à manger du sel en quantité normale ou il faut limiter son sel ?

S. R. : ça dépend ce qu’on attend derrière le mot normal. Il y a trois niveaux : il y a le régime sans sel. Moi je le recommande pas le régime sans sel qui est très strict et très difficile à suivre mais si derrière le mot normal se cache la consommation habituelle des Français, il ne faut pas faire ça, parce que les Français mangent beaucoup de sel. Nos alimentations actuelles ont beaucoup de sel.

X.G. : Il y a eu un rapport de l’OMS, publié très récemment, qui montre que, en France, la moyenne de la consommation sodée est de 7 g pour les femmes et 8 g pour les hommes alors que en Italie, en Allemagne c’est 10 g. Donc, en fait, on mange moins de sel que nos voisins. Les Allemands mangent beaucoup de charcuterie et c’est pour ça qu’ils mangent plus de sel que les Français.

S. R. : Alors en France, il y a une variété, il y a une grosse diversité régionale sur les apports en sel selon où on habite, on n’a pas les mêmes alimentations en sel à Bordeaux, à Strasbourg ou à Lille, donc il y a cette variété géographique due à notre patrimoine culturel qui est fort sur le plan gastronomique, et quand je dis qu’on mange un peu plus de sel que l’on devrait c’est quand même vrai parce que ce même rapport de l’OMS rappelle les recommandations qui sont de 5 g de sel.

X.G. : Pourquoi l’OMS dit 5 g ?

S. R. : Ça se base beaucoup sur des études épidémiologiques, de la description, c’est pas des choses interventionnelles. Les patients qui ont une hypertension artérielle avec une maladie rénale chronique, quand on prend le temps de leur expliquer les apports raisonnables en sel, on fixe autour de 6 ou 5 g de sel par jour, on y arrive c’est possible de limiter son apport en sel et en fait ça passe par des mesures qui sont extrêmement simples, qui sont ne pas ressaler à table. Moi je dis aux patients : retirez votre salière de la table, vous pouvez saler un peu en cuisson mais ne ressalez pas à table. Et il y a d’autres petites astuces qui existent. Je sais que vous êtes très féru de ce fameux cube de cuisson pour les soupes qui sont des perfusions de sel, qui sont extrêmement salés. Donc on donne ces conseils aux patients et on arrive à limiter leur apport en sel. Et je suis bien d’accord avec vous : je ne parle pas de régime sans sel, je parle de régime raisonnable. Il faut savoir que dans la maladie rénale chronique, on a des patients qui sont hypertendus, qui sont diabétiques, qui ont une maladie rénale chronique avancée, et qui mangent non pas 10, non pas 12 mais 15, 20 g de sel par jour et chez ces patients-là il faut absolument les aider à baisser leurs apports.

X.G. : Il y a quand même une sacrée différence : 10 g on peut facilement manger 10 g dans une journée sans s’en rendre compte et 20 g il faut faire un bel effort ! 20 g c’est qu’on a mangé asiatique et qu’on a pris l’ensemble du litre de sauce asiatique. Donc oui il y a des pièges terribles, il n’y a pas beaucoup de gens qui consomment 20 g, en France en tout cas dans les études qui ont pu être faites.

S. R. : Parce que ces études elles sont faites beaucoup en population générale, elles ne sont pas faites chez les patients qui ont les plus grosses atteintes rénales et hypertensives. Parce que si vous prenez une patientèle de néphrologue, donc on suit, on mesure leur quantité de sel ingéré grâce au recueil des urines des 24 heures, on voit l’excrétion du sel et tous nos patients ne sont pas à 20 g mais c’est pas du tout rare !

X.G. : Nous avons fait la même étude à Paris avec 1800 personnes qui sont venues en hôpital de jour de prévention cardiovasculaire et pour lesquelles on a fait le sodium urinaire des 24 heures et 20 g c’est 0,5 % de notre patientèle. Vous avez peut-être effectivement un foyer à Bordeaux où il y a des grosses consommation de sel, avec des traditions culinaires.

S. R. : En France, ou en tout cas dans l’expérience que j’ai autour de Bordeaux, des populations les plus fragiles, on voit que les apports en sel sont très bien corrélés à la fragilité socio-économique des patients, parce que plus ces patients sont fragiles, plus ils vont prendre des plats cuisinés, de la charcuterie, des aliments moins chers du commerce qui sont bourrés de sel et donc autour de Bordeaux, on a ce qu’on appelle les « anneaux de la pauvreté et de la misère » et donc on a à 60 km de Bordeaux des populations très fragiles et qui ont une alimentation très déstructurée avec des apports de sel importants.

X.G. : Merci beaucoup, à bientôt.

 

 

Les entretiens du Pr Girerd

Dr Romain Boulestreau, cardiologue, Bordeaux

Complications cardiaques graves de l’hypertension : qui est concerné ?

Pr Xavier Girerd : Docteur Boulestreau, vous êtes cardiologue. Peut-on être traité contre l’hypertension et ne pas avoir de complications cardiaques ?

Dr Romain Boulestreau : Je crois qu’on en n’aura pas forcément mais ça dépend de ce qu’il y a autour. C’est-à-dire que si on a que l’hypertension artérielle et qu’elle est bien contrôlée, je pense qu’on n’en aura pas. Si par contre, on a aussi du diabète, qu’on fume, qu’on est obèse et qu’en plus on est hypertendu et qu’on ne se traite pas bien, je crois que c’est inévitable.

X. G. : Un certain nombre de patients que je suis ont 30 ans d’hypertension artérielle bien contrôlée, ils n’ont pas fait d’AVC, ils n’ont pas fait de maladie rénale non plus mais ils font des maladies cardiaques : insuffisance cardiaque, maladie coronaire, troubles du rythme, vous êtes d’accord avec ce classement ?

R. B. : En terme de fréquence de ces complications, le classement que je ferais serait : insuffisance cardiaque en premier, fraction d’éjection préservée plutôt, fibrillation atriale et maladie coronaire.

X. G. : Pourquoi un hypertendu, malgré les traitements, fait quand même les maladies cardiaques ? Pourriez-vous me donner une explication ou il n’y en a pas ? Pourquoi ils font de l’insuffisance cardiaque ?

R. B. : Il y a beaucoup d’explications possibles, la question c’est laquelle est la bonne ! Il y a un problème majeur auquel on est tous confrontés, c’est l’âge. En prenant de l’âge, tous les facteurs de risque, même les mieux contrôlés, s’accumulent et on finit par faire des complications. Il y a un autre problème majeur avec l’hypertension artérielle, et vous êtes le premier à nous l’avoir montré, c’est l’observance. C’est-à-dire qu’on peut être bien contrôlé quand on va voir son médecin mais la pression artérielle entre les consultations n’est pas toujours normale parce que les patients, parfois, peuvent ne pas prendre leur traitement. Et puis il y a toutes les comorbidités dont on a parlé. Dernier élément qui est plus compliqué : parfois, l’hypertension artérielle est due à un problème hormonal et si ce problème hormonal n’est pas traité particulièrement, on peut développer des maladies cardiovasculaires alors même que la pression artérielle est normale.

X. G. : Problème hormonal ne signifie pas que les femmes font plus de complications que les hommes ? Les hommes en font plus que les femmes, vous êtes d’accord ?

R. B. : Je suis complètement d’accord, à une exception près : l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée. Là, c’est très spécifique des femmes ménopausées en particulier, diabétiques, en surpoids, etc, mais c’est plutôt les femmes. Alors que les hommes vont faire plutôt de la maladie coronaire, l’insuffisance cardiaque à FE altérée bien sûr et la plupart des complications cardiovasculaires.

X. G. : Quelles sont les hormones dont vous parlez ? Les hormones des surrénales ?

R. B. : Exactement, l’aldostérone et la rénine. C’est cette hyperaldostéronisme primaire, élévation d’aldostérone avec une rénine qui baisse, et c’est extrêmement fréquent.

X. G. : Avez-vous des chiffres, des données ? Pourriez-vous nous donner le pourcentage de gens qui ont un hyperaldostéronisme qu’on n’a pas détecté et qui ont une maladie cardiaque ?

R. B. : Il y a des chiffres surtout grâce aux Italiens : 6 à 11 % des patients hypertendus qui vont chez le médecin généraliste, pas chez le cardiologue, chez le médecin généraliste tout venant, sont hypertendus et ont un hyperaldostéronisme primaire. 6 à 11 % par exemple, en France, ça fait 1, 5 million de patients par exemple, c’est énorme !

X. G. : Est-ce qu’il y a un groupe de patients qui font des complications cardiaques, qui ont plus cette anomalie que les autres ? Par exemple, ceux qui font un trouble du rythme, avez-vous des informations à nous donner ?

R. B. : Bien sûr, il y a eu de nombreux travaux, dont un travail que vous avez publié.

X. G. : Oui il y a très longtemps, mais il y a peut-être des choses plus récentes ?

R. B. : En tout cas, c’est le travail sur lequel tout le monde se base et qui montre que, quand on a un hyperaldostéronisme primaire, on fait beaucoup plus de fibrillation atriale, d’insuffisance cardiaque, de coronaropathie, d’AVC. Et donc on peut, si on regarde les choses comme ça, les patients qui font des complications ont beaucoup plus fréquemment un hyperaldostéronisme primaire que les patients hypertendus qui n’ont pas encore fait de complication. Et si on prend par exemple le groupe de la fibrillation atriale, les patients hypertendus qui ont fait une fibrillation atriale, 15 à 20 % d’entre eux ont un hyperaldostéronisme primaire, ça fait un patient sur 5, c’est monstrueux.

X. G. : On en vient à une partie de la question de notre vidéo : qui, finalement, est concerné ? J’aimerais que vous nous disiez un peu, du point de vue du patient et puis du point de vue du médecin, comment un patient doit se sentir concerné vis-à-vis du risque ? Il est hypertendu, il est soigné, il prend bien son médicament mais qu’est-ce qui doit lui mettre la puce à l’oreille, pour le patient, puis après je vous poserai la question pour le médecin ? Qu’est-ce qui doit mettre la puce à l’oreille d’un médecin pour se dire ce patient-là il a un risque de faire une maladie, une complication cardiaque grave ? Commençons par le patient.

R. B. : Pour le patient, je pense que si on a une hypertension artérielle qui est contrôlée, qu’on prend bien ses traitements, l’enjeu c’est les comorbidités puisque le patient n’a pas les connaissance médicale. Est-ce qu’il fume, est-ce qu’il a un diabète, est-ce qu’il a une lipidémie, est-ce qu’il fait de l’activité physique…

X. G. : Je suis très content que vous insistiez là-dessus parce que je trouve qu’on a baissé la garde concernant le cholestérol. Comme il y a eu toute cette mauvaise presse autour des statines, maintenant les gens pensent que s’ils mangent bien, ça va régler leur problème de cholestérol. J’aimerais que vous, jeune cardiologue, vous puissiez remettre un peu la réalité : le bilan lipidique, c’est très important !

R. B. : Bien sûr, c’est très important et en plus il y a une croyance sur l’alimentation, qui malheureusement est fausse : on sait que l’alimentation modifie le LDL cholestérol, donc le cholestérol pathogène maléfique, méchant, de 10 à 15 % et que le taux de LDL cholestérol est déterminé plutôt génétiquement. Ce sont les statines, les médicaments et peut-être bientôt d’autres nouveaux médicaments hypolipémiants, qui permettent de diminuer ce LDL franchement et de diminuer le risque. Mais si on a un LDL qui est très haut, le régime ne suffira pas, c’est sûr.

X. G. : Je vais vous poser une question plus précise : on a un patient hypertendu, son bilan initial comporte le bilan lipidique, mais il est traité depuis 20 ans, il a 50 ans, 55, 60, 65, est-ce que ça vaut encore le coup de faire un bilan lipidique ? Est-ce que c’est pas trop tard ? Parce que, à 85 ans, peut-être qu’il n’y a plus grand intérêt à faire le bilan lipidique ? Jusqu’à quel moment ça vaut encore le coup de dépister une anomalie du cholestérol chez un hypertendu ?

R. B. : Ce qui est sûr, c’est que ça vaut le coup extrêmement tard et que les statines, même chez les personnes âgées, ça montre encore un bénéfice en prévention cardiovasculaire, de la mortalité mais surtout à cet âge des événements, et donc la question c’est l’âge physiologique et l’espérance de vie qu’on estime. Je n’ai pas de réponse, pas de cutter tranché, ce qui est sûr c’est que si l’espérance de vie est à moins de 1 an, 2 ans, il n’y a pas de bénéfice. Mais le bénéfice de la statine, et donc du dépistage par le bilan lipidique, reste valable très tard et donc dans les âges qui sont donnés.

X. G. : On va faire une petite note un peu personnelle et d’humour : je viens vous voir en consultation, j’ai 65 ans, j’ai de l’hypertension depuis des années, je suis traité. Vous me faites quand même un bilan lipidique ? Je suis trop vieux ou pas ?

R. B. : Non !

X. G. : Maintenant j’aimerais qu’on se mette du point de vue du médecin : vous êtes médecin cardiologue, vous avez des patients en consultation. Quels sont vos éléments ? Peut-être on va vous dire quels examens vous faites, parce que les médecins ils se basent aussi beaucoup sur les examens ? Quel est le minimum pour pouvoir se dire : ce patient-là, il est à risque, il n’est pas à risque ? Est-ce que vous faites un électrocardiogramme de repos, une échographie, un coroscanner ? Dites-moi ce que vous faites, vous, dans votre pratique.

R. B. : Le bilan minimum, pour moi, c’est évidemment le bilan de l’OMS initial et vérifier la kaliémie, être sûr qu’on n’a pas ce fameux hyperaldostéronisme primaire, en tout cas les arguments pour, ça c’est indispensable. En gardant bien en tête que à peu près la moitié des hyperaldostéronismes primaires ont une kaliémie normale donc il faut être vigilant, ça n’élimine pas. Et l’électrocardiogramme… tout médecin généraliste doit avoir au minimum ça.

X. G. : Electrocardiogramme de repos, on est bien d’accord ?

R. B. : De repos, 12 dérivations tout à fait. Ensuite, si le patient est hypertendu récent, léger, asymptomatique, et que ces examens-là sont normaux..

X. G. : Ça c’est trop facile, c’est l’hypertendu qui a 20 ans de traitement. Il a 20 ans de traitement, il n’a pas fait son AVC, il n’a pas fait la maladie rénale, il va bien, quelqu’un comme moi : quel bilan cardiaque vous faites, ou pas cardiaque, est-ce que c’est vasculaire, est-ce que c’est la vitesse d’onde de pouls, est-ce que c’est les IPS ? Soyez jeune et imaginatif !

R. B. : Bien sûr, le bilan initial : bien regarder le rapport Albuminurie/Créatininurie pour la santé rénale, c’est fondamental, surtout que maintenant on a des nouveaux traitements les iSGLT2, bien vérifier le diabète, le cholestérol on en a parlé, l’ECG de repos, et si je veux aller plus loin effectivement l’échographie cardiaque, la vitesse d’onde de pouls, je crois que maintenant c’est assez facile à faire et ça permet d’évaluer la rigidité artérielle qui est un paramètre absolument fondamental, l’épreuve d’effort, mais on pourra en discuter, moi je reviens un peu dessus : si un patient n’est pas symptomatique, je ne suis pas certain que ça soit indispensable.

X. G. : Je suis d’accord avec vous, jusque-là je suis d’accord.

R. B. : Ensuite, il y a un paramètre qui je trouve prend de plus en plus de place et est de plus en plus intéressant, c’est l’évaluation de la charge en athérome, et donc pour ça on a le doppler des troncs supra-aortiques qui peut être fait extrêmement facilement, et notamment en cabinet de ville, j’ai plein de collègues qui regardent ne serait-ce qu’un coup d’œil, sans voir le côté, mais pour se faire une idée de la charge en athérome, et ensuite la vraie question, récente et brûlante et vous l’avez évoquée, c’est le coroscanner, le score calcique coronaire et le coroscanner, puisque ça prédit très bien le risque. On manque encore un peu de données pour montrer que, en ajoutant cette information au bilan, on modifie la trajectoire des patients, mais par contre c’est un facteur prédictif très puissant du risque.

X. G. : J’ai une petite question, un peu difficile à vous poser : vous êtes cardiologue, vous connaissez beaucoup l’hypertension, mais finalement, j’observe que les cardiologues s’intéressent de moins en moins à l’hypertension. Pour quelle raison ?

R. B. : J’ai une théorie qui n’est que personnelle mais je crois que malheureusement, pour la plupart des cardiologues, il y a beaucoup de flou autour de l’hypertension artérielle. C’est-à-dire que si on ne fait pas de MAPA Holter tensionnel ou d’automesure, on ne sait pas vraiment si la pression artérielle prise au cabinet est fiable ou pas. Et je pense que beaucoup de gens, du coup, ne regardent pas les chiffres hauts parce qu’ils se disent que ça n’est pas fiable. Ensuite, il y a une prise en charge diagnostique avec le bilan de l’OMS – dépister des HTA secondaires qui n’est pas bien maîtrisé et qui du coup entretient un flou sur est-ce que c’est une HTA essentielle ou pas. La titration thérapeutique est très claire maintenant dans les recommandations et depuis un moment. Mais les visiteurs médicaux ont présenté pendant longtemps plus de 180 spécialités antihypertensives différentes, donc les gens ont en tête plus de 5 classes médicamenteuses.

X. G. : Vous avez l’air de dire que pour que les cardiologues s’y intéressent, il faudrait simplifier les messages et simplifier les traitements ?

R. B. : Oui c’est d’ailleurs ce que vous avez fait.

X. G. : Oui et ça n’a pas marché puisque, au début de ma carrière, les cardiologues s’intéressaient beaucoup à l’hypertension. Et maintenant je trouve qu’ils s’y intéressent beaucoup moins et c’est difficile de trouver de vrais experts ! Merci d’être venu vous entretenir avec moi, je vous souhaite une brillante carrière de cardiologue.

 

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